ÉMILIE PELLETIER, Le Soleil, 22 mai 2021
Une marche funèbre a mené le projet Laurentia à son dernier repos, samedi. Pour que le terminal de conteneurs du Port de Québec devienne chose du passé, des centaines de citoyens ont demandé au fédéral de planter le «dernier clou dans le cercueil».
«Dans tous ses aspects, Laurentia est sans fondement. Ce n’est qu’un projet insensé qui va avoir des impacts majeurs sur la qualité de l’air, les poissons, les oiseaux, les activités récréotouristiques à la Baie de Beauport, le patrimoine, puis le visuel», dénonce Véronique Lalande, porte-parole de l’initiative citoyenne de vigilance du Port de Québec.
Elle coorganisait la marche «Bloquons Laurentia» avec la Table citoyenne Littoral Est.
Duclos et le clou
En plus de citoyens, de groupes militants, environnementaux et étudiants, de nombreux candidats municipaux et aspirants à la mairie de Québec ont pris part à l’événement au départ du parvis de l’église Saint-Roch en début d’après-midi, samedi. Le cortège s’est ensuite dirigé vers le boulevard Charest, pour finalement terminer son parcours à la Place de l’Université du Québec.
Avant même que Laurentia ne prenne vie, quelques centaines de manifestants ont crié pendant tout le trajet pour que sa mort survienne plus tôt que tard: ils demandent au gouvernement fédéral de ne pas donner son aval à un projet «mort-né» qu’ils qualifient d’«écocide».
Les oreilles du président du Conseil du trésor Jean-Yves Duclos ont probablement bourdonné en cours de route. Selon le député solidaire Sol Zanetti, dont l’opinion est tranchée en défaveur de Laurentia, M. Duclos a intérêt à entendre la demande qui lui a été faite samedi, sans quoi «il va en payer le prix aux élections».
«Duclos, viens mettre le clou», ont scandé pendant de longues minutes les opposants, en cette Journée internationale de la biodiversité.
Devant le bureau du député fédéral, le convoi a déposé un cercueil surplombé d’une couronne de fleurs avant de procéder à une cérémonie «d’enterrement» du projet de terminal de conteneurs élaboré par le Port de Québec.
«Portes closes»
Comme le rapport final de l’Agence d’évaluation d’impact du Canada (AEIC) doit être déposé au plus tard le 10 juin, les manifestants réunis pour l’occasion ont lancé un dernier «cri du coeur» avant qu’Ottawa ne se prononce sur l’avenir du controversé projet Laurentia.
Dans la version préliminaire de son rapport, l’organisation canadienne concluait déjà que le terminal de conteneurs aurait des «effets environnementaux négatifs importants», notamment sur les poissons et leur habitat, de même que sur la qualité de l’air et la santé humaine.
Quelques mois plus tard, au début mai, les ministères de la Santé et de l’Environnement ainsi que Pêches et Océans Canada maintenaient des avis défavorables envers le futur quai à construire.
Une extension sollicitée par l’administration portuaire devait lui permettre d’«inclure toutes les informations requises» avant la production du rapport final de l’AEIC. Ces démarches n’ont pas suffi à convaincre les ministères fédéraux du bien-fondé du projet de 775 millions $.
«Tout ce délai demandé par le port, c’était pour faire du lobby et attacher des fils derrière des portes closes», pense Mme Lalande.
«Malgré les prouesses faites par le Port de Québec, ça ne passe pas ni d’un point de vue de santé publique, ni pour la qualité de l’air, ni pour la protection des écosystèmes aquatiques», défend Simon Parent, membre fondateur de la Table citoyenne Littoral Est.
«Ce qu’on vient affirmer aujourd’hui c’est qu’en plus, Laurentia n’a aucune acceptabilité sociale», ajoute-t-il avec pour «preuve» un nombre important de manifestants regroupés devant lui.
«Ça prend une mort pour que renaisse l’espoir. Aujourd’hui on enterre Laurentia et demain renaîtra enfin le changement», termine avec optimisme Véronique Lalande, porte-parole de l’initiative citoyenne de vigilance du Port de Québec.