Alexandre Duval, Radio-Canada, publié le 15 décembre 2020
Un groupe de 90 professeurs de l’Université Laval implore l’Agence d’évaluation d’impact du Canada (AEIC) de ne pas donner le feu vert au projet Laurentia. L’agrandissement du port de Québec augmenterait les inégalités socioéconomiques, plaide le groupe d’intellectuels.
Issus les plusieurs disciplines dont la médecine, le droit et l’éducation, les professeurs ont soumis leurs commentaires mardi à l’AEIC, dans l’espoir que le projet de terminal de conteneurs en eau profonde ne voie pas le jour.
S’appuyant sur le rapport préliminaire de l’AEIC déposé en novembre dernier, le groupe d’opposants juge évident
que le projet Laurentia entraînera d’importantes externalités négatives environnementales, sanitaires et écosystémiques
.
Ces impacts seront ressentis encore plus fortement par les résidents des quartiers voisins de l’Administration portuaire de Québec, qui font déjà face à plusieurs formes d’inégalités, indiquent les professeurs.
« En effet, les résidents de la Basse-Ville et de Limoilou-Vanier comptent globalement moins d’années à vivre devant eux. La mortalité prématurée et la mortalité liée à la santé respiratoire y sont plus fréquentes. » (Extrait du commentaire de 90 professeurs de l’Université Laval à l’AEIC)
[…] le projet Laurentia participerait à l’aggravation des déséquilibres entre les territoires de la ville de Québec en accentuant le cumul des désavantages subis par les résidentes et les résidents de Limoilou, Maizerets et Beauport
, affirment les professeurs.
Retombées économiques contestées
Le groupe d’opposants remet aussi en question l’argument des retombées économiques du projet Laurentia, qui prévoit des investissements de 775 millions de dollars et des retombées annuelles de 100 millions de dollars.
Les promoteurs du projet Laurentia estiment qu’il créera près de 7000 emplois durant la phase de construction et environ 1000 emplois directs, indirects et induits
durant la phase d’opération.
Dans leur document envoyé à l’AEIC, les professeurs de l’Université Laval jugent contestable
l’argument des retombées économiques, vu la nature hautement automatisée des opérations
.
De plus, ces retombées ne compensaient pas les externalités négatives importantes du projet Laurentia
, selon les professeurs. Celui-ci nous semble plutôt de nature à aggraver les inégalités économiques.
« Les principaux bénéfices économiques seront pour les investisseurs et d’autres grands acteurs qui ne subiront pas les externalités négatives de l’exploitation du terminal à conteneurs. » (Extrait du commentaire de 90 professeurs de l’Université Laval à l’AEIC)
Cette opposition de 90 professeurs de l’Université Laval survient au même moment que celle d’un autre groupe, cette fois composé de 200 représentants du milieu culturel.
Dans un commentaire également soumis à l’AEIC, les 200 artistes, historiens et auteurs déplorent eux aussi les impacts pressentis du projet Laurentia sur l’environnement, la santé publique et la circulation routière, notamment.
Qualifiant le projet d’entreprise de dépossession collective
, les signataires refusent que Laurentia vienne porter atteinte, de façon irrémédiable, à notre ville, notre fleuve, notre milieu de vie – ceci pour enrichir le Port de Québec et Hutchison Port[s], consortium étranger abrité fiscalement aux îles Vierges
.
Des acteurs économiques défendent le projet
Par ailleurs, dans la section Opinions du journal Le Soleil mardi, quatre acteurs économiques unissent leur voix pour défendre le projet Laurentia.
La Chambre de commerce et d’industrie de Québec, la Chambre de commerce de Lévis, la Corporation des parcs industriels du Québec et le Conseil du patronat croient que le projet Laurentia est incontournable
pour relancer l’économie.
Les signataires affirment également que le projet Laurentia « se positionne favorablement sur le plan environnemental grâce à ses installations automatisées […] et aux différentes mesures de mitigation proposées qui lui permettront de maintenir une faible empreinte carbone ».