Le rapport sur la qualité de l’air à Limoilou critiqué pour son imprécision

Érik Chouinard, Radio-Canada, publié le 6 février 2023

Le groupe Initiative vigilance citoyenne du Port de Québec critique le récent rapport sur la qualité de l’air dans Limoilou. Selon eux, ce rapport dévoile « bien peu de choses » et s’attarde à des généralités plutôt que d’examiner les éléments locaux qui contribuent à la pollution atmosphérique du secteur.

Quelle est la raison des taux anormaux de pollution? Et ça ne pourra jamais s’expliquer par des situations qui [se produisent] à la grandeur du territoire, voire de la planète, résume la porte-parole du groupe citoyen, Véronique Lalande. Rappelons que ce même groupe avait mené des recours collectifs devant les tribunaux contre l’administration portuaire dans le passé.

Dans une lettre ouverte diffusée lundi, Véronique Lalande estime que le rapport produit par le Groupe de travail sur les contaminants atmosphériques à Limoilou accorde trop d’importance au poêle à bois dans le portrait global de la pollution en Basse-Ville.

Les chiffres rapportés pour le chauffage par exemple se basent sur l’estimation que la population de Québec représente une proportion de 9,9 % de la population provinciale en 2016, soit environ 800 000 habitants. Mais cette valeur coïncide plutôt avec la population de la région métropolitaine de recensement de Québec, ce qui inclut Lévis.

Les auteurs de la lettre soutiennent donc qu’en considérant la population réelle de Québec – un peu moins de 550 000 habitants –, l’estimation des émissions de particules fines par le chauffage résidentiel baisse de 35 %.

Extrapolation « périlleuse »

Le groupe citoyen critique la méthodologie du groupe de travail mandaté par Québec.

Utiliser les statistiques provinciales pour après ça les fractionner et les transposer à Québec en utilisant la grande région de recensement de Québec, puis venir dire voici ce qu’on retrouve dans la Basse-Ville, ça, selon nous, c’est extrêmement questionnable sur le plan méthodologique, précise la porte-parole.

Le chauffage au bois est probablement moins répandu dans les quartiers centraux majoritairement occupés par des immeubles de logements, selon elle.

Il suffit de monter au sommet du Complexe G par un froid après-midi d’hiver pour constater l’absence de cheminées fumantes dans le secteur à l’étude. Si le chauffage au bois est si problématique en Basse-Ville, qu’est-ce que ce doit être dans les banlieues de Québec!, argumente le groupe dans la lettre.

Le rapport du Groupe de travail mandaté par Québec formule lui-même des mises en garde qui vont en ce sens.

Ce genre d’exercice est périlleux dans la mesure où on parle d’inventaires qui sont à l’échelle nationale ou provinciale. Extrapoler à une échelle très, très petite, à partir de très gros chiffres, ça amène son lot d’erreurs, admet Jean-Pierre Charland, celui qui était le président du groupe de travail.

Il avoue aussi que la méthodologie choisie n’était pas optimale. Je suis tout à fait d’accord avec l’un de leurs constats, à savoir que seule une analyse des données locales permettrait de distinguer les contributions des différents secteurs, comme le chauffage, le transport automobile, etc., mentionne-t-il.

La question du port évitée?

Le groupe citoyen estime que le Port de Québec et sa contribution à la pollution dans l’air sont peu mentionnés dans le rapport.

Il faut arrêter de dire qu’on ne le sait pas : on le sait ce qui influence négativement de façon anormale la qualité de l’air de ce secteur, et c’est ce joueur qu’on ne retrouve pas ailleurs, s’insurge Véronique Lalande.

Glencore, la compagnie qui a des activités de manutention du nickel au Port de Québec, a d’ailleurs refusé de partager avec le Groupe de travail les résultats de ses instruments de mesure privés.

Pour avoir un signal très clair, il manque toutes les données qu’on exclut, c’est-à-dire celles qui documentent toutes les contaminants qu’on retrouve en périmètre des activités portuaires, donc ce qui rentre, ce qui en sort, parce que le port a choisi de ne pas les communiquer, ajoute la porte-parole.

D’autres rapports en cours

En réponse aux critiques du groupe citoyen, le président du groupe de travail, Jean-Pierre Charland, précise que le rapport doit être vu comme le premier bloc d’un travail de longue haleine.

Notre mandat, c’était de faire la revue avec ce qui était disponible, et on a quand même ajouté de nouvelles données. Mais on ne s’est pas lancés dans des études exhaustives, on n’avait pas les moyens de faire ça, soutient Jean-Pierre Charland.

Il indique que l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) travaille avec des chercheurs de l’Université de Montréal pour développer un modèle plus précis.

M. Charland affirme que les prochaines étapes sont entre les mains du ministère de l’Environnement. Ce n’est pas moi qui ai concocté la stratégie de communication, c’est le ministère. À savoir s’il y aura une suite potentielle, il faut leur demander, c’est hors de mon contrôle, remarque-t-il.

D’après Véronique Lalande, il faut en finir avec l’accumulation de rapports. Au final, il est temps qu’on arrête de faire des rapports, qu’on arrête de faire des comités et qu’on mette en place des actions réelles pour régler la pollution atmosphérique, réclame la porte-parole.

Devant les arguments du groupe Initiative vigilance citoyenne du Port de Québec, l’administration municipale répète qu’elle prend ses responsabilités sur la qualité de l’air dans la Basse-Ville. Au printemps, d’autres données, collectées avec l’initiative de collaboration instaurée dans la dernière année, viendront compléter le portrait et pourront orienter davantage nos actions, promet la conseillère municipale responsable du dossier de l’environnement, Marie-Josée Asselin.

Avec la collaboration d’Olivier Lemieux et de Julien Fontaine-Doray

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