MARIE-SOLEIL BRAULT, Le Soleil, 18 mai 2022
Un fleuve Saint-Laurent interconnecté. Voilà le vœu des administrations portuaires pour renforcer le positionnement stratégique de l’industrie maritime, qui, entre vent et marée, s’est illustré comme un maillon essentiel dans le tissu économique québécois lors de la pandémie.
Le constat a été énoncé lors de la deuxième année des Assises québécoises de l’industrie maritime, mercredi, à Trois-Rivières.
Plusieurs acteurs du milieu se sont rassemblés pour discuter d’enjeux au cœur de l’écosystème économique, au lendemain de grandes perturbations – qu’il faut toutefois toujours garder à l’œil – dans la chaîne d’approvisionnement mondiale.
Pour ce faire, le renforcement du corridor économique, ou autrement dit, de la colonne vertébrale qu’est le fleuve Saint-Laurent, doit faire partie des priorités d’avenir pour cette industrie dont l’impact se situe à 2,5 milliards $ annuellement.
Et cela se traduit par une collaboration serrée des décideurs portuaires afin de profiter du grand potentiel marchand de l’artère bleue entre la rivière Saguenay et le grand fleuve.
«Quand on regarde sur la scène internationale, le Québec est un relativement petit joueur en matière de tonnage et de ligne maritime, explique Mathieu St-Pierre, président-directeur général de la Société de développement économique du Saint-Laurent (SODES). Toutefois, avec son positionnement géographique, il est également la porte d’entrée de l’Amérique du Nord. Il faut arrêter de se voir en compétition et travailler tous ensemble pour vendre les forces du Saint-Laurent pour être capable d’aller tirer profit de la hausse du trafic maritime.»
La stratégie de positionnement qui semble faire le plus écho dans les ports de Québec, Montréal et Trois-Rivières est celle de faire front commun pour promouvoir le Saint-Laurent comme un tout et un atout. «Il faut qu’ensemble, internationalement, on rayonne», lance Mario Girard, président-directeur général de l’Administration portuaire de Québec, puisque les défis commerciaux, environnementaux et logistiques ne sont pas tous fragmentés. Ils sont parfois partagés par chacun des secteurs longeant le fleuve, mais aussi par les instances terrestres, ajoute Mathieu St-Pierre.
«C’est la même chose avec les armateurs, les arrimeurs, les compagnies ferroviaires ou le routier. Il faut le voir comme un tout, car s’il y a de l’engrenage dans une partie de la chaîne, c’est toute la chaîne qui écope.»
Selon les données de la SODES, le Québec recense 27 000 travailleurs dans le secteur maritime.
Des obstacles
À travers Avantage Saint-Laurent et une enveloppe de près d’un milliard $, le gouvernement du Québec s’est engagé à moderniser plusieurs infrastructures portuaires d’ici 2025.
Les ports de Gros-Cacouna, Rimouski, Matane, Gaspé, dans l’Est, ont d’ailleurs pu profiter récemment d’une partie de ce montant, à la suite d’une tournée de la ministre déléguée aux Transports, Chantal Rouleau, qui leur a octroyé 138 M$ pour la réfection de leurs installations.
Ces investissements nécessaires sont grandement appréciés par les acteurs du milieu, mais ils ne suffiront pas à renforcer de manière pérenne le potentiel du projet de corridor intelligent lancé par le ministère des Transports, selon le constat tiré par les Assises.
Les administrations portuaires sont régies par la loi maritime du Canada, promulguée en 1998. Depuis, le monde a changé et l’industrie suit à faible noeud la tendance.
Entre la hausse du trafic de marchandise, l’évolution de la chaîne de logistique associée aux importations et aux exportations et les changements géopolitiques qui peuvent causer des maux dans les échanges internationaux, cette loi n’est plus aussi ajustée aux réalités d’aujourd’hui.
Et elle rend les intentions nobles de collaboration difficile à concrétiser, selon les PDG des ports de Québec, Montréal et Trois-Rivières, ainsi que Mathieu St-Pierre. Même si «elle est encore très bonne, nuance Mario Girard, elle a été façonnée de façon à créer une concurrence entre les ports».
«La loi maritime est un frein puisque celle-ci met les ports dans un contexte de concurrence entre eux, précise Mathieu St-Pierre. Alors, quand vient le temps de faire de la promotion ou des partenariats sur le plan technologique ou environnemental, ça devient excessivement compliqué.»