Un trio de poids pour s’attaquer à la qualité de l’air

ÉMILIE PELLETIER, Le Soleil, publié le 2 juin 2022

La Ville de Québec, le Port de Québec et le ministère de l’Environnement unissent leurs forces dans un partenariat officiel pour «améliorer la connaissance de la qualité de l’air». Le quartier Limoilou sera le premier visé, avec l’ajout de nouvelles stations d’échantillonnage.

Devant un enjeu «criant» de qualité de l’air à Québec et une norme augmentée de nickel qui n’a fait que soulever les passions de citoyens inquiets de baigner dans une «soupe» chimique, le maire Bruno Marchand a pris le taureau par les cornes. 

Pour enfin avoir le coeur net des polluants qui flottent dans l’air, il a réuni le Port de Québec et le ministère de l’Environnement. Le maire Marchand espère une «meilleure collaboration» afin de comprendre et modéliser les enjeux de pollution atmosphérique. «Les temps sont mûrs, il y a un besoin, une préoccupation et une volonté commune», a-t-il exprimé lors d’une annonce, jeudi. 

Assis autour d’une même table pour présenter leur plan, la Ville, le Port et le ministère de l’Environnement feront équipe pour brosser un portrait «exhaustif et rigoureux» en temps réel de la qualité de l’air sur le territoire.

Ils seront appuyés scientifiquement par des experts de l’Université Laval et de l’Institut national d’optique. La Santé publique sera elle aussi «partie prenante» de la démarche. 

Le ministre Benoit Charette y voit une démarche «crédible» susceptible de «rassurer la population qui souhaite une qualité de l’air dans ces secteurs».

«La qualité de l’air dans la Cité-Limoilou, c’est une préoccupation qui est importante. On a un devoir collectif de rassurer les citoyens», estime lui aussi le pdg du Port, Mario Girard.

Un «réseau» et des actions

Ceinturée par les autoroutes, l’incinérateur municipal et le Port de Québec, la basse-ville de Québec fera l’objet d’une analyse en priorité. Le réseau de capteurs et de stations d’échantillonnage sera ainsi bonifié, passant d’un à huit au cours des prochaines semaines.

Tel que promis en février, le ministère de l’Environnement procédera notamment à l’installation d’une station d’échantillonnage prochainement sur l’avenue de Vitré, dans Maizerets, en complément à celle en place dans le Vieux-Limoilou. Elle détectera 29 métaux et différentes autres particules. Le Port ajoutera aussi une station mobile aux deux déjà implantées dans ses installations. La Ville sera responsable de trois autres temporaires, dont la localisation reste à déterminer.

«On part du constat, tous ensemble, qu’on doit d’abord se baser sur la science. Pour faire en sorte que soient assises sur des bases solides les analyses qu’on va faire sur les contaminants atmosphériques», exprime le maire, assurant que toutes les données récoltées seront rendues publiques aux citoyens dès la fin de l’automne. 

En fonction des résultats sur la source et la nature des polluants, le maire Bruno Marchand jure que «personne ici ne veut se couvrir le derrière». «Si c’est l’incinérateur, on ne se cachera pas. Le Port de Québec ne se cachera pas», assure-t-il.

Et dans le cas contraire, où un manque de collaboration s’observerait, «vous allez voir que la pression va rentrer par camions», illustre le maire. 

Déjà mobilisés

Cette nouvelle démarche survient à peine plus d’un peu plus d’un mois après l’entrée en vigueur de la nouvelle norme sur le nickel, laquelle autorisait de quintupler la limite d’émissions dans l’air. Elle s’ajoute à l’initiative Limoil’Air lancée tout récemment par des citoyens visant l’installation par eux-mêmes de 75 capteurs un peu partout dans Limoilou. L’administration Marchand y contribuera également via 15 capteurs fixés sur des bâtiments municipaux.

Il faut dire qu’il y a longtemps que des citoyens ont pris l’enjeu à bras-le-corps. Mais ils «ne devraient pas être les seuls porteurs» de cette cause, estime Bruno Marchand. 

«Voici l’objectif vers où nous allons nous rendre et nous allons trouver les moyens, au fil des mois et au fil des années, pour faire en sorte […] qu’on arrive à cette destination d’améliorer la qualité de l’air pour tous», ambitionne-t-il. Une phase subséquente de la concertation se déploiera  d’ailleurs éventuellement dans le Vieux-Québec et Beauport.

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CE QU’ILS ONT DIT

Claude Villeneuve, chef de l’opposition officielle de l’hôtel de ville de Québec

«Ça va vraiment dans le sens qu’on croit qu’on doit aller […] Toutefois, c’est des annonces qui surviennent beaucoup trop tard à notre avis. Pourquoi on nous annonce ça après avoir augmenté la norme de nickel au Québec? Pourquoi toute cette démarche-là n’a pas précédé la révision réglementaire qui a eu lieu? […] On a travaillé à l’envers, on n’était pas prêt à augmenter la norme du nickel et je pense que devant de telles observations, on devrait, s’il est possible de le faire, revenir en arrière, parce manifestement, on a encore des choses à comprendre et à savoir.» 

Jackie Smith, cheffe de Transition Québec et conseillère municipale de Limoilou

«La mise en place de nouvelles stations pour mesurer la pollution de l’air, dont les données seront partagées avec le public, c’est une grande victoire pour la population de Québec qui se mobilise depuis maintenant 10 ans pour une meilleure qualité de l’air. Cette annonce vient encore miner la hausse de la norme de nickel du ministre Charette, qui reconnaît qu’il y a un manque de données, mais qui va tout de même de l’avant avec sa hausse.» 

Sol Zanetti, député solidaire de Jean-Lesage

«Si le ministre Charette pense que cette annonce va faire oublier aux gens de Limoilou et de Beauport sa hausse de la norme de nickel, il se trompe! Il doit revenir sur sa décision de hausser la norme de nickel, point à la ligne. Cela dit, l’ajout de nouvelles stations de mesure de la qualité de l’air est un pas dans la bonne direction, et je tiens à saluer le leadership du maire Marchand dans ce dossier. Maintenant, il faut que les données récoltées grâce à ces stations soient rendues publiques afin que l’on puisse avoir l’heure juste quant à la pollution dans l’air.»

Marcel Paré, porte-parole de la Table citoyenne Littoral Est

«Il y a un camion de données déjà disponibles. On salue le leadership du maire de Québec, on peut reconnaître sa bonne foi, mais il s’assoit avec des acteurs qui n’ont pas su faire preuve, à date, de sensibilité auprès de la communauté et qui se sont montrés très réticents à intervenir.  C’est une solution bien pensée pour une partie de la ville de Québec, mais est-ce suffisant pour tout le territoire? C’est une initiative qui est née de la pression de la communauté. Après 10-15 ans, on ne prendra pas ça comme des Calinours.»

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