La confusion actuelle sur le statut du poisson continue d’impatienter de nombreux groupes d’intérêts.
David Rémillard, Radio-Canada, le 4 juin 2021
La Fédération québécoise des chasseurs et pêcheurs ajoute sa voix à celle du ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs pour demander au gouvernement fédéral de retirer le bar rayé du Saint-Laurent de la liste des espèces en péril. Le poisson se trouverait aujourd’hui en abondance de Montmagny jusqu’à Montréal, bien qu’il soit toujours considéré comme « en péril » au sens de la loi.
Marc Renaud, président de la Fédération (FédéCP), a pris la plume la semaine dernière et s’est adressé directement au ministre de l’Environnement et du Changement climatique, Jonathan Wilkinson. Son objectif : rouvrir la pêche au bar rayé dans le fleuve.
Il faut que le bar rayé, population du fleuve Saint-Laurent, soit retiré de la liste des espèces en péril et qu’on procède à la finalisation de l’ambitieux projet de réintroduction initié il y a plus de vingt ans, c’est-à-dire celui du retour de la pêche sportive
, a-t-il écrit dans une correspondance acheminée au ministre le 26 mai.
Corriger une erreur
Le plaidoyer de M. Renaud repose en grande partie sur les développements au sujet de la situation du bar rayé du Saint-Laurent ces deux dernières années.
En novembre 2019, le Comité sur les espèces en péril au Canada (COSEPAC) a statué que la population du Saint-Laurent avait complètement disparu. Par cette décision, le comité d’experts a voulu distinguer l’ancienne population de celle qui nage actuellement dans le fleuve.
Cette dernière est le fruit d’un programme de réintroduction, et donc d’une intervention humaine, à partir d’individus de la population de la rivière Miramichi. Pour le COSEPACComité sur les espèces en péril au Canada, il s’agit donc d’une population différente de l’ancienne, laquelle aurait disparu dans les années 60.
Le hic, c’est que ce même COSEPACComité sur les espèces en péril au Canada, dont la responsabilité est de fournir ses rapports au gouvernement fédéral pour constituer la liste annexée à la Loi sur les espèces en péril, a toujours considéré le bar réintroduit comme la population d’origine. Elle est ainsi protégée par la loi depuis 2011 et évaluée depuis 2004.
Cette erreur
, de l’avis même du comité, a été corrigée par la décision rendue en 2019. Mais comme les avis du COSEPACComité sur la situation des espèces en péril au Canada n’ont pas force de loi, il revient au ministère fédéral de l’Environnement et du Changement climatique d’ajouter ou de retirer une espèce de la Loi sur les espèces en péril. Le Ministère doit prendre en compte l’avis du comité et ensuite procéder à sa propre réévaluation, un processus qui peut prendre des mois, voire des années.
Marc Renaud fait donc pression pour que le ministre Wilkinson ajuste le tir plus rapidement. Il y a ici, pour le gouvernement fédéral, une excellente occasion de dénouer une situation inutilement compliquée
, a-t-il insisté auprès du ministre.
« Le bar rayé se trouve sur cette liste par une malheureuse suite d’événements et cette erreur doit être corrigée rapidement. » – Extrait de la lettre de Marc Renaud, président de la FédéCP
La FédéCP rappelle finalement que le bar rayé se trouverait, selon toute vraisemblance, en abondance dans le Saint-Laurent actuellement. Des pêcheurs, soumis à des restrictions de pêche de l’espèce partout à l’ouest de Rivière-du-Loup, en captureraient souvent.
De nombreux pêcheurs qui se dirigent vers le fleuve pour pêcher d’autres espèces se retrouvent souvent avec le bar comme principales prises, qu’ils doivent obligatoirement remettre à l’eau
, rapporte le document envoyé au fédéral.
Au moins quatre sites de reproduction ont été identifiés par des biologistes, dont un à la baie de Beauport. Ces sites permettraient présentement un soutien suffisant pour la survie de la population. Le programme d’ensemencement a d’ailleurs été interrompu en 2019 afin d’éviter de surcharger l’habitat.
Le Port intéressé
À noter que la Fédération québécoise des chasseurs et pêcheurs a elle-même contacté Radio-Canada pour lui signifier l’existence de cette lettre envoyée au ministre Wilkinson. L’organisation a été encouragée par le Port de Québec à la diffuser plus largement, jeudi, la veille de la réunion publique annuelle de l’administration portuaire.
Rappelons que le bar rayé et son habitat essentiel, dans la baie de Beauport, constituent des obstacles au projet de terminal de conteneurs Laurentia. Pêches et Océans Canada a déjà émis un avis défavorable au projet, précisément parce qu’il pourrait nuire à des espèces aquatiques, dont le bar rayé.
Deux ministres du gouvernement Legault avaient aussi interpellé Jonathan Wilkinson, en octobre dernier, toujours en marge de rencontres avec le Port de Québec.
Les ministres Pierre Dufour (Forêts, Faune et Parcs) et Benoit Charette (Environnement et Lutte contre les changements climatiques) avaient eux aussi pressé leur homologue fédéral d’accélérer le pas en tenant compte du nouvel avis du COSEPACComité sur les espèces en péril au Canada.
L’Agence d’évaluation d’impact du Canada doit rendre sa décision, dans le cas de Laurentia, au plus tard le 10 juin.