Le terminal de conteneurs ne signifie pas la fin du vrac au port de Québec

Jean-François Nadeau, Radio-Canada, publié le 17 décembre 2020

La construction d’un terminal de conteneurs n’entraînera pas forcément à court, moyen ou long terme l’abandon du transbordement de matières en vrac au port de Québec.

Le maire de Québec, Régis Labeaume, a répété plus d’une fois au cours des dernières semaines que le projet Laurentia permettra, à terme, d’éliminer le vrac, ce qui règlerait en grande partie les problèmes de poussière rouge dans les quartiers voisins du port.

Le pdg du Port, Mario Girard, ne fait pas le même constat.

Je ne peux pas dire qu’on veut juste avoir des conteneurs sur la rive nord. Si aujourd’hui il y a des projets de vrac, c’est que le Port de Québec devient le meilleur moyen pour transporter ces projets de vrac. Est-ce que dans 15, 20, 25 années, d’autres solutions pourront s’offrir? Moi je suis un promoteur de ça. Mais aujourd’hui, on ne travaille pas comme ça dans les milieux portuaires, explique Mario Girard. 

Régis Labeaume se dit en faveur de la construction du terminal de conteneurs Laurentia, du côté de la baie de Beauport, pour des raisons économiques, mais aussi parce qu’il est convaincu qu’il s’agit de la meilleure solution pour améliorer la qualité de l’air des quartiers Limoilou et Maizerets.

Les propos du PDG du port ne semblent pas ébranler ses certitudes. 

Le pdg du Port ne peut pas dire ça parce qu’il a des clients. Il vit avec ses clients qui font du transbordement en vrac. Le maire de Québec, lui, ne gère pas le Port et ma vision à moi, c’est nécessairement qu’il n’y ait plus de transbordement en vrac sur les quais, soutient le maire de Québec.

Dépôt du mémoire

Le Port de Québec assure par ailleurs que Laurentia n’aura pas d’impacts négatifs sur la santé et la qualité de vie des résidents des quartiers centraux de Québec et que ses effets seront mineurs sur l’environnement.

L’administration portuaire a déposé son mémoire jeudi, en réponse aux préoccupations soulevées dans le rapport préliminaire de l’Agence d’évaluation d’impact du Canada (AEIC).

Le rapport de l’AEIC, déposé en novembre dernier, concluait que le terminal de conteneurs que souhaite construire le Port de Québec à la baie de Beauport aurait des impacts environnementaux importants et difficiles à mitiger.

Le PDG du Port, Mario Girard, estime que les conclusions préliminaires de l’organisme fédéral étaient alarmistes et ont provoqué une certaine anxiété dans la population.

Rectifier le tir

Il nous semble important de recadrer le débat et avec le dépôt de notre mémoire, notre espoir est de pouvoir avoir des échanges et une discussion basés sur les faits et sur la science, sur des points de vue d’experts reconnus et rigoureux, affirme-t-il.

Qualité de l’air

Mario Girard assure que les experts consultés par le Port sont catégoriques. Selon les auteurs du mémoire, le projet Laurentia, en période de construction, n’aura aucun impact notable sur la qualité de l’air des quartiers limitrophes et cet impact sera encore plus négligeable lors de sa mise en exploitation.

Les impressions incorrectes qui pouvaient se dégager du rapport préliminaire de l’Agence doivent être rectifiées. L’impact de Laurentia sera, dans le pire des scénarios, de six à dix jours de retombées aériennes théoriques de particules inoffensives pour la santé dans les quartiers Limoilou et Maizerets, pour 60 ans de retombées sociales et économiques concrètes pour la région de Québec, le Québec et le Canada, précise Mario Girard.

Mesures de mitigation

L’administration portuaire ajoute que plusieurs mesures de mitigations seront mises en place durant la construction afin de réduire les émissions polluantes dans l’air. Une mesure de la qualité de l’air sera faite en continu à l’aide de capteurs laser et ces données seront accessibles au public.

Effets sur les transports

Le projet Laurentia va entraîner à terme, selon ses responsables, l’ajout d’un seul bateau par semaine sur le fleuve Saint-Laurent. Le transport des conteneurs se fera à 90 % par train et n’entraînera pas d’ajout de trains ou de camions sur le réseau actuel.

Il n’y a pas de marché ici pour plus que ça. Premièrement, les camions qui vont sortir du terminal sont déjà sur les routes du Québec. On ne rajoute pas de camions. Ils vont desservir l’Est-du-Québec. Ça va donner une opportunité aux commerçants de l’Est-du-Québec de réduire de 7 millions de kilomètres par année le camionnage, explique Mario Girard.

Le Port précise également qu’avec Laurentia, la production de gaz à effets de serre sera réduite de 20 % par rapport à la chaîne de transport actuelle. 

Habitat du bar rayé

L’administration portuaire soutient également, contrairement à l’AEIC, que l’habitat du bar rayé ne sera pas menacé par la construction du terminal de conteneurs.

Afin d’améliorer la qualité de l’air, le Port annonce travailler sur un projet de parc urbain d’une superficie de quatre hectares. Il serait aménagé sur les terrains actuels du port, accessible à la population et relié au domaine Maizerets.

Poudre aux yeux

Le directeur général du Conseil régional de l’environnement, qui s’oppose au projet, estime qu’il s’agit d’une opération de relations publiques de la part du Port de Québec. Alexandre Turgeon demeure convaincu que le terminal sera néfaste pour l’environnement.

L’administration portuaire n’amène strictement rien de nouveau, qui serait susceptible de faire changer l’avis préliminaire de l’AEIC. Elle évoque de se référer à la science, tout en niant la science. Elle le fait entre autres à l’égard du poisson et de la pollution de l’air, en se basant sur des hypothèses plus que sur des faits, affirme Alexandre Turgeon.

Le chef de Démocratie Québec, Jean Rousseau, réclame un projet modifié.

La quantité de polluants existants devrait diminuer avant qu’on puisse envisager un nouveau projet. Je propose que les installations de vrac déménagent et qu’on utilise l’espace vacant pour les conteneurs. Qu’on ne construise pas dans la baie de Beauport, lance-t-il.

L’administration portuaire affirme comprendre les inquiétudes exprimées au cours des dernières semaines par des citoyens, des regroupements, des professeurs de l’Université Laval et des élus de Québec.

Mario Girard et son équipe souhaitent multiplier les rencontres, au retour des Fêtes, afin de pouvoir expliquer en détail le projet à ses détracteurs afin d’apaiser leurs craintes.

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