Le fédéral dit officiellement non au projet Laurentia

David Rémillard, Radio-Canada, le 29 juin 2021

Le gouvernement fédéral a tranché : le projet de terminal de conteneurs Laurentia n’atteint pas les standards de développement économique dans le respect de l’environnement. Après des années de démarches et des millions de dollars d’investissements, le Port de Québec voit ainsi son projet d’agrandissement officiellement rejeté.

Le gouvernement a rendu sa décision ce mardi, à peine deux semaines après la publication de l’avis final défavorable de l’Agence d’évaluation d’impact du Canada (AEIC).

Les voyants étaient déjà au rouge à la lecture de ce rapport, qui évoquait des risques pour la santé humaine et l’écosystème de la baie de Beauport, où l’on envisageait d’ajouter une ligne de quai de 610 mètres en eau profonde.

Le ministre fédéral de l’Environnement et du Changement climatique, Jonathan Wilkinson, avait de plus refusé de donner son appui à Laurentia après la réception du bilan de l’Agence. Il avait plutôt envoyé le dossier pour décision au conseil des ministres, lequel vient officiellement de rejeter le projet.

Pas digne du 21e siècle

La décision finale a été annoncée par le bureau du député de Québec et président du Conseil du Trésor, Jean-Yves Duclos. Après un examen approfondi des renseignements pertinents, notre gouvernement a pris la décision de ne pas autoriser le projet, peut-on lire dans une déclaration rendue publique cet après-midi.

« Au 21e siècle, le développement économique doit se faire dans le respect de l’environnement. » Extrait du communiqué du cabinet de Jean-Yves Duclos

Le gouvernement fédéral rappelle que, selon l’AEICAgence d’évaluation d’impact du Canada, le terminal de conteneurs de 775 millions $ était susceptible d’entraîner des effets négatifs importants sur la qualité de l’air […] de même que sur le poisson et son habitat.

Long parcours

Le projet d’expansion du Port de Québec, d’abord appelé Beauport 2020, faisait l’objet d’analyses depuis 2015 devant l’AEICAgence d’évaluation d’impacts du Canada. Une première mouture prévoyait au départ un quai en eau profonde pour augmenter la capacité de transbordement de vrac liquide.

Ce projet est finalement devenu un projet de terminal de conteneurs en 2018. Le projet, dont les détails ont été dévoilés l’année suivante, a été rebaptisé Laurentia. Lors de son annonce, le Port de Québec l’avait présenté comme un terminal vert, automatisé et à la fine pointe de la technologie.

Le Port de Québec, qui avait reçu des appuis du maire de Québec Régis Labeaume et du premier ministre François Legault, était parvenu à consolider 500 millions $ d’investissements privés avec le géant mondial Hutchison Ports ainsi que le Canadien National.

Après un premier avis défavorable l’automne dernier, le Port de Québec avait obtenu une extension de l’AEIC afin de produire de nouveaux documents dans l’espoir de faire pencher la balance en sa faveur en prévision du rapport final. L’administration du président du Port, Mario Girard, a cependant échoué lors de cette ultime tentative.

Le projet ne faisait pas non plus l’unanimité dans la population ni au sein de la classe politique. Des groupes de citoyens et environnementaux ainsi que des élus provinciaux et municipaux se sont opposés au projet au cours des derniers mois.

Porte ouverte

Le fédéral prend soin de préciser au terme de son communiqué que cette décision négative ne concerne que le projet Laurentia. Il n’empêche pas l’Administration portuaire de Québec [APQ] d’élaborer de nouvelles propositions de projet pour poursuivre son appui au développement de notre région, mentionne le cabinet de Jean-Yves Duclos.

Ce dernier souligne que le Port de Québec est un acteur clé du transport maritime et assure que notre gouvernement continuera de soutenir l’APQ et les autres administrations portuaires du pays pour développer l’économie et créer des emplois de façon durable.

Entre déception et soulagement

À Québec, la décision a été accueillie avec déception par le gouvernement caquiste. Il est important de soutenir des projets économiques porteurs pour notre Capitale-Nationale. Votre gouvernement va continuer de travailler à notre essor économique, a indiqué Geneviève Guilbault, ministre responsable de la région sur Twitter.

Nous sommes naturellement bien déçus de ce dénouement. Il est regrettable que nous n’ayons pas pu réussir à réconcilier l’avis de nos experts avec celui des spécialistes du ministère des Pêches et Océans et de l’Agence d’évaluation d’impact du Canada, particulièrement sur la question du bar rayé, a fait savoir Mario Girard, PDGprésident-directeur général du Port de Québec, par voie de communiqué.

Le Port de Québec ajoute qu’il va réaliser une analyse approfondie des impacts de la décision du gouvernement fédéral dans le but d’assurer le développement de ses activités au bénéfice de sa communauté et de l’économie du Québec et du Canada.

En revanche, Sol Zanetti, député solidaire de Jean-Lesage et fervent opposant au projet, confie avoir sauté de joieC’est un grand soulagement, commente-t-il aussi.

Avec une élection qui s’en vient, on ne pouvait pas autoriser un projet qui allait nuire à la qualité de l’environnement à Québec sans en payer le prix électoralement. Cette victoire-là va aux citoyennes et aux citoyens de Québec, juge le député.

Le Parti québécois, par la voix de Sylvain Gaudreault, porte-parole en matière d’environnement, rappelle que cette saga démontre que les ports devraient passer sous juridiction québécoise et être ainsi soumis aux règles d’évaluation environnementale du Québec, plus sévères et prévoyant une meilleure participation du public dans l’analyse des projets.

Avec les informations d’Édith Hammond et de Hadi Hassin

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