Émilie Pelletier et Thomas Laberge, Le Soleil, publié le 31 janvier 2023
L’air qui flotte à Limoilou continue d’être «une préoccupation à plusieurs niveaux», selon les auteurs d’un rapport indépendant déposé mardi. Et la liste des coupables est longue.
Fortement inquiets depuis au moins une dizaine d’années de la qualité de l’air dans Limoilou, des citoyens militent pour une diminution de la pollution près de chez eux.
L’augmentation de la norme de nickel par Québec, il y a quelques mois, n’a fait qu’attiser les craintes. À l’oeuvre depuis février dernier, le Groupe de travail sur les contaminants atmosphériques indique toutefois que la pollution que ce métal engendre n’est pas la principale source dans le quartier.
Le touffu rapport de plus de 1200 pages indique tout de même que «malgré des mesures d’atténuation mises en place», la limite quintuplée est toujours dépassée dans le Vieux-Limoilou, ce qui demeure «inacceptable» aux yeux de citoyens.
Cette «rigoureuse» démarche, que le chef de l’opposition officielle de l’hôtel de ville de Québec qualifie de «revue de la littérature», prouve que le gouvernement Legault devrait reculer sur l’assouplissement de sa norme, croit-il.
Claude Villeneuve incite par ailleurs le Port de Québec à «se poser des questions et examiner ses procédés» sur le transbordement et l’entreposage de nickel. Le vrac solide et ses poussières manutentionnées à ciel ouvert dans ses installations sont entre autres pointés du doigt dans le rapport.
Comme lui, le député solidaire de Jean-Lesage, Sol Zanetti, très actif dans le dossier, juge que «le ministre de l’Environnement a eu tort d’augmenter cette norme-là».
Il ne demande rien de moins au gouvernement que de revenir à la précédente limite, tout en écorchant le Port au passage. «Il y a beaucoup de mesures d’atténuation pour le Port de Québec. […] Si des mesures importantes sont proposées, c’est parce que le Port à un rôle important à jouer dans la mauvaise qualité de l’air à Québec», a-t-il asséné.
« L’enjeu de la qualité de l’air dans le secteur Limoilou-Basse ville est aussi préoccupant quand on la compare à d’autres secteurs de la ville de Québec et d’autres villes au Québec et au Canada » — Extrait du rapport du Groupe de travail sur les contaminants atmosphériques
Le maire de Québec, interpellé par Jackie Smith, conseillère municipale de Limoilou pour «exiger du Port que ses activités soient sous couvert», affirme sentir une «volonté» de la part du Port d’améliorer ses pratiques.
Dans un communiqué, le président-directeur général du Port, Mario Girard, s’engage d’ailleurs à «appuyer l’entreprise Glencore pour maintenir de bonnes pratiques et l’amélioration continue des conditions d’opération».
Plusieurs «coupables»
Loin d’être à la recherche d’un «coupable», le maire Bruno Marchand invite tous les acteurs concernés à prendre leur «part de responsabilité». Industriels, citoyens et élus, «on doit tous se sentir concernés pour améliorer la qualité de l’air», nomme-t-il.
En plus du nickel, trois autres polluants sont en effet considérés comme «plus à risque pour la population» : les particules fines et respirables (PM2,5), pour lesquelles les concentrations sont parmi «les plus élevées de la province», les poussières/particules en suspension totales (PST), et l’oxyde d’azote (NOX).
« Personne ne peut s’en laver les mains » — Bruno Marchand, maire de Québec
Les industriels, le transport, le chauffage au bois résidentiel et l’incinérateur sont eux aussi considérés comme ayant un impact sur la qualité de l’air à Limoilou.
Rapport attendu
Ce rapport, qui se conclut par une série de recommandations, fait suite à un mandat donné au Groupe de travail sur les contaminants atmosphériques par le ministère de l’Environnement.
Les constats des experts étaient initialement attendus le 1er décembre, mais le ministre de l’Environnement, Benoit Charette, avait autorisé deux reports à l’équipe. Le document a finalement été rendu public mardi.
Invité à commenter les conclusions à son entrée au conseil des ministres, ce dernier a reconnu n’avoir pas complété sa lecture.
Benoit Charette a plus tard écrit brièvement sur Twitter qu’il prendrait «le temps d’analyser le rapport» et que «s’il y a des actions à prendre, nous allons travailler ensemble pour assurer une meilleure qualité de l’air du secteur».
La Ville de Québec, par la mise en service de son usine de biométhanisation, son projet de tramway, ses incitatifs de remplacement des foyers air bois et sa plantation d’arbres, soutient également être «en action».
Les ministères impliqués, le Port et la Ville de Québec ont tenu lundi une rencontre conjointe «pour voir quelle suite donner à ce rapport», a-t-on fait savoir. Avec les informations d’Olivier Bossé