OTTAWA DIT NON AU PROJET DE TERMINAL LAURENTIA

JULIEN ARSENAULT, LA PRESSE, 30 juin 2021

Après six années de démarches, le projet de terminal portuaire Laurentia se heurte au refus du gouvernement Trudeau, ce qui contraint l’Administration portuaire de Québec à « regarder vers l’avant » et à trouver d’autres moyens pour « assurer le développement de [ses] activités ».

Ce verdict d’Ottawa est tombé seulement deux semaines après l’avis défavorable livré par l’Agence d’évaluation d’impact du Canada, qui soulevait des risques pour la qualité de l’air dans les quartiers situés à proximité ainsi que pour l’écosystème de la baie de Beauport, où les promoteurs souhaitaient ajouter une ligne de quai de 610 mètres en eau profonde.

L’agence fédérale avait également jugé que les mesures d’atténuation proposées par le Port de Québec étaient insuffisantes. Le rapport avait incité le ministre fédéral de l’Environnement et des Changements climatiques, Jonathan Wilkinson, à remettre le dossier entre les mains du Conseil des ministres.

« Au XXIe siècle, le développement économique doit se faire dans le respect de l’environnement. Après un examen approfondi des renseignements pertinents, notre gouvernement a pris la décision de ne pas autoriser le projet. »

— Jean-Yves Duclos, député de Québec et président du Conseil du Trésor, dans une déclaration

La lecture du président-directeur général du Port de Québec Mario Girard – qui n’était pas disponible pour accorder des entrevues – était différente.

Dans un communiqué, il a souligné être convaincu que des solutions existaient pour répondre aux préoccupations de l’Agence et de Pêches et Océans Canada. Une analyse « approfondie des impacts de la décision du gouvernement fédéral » sera menée au cours des prochains mois.

« Le port de Québec est l’un des cinq plus grands ports au pays et demeure déterminé à poursuivre sa mission, a indiqué M. Girard. Nous devons maintenant réfléchir sur les manières de tirer profit de ces forces distinctives […] et cela, dans le contexte de la décision prise par le gouvernement fédéral. »

POUR GROS NAVIRES

Le modèle d’affaires du projet Laurentia s’appuyait sur sa capacité à accueillir d’immenses navires, dont la capacité dépasse 15 000 conteneurs, qui ne peuvent actuellement se rendre jusqu’à Montréal en raison de leur tirant d’eau trop élevé. Cela ne devait donc pas nuire au port de Montréal, mais certains experts doutaient de ce scénario.

Québec visait une capacité maximale de 700 000 EVP (équivalents vingt pieds) pour son terminal estimé à 775 millions de dollars. Laurentia avait noué des partenariats avec Hutchison Ports, l’un des plus importants gestionnaires de ports du monde, ainsi qu’avec la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada.

La mouture initiale du projet tablait sur un quai de vrac liquide. Les promoteurs avaient par la suite opté pour un terminal de conteneurs en 2018.

Le gouvernement Legault a également exprimé sa déception par l’entremise d’une déclaration de la ministre de la Sécurité publique, Geneviève Guilbault, également ministre responsable de la Capitale-Nationale.

« C’est sûr que c’est décevant. Pour la grande région de Québec, l’Est, la Côte-Nord et le Bas-Saint-Laurent, Laurentia était un moyen de survie au chapitre de la compétitivité. »

— Pierre Dolbec, président de la Corporation des parcs industriels du Québec, qui figurait parmi les partisans du projet

Pour Alice-Anne Simard, directrice générale de Nature Québec, qui fait partie de la coalition SOS Port de Québec, la décision du gouvernement Trudeau devrait signaler que la porte est « définitivement » fermée à tout projet d’agrandissement industriel du port de Québec.

« Le port devrait mettre tous ses efforts à moderniser, nettoyer et mettre sous couvert ses installations, qui sont parmi les plus vieilles du pays », a-t-elle fait valoir.

PAS DE SURPRISE

Pour sa part, le professeur émérite à l’Université Concordia et spécialiste du transport maritime, Brian Slack, ne s’est pas montré surpris du dénouement. Si Ottawa a évoqué des raisons environnementales, M. Slack, lui, doutait de la pertinence du projet Laurentia.

Dans un courriel, l’expert a souligné que les promoteurs n’avaient pas été en mesure d’identifier clairement les marchés potentiels pour Laurentia et d’expliquer comment le projet serait complémentaire aux installations portuaires situées à Montréal.

En ce qui a trait à la métropole, le sort du projet Contrecœur, qui propose la construction d’un terminal pour manutentionner annuellement 1,15 million de conteneurs EVP afin de doubler la capacité de l’Administration portuaire de Montréal, est également entre les mains des autorités fédérales.

Les promoteurs ont obtenu le feu vert du gouvernement fédéral, mais la problématique concerne le chevalier cuivré, une espèce menacée de disparition. En mai dernier, le gouvernement Trudeau a protégé une partie de l’habitat de ce poisson, qui est partiellement chevauché par le chantier.

L’enjeu, pour le Port de Montréal, est de tenter d’obtenir un permis de Pêches et Océans Canada en vertu de la Loi sur les espèces en péril. Celle-ci ne prévoit que trois exceptions pour intervenir dans un habitat essentiel désigné officiellement. Ce processus pourrait s’échelonner sur de nombreuses semaines, voire des mois.

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