La position de la rectrice Sophie D’Amours déplait à près de 80 % des répondants à un sondage
Alexandre Duval, Radio-Canada, publié le 4 décembre 2020
La rectrice de l’Université Laval fait face à une forte opposition au sein du corps professoral pour s’être positionnée en faveur de l’agrandissement du Port de Québec : 79 % des répondants à un sondage se disent en désaccord avec cette prise de position.
Pas moins de 72 % des répondants estiment que l’appui de la haute administration au projet Laurentia risque de nuire à l’image de l’Université Laval à l’échelle nationale et même internationale.
Les deux tiers croient même que cet appui contrevient au concept de liberté académique, qui permet aux professeurs de s’exprimer librement sur les sujets de société.
Une université, ça se doit d’être neutre
, lance en entrevue Alain Viau, le président du Syndicat des professeurs de l’Université Laval (SPUL), qui a mené cette consultation en ligne à la fin novembre.
« Maintenant, il reste à Mme D’Amours de prendre conscience des réactions que les professeurs ont eues. » (Alain Viau, président du SPUL)
Pas moins de 394 professeurs ont répondu à ce coup de sonde. Cela représente 26 % du corps professoral, un pourcentage néanmoins considéré relativement élevé
par le SPUL.
M. Viau rappelle que le rôle du syndicat n’est pas de se prononcer pour ou contre Laurentia, mais plutôt de défendre le droit de ses membres à pouvoir s’exprimer librement.
Ce n’est pas de notre libre choix à chacun que l’Université a décidé de prendre position. C’est une décision qu’elle a prise, mais il n’y a pas eu de consultation
, déplore-t-il.
Des craintes
Déjà critiqué par les associations étudiantes, des citoyens, des conseillers municipaux, ainsi qu’un rapport provisoire de l’Agence d’évaluation d’impact du Canada, le projet Laurentia conserve à ce jour l’appui de l’Université Laval.
En août dernier, la rectrice Sophie D’Amours est apparue aux côtés du président-directeur général du Port de Québec, Mario Girard, à l’occasion d’une conférence de presse.
Quelques semaines plus tard, elle signait une lettre ouverte dans laquelle elle réitérait son appui au projet de terminal de conteneurs ainsi qu’à la Zone d’innovation Littoral est.
Ces prises de position publiques ont toutefois soulevé des craintes. Le 21 novembre, un article du journal Le Soleil faisait même état d’un malaise
à l’Université.
Le président du SPUL n’est pas en mesure de dire si des professeurs ont été bâillonnés ou s’ils se sont eux-mêmes empêchés de commenter le projet Laurentia par crainte de représailles.
Il soulève néanmoins l’hypothèse. On estime qu’en se positionnant en faveur de ce projet, la haute administration contribue à construire un contexte qui concourt à miner la liberté académique.
« Une institution universitaire, son mandat, c’est de contribuer à des questions de société, de questionner, d’aider la société dans son développement […] L’Université n’est pas une entreprise. » (Alain Viau, président du SPUL)
Avis divergents
Des répondants au sondage ont d’ailleurs exprimé que selon eux, l’appui au projet Laurentia est en contradiction avec les valeurs de l’Université qui touchent au développement durable
Tous ne sont pas de cet avis, cependant. Des répondants ont exprimé qu’ils ne comprenaient pas en quoi la prise de position de la haute administration pouvait miner la liberté académique des professeurs.
Je serais très surpris que l’administration sévisse d’une quelconque façon contre un prof qui se positionnerait contre le projet, ou même qu’il y ait des pressions internes visant à étouffer ces activités professorales
, a écrit un répondant.
Si ça devait arriver, alors nous aurions tout un grief sur les mains
, poursuivait-il.
Le projet Laurentia, anciennement baptisé Beauport 2020, vise à construire un terminal de conteneurs en eaux profondes. Il s’agit d’un projet estimé à 775 millions de dollars.
Précisions à venir
La direction de l’Université Laval indique qu’elle prendra connaissance du sondage.
La direction portera toute l’attention et aura la considération requise à la diversité des opinions exprimées par les professeures et professeurs dans cette publication. Des communications sont prévues, prochainement, pour apporter des précisions
, précise Simon La Terreur, porte-parole de l’Université.