Laurentia: des avantages économiques qu’il ne faut pas oublier

ALAIN DUBUC, professeur associé, HEC Montréal

Le Soleil, publié le 18 décembre 2020

POINT DE VUE / Il est très rare qu’un grand projet de développement économique n’ait aucune conséquence indésirable. La construction d’un terminal de conteneur en eau profonde dans le Port de Québec, le projet Laurentia, n’échappe pas à cette règle, comme l’ont rappelé les conclusions préliminaires de l’Agence d’évaluation d’impact du Canada, selon laquelle ce projet aurait des «effets environnementaux négatifs importants».

Si l’Administration portuaire de Québec veut obtenir le feu vert pour son projet, elle devra répondre avec énergie aux réserves exprimées par l’agence. Mais cela ne rendra pas pour autant Laurentia parfaitement neutre au plan environnemental. La question qu’il faut se poser, c’est si ces éléments négatifs seront compensés de façon convaincante par les aspects positifs du projet.

C’est à ce niveau que j’aimerais intervenir, en tant qu’auteur d’une étude produite pour le Port de Québec sur les impacts économiques de Laurentia. Je n’ai pas la compétence pour juger des enjeux environnementaux, mais je peux affirmer que son apport économique est significatif, pour Québec, les régions qui l’entourent et pour le Québec dans son ensemble. Il ne faut pas oublier ces considérations économiques quand on met dans la balance les avantages et les inconvénients du projet.

Je ne parle pas ici seulement de l’activité économique générée par un projet de plus d’un demi-milliard: les investissements, les bulldozers, les emplois dans la phase de la construction, les emplois ensuite requis par les opérations. Je voudrais insister sur la qualité plutôt que la quantité, c’est-à-dire sur les impacts structurants de ce projet.

Dans un premier temps, il faut rappeler que si le Port de Québec s’est lancé dans ce projet, c’était pour générer une croissance de ses activités dont il a besoin pour maintenir la qualité de ses infrastructures et assurer sa pérennité. Cela n’est pas à négliger, parce que les activités portuaires, même si on l’oublie souvent, jouent un rôle très important pour la vie économique de Québec.

Le terminal de Laurentia peut avoir un impact plus profond. En quelque sorte, cela fera passer le Port de Québec à un autre stade, parce que les activités de conteneurs sont plus complexes, plus sophistiquées, à plus grande valeur ajoutée que le vrac qui constitue une part importante des activités. Cela renforcera les liens internationaux de Québec et son rôle de plaque tournante. Ces activités pourront soutenir une industrie, celle des pôles logistiques, et faciliteront les échanges internationaux pour la Capitale-Nationale et pour toutes les régions dont elle est le pôle.

Le projet s’inscrit également dans une tendance lourde à l’échelle mondiale, où le transport maritime de conteneurs repose sur le recours à des navires de plus en plus gros. Ces navires ne peuvent pas se rendre au seul port de conteneurs dont dispose le Québec, celui de Montréal, en raison de la trop faible profondeur du fleuve.

Cette contrainte n’empêche pas le Port de Montréal de bien fonctionner en étant alimenté par des navires de petite taille. Mais elle a entraîné une réduction du poids de Montréal face aux ports de la côte atlantique, qui peuvent accueillir les grands navires et qui deviennent plus avantageux que Montréal comme porte d’accès maritime pour le Midwest américain.

Québec, un port naturellement en eau profonde, peut accueillir ces gros navires, et peut concurrencer avantageusement des ports comme ceux de New York ou de la Virginie pour desservir le cœur industriel américain. Ces activités auraient pour effet de renforcer l’écosystème du fleuve Saint-Laurent et d’enrayer le déclin relatif qui menace le fleuve s’il ne peut pas s’ajuster aux nouvelles réalités du transport maritime.

Il faut évidemment, dans un dossier comme celui du projet Laurentia, être très soucieux des impacts environnementaux et de la qualité des rapports entre le port de Québec et la ville qui l’accueille. Mais il ne faut pas oublier les dimensions économiques.

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