La résistance s’organise contre le projet Laurentia

Les opposants croient pouvoir convaincre le gouvernement Legault de retirer son appui financier.

David Rémillard, Radio-Canada, publié le 15 novembre 2020

Un promoteur déterminé, un gouvernement provincial enthousiaste et des centaines de millions de dollars d’investissements privés : de l’avis même des opposants au projet Laurentia, le rapport de force semble inégal. Ces derniers appellent cependant à ne pas sous-estimer la mobilisation sur le terrain.

Après une récente série d’appuis en faveur de Laurentia, y compris celui du premier ministre François Legault, la résistance s’organise. Convaincus que la construction d’un terminal de conteneurs dans la baie de Beauport ne passera jamais le test de l’acceptabilité sociale, citoyens et groupes environnementaux refusent de capituler sans livrer bataille.

Unis sous l’égide de la Table citoyenne Littoral Est, ils préparent une offensive axée sur la revitalisation des berges et le développement de la qualité de vie dans les quartiers voisins du port.

Tout le contraire de ce que promet Laurentia, selon eux. Parmi plusieurs préoccupations, ils craignent notamment une dégradation de la qualité de l’air et la destruction d’écosystèmes dans la baie de Beauport si le projet va de l’avant.

C’est uniquement une perspective économique qui est proposée. Le fleuve Saint-Laurent, pour eux, c’est une autoroute. Nous on dit : « Attendez ». Le fleuve Saint-Laurent c’est une source de vie, il y a des écosystèmes incroyables, il y a des citoyens qui habitent en bordure. Et ça, c’est évacué complètement, dénonce Simon Parent, l’un des fondateurs de la Table.

Pas d’acceptabilité sociale

La coalition d’organismes et de citoyens, qui inclut des conseils de quartiers et plus récemmentles associations étudiantes de l’Université Laval, cherchera, au cours des prochaines semaines, à mobiliser les résidents des secteurs potentiellement affectés par les activités du terminal. Le Vieux-Limoilou, Maizerets et le littoral de Beauport seront particulièrement sollicités.

Les opposants prétendent qu’ils y trouveront très peu de partisans de Laurentia. Simon Parent croit d’ailleurs que les appuis revendiqués par le Port de Québec ne proviennent pas du milieu dans lequel le projet va s’insérer, s’il voit le jour. Ce qu’on constate, c’est que la mobilisation est surtout externe, avance-t-il.

Il prend pour exemple l’appui conjoint de 170 municipalités et MRC, annoncé le 9 novembre. Selon lui, il est facile pour des MRC d’appuyer un projet qui ne poussera pas dans leur cour. Mais, surtout, il estime que cette sortie, à laquelle participait l’Administration portuaire de Québec, révèle le besoin du Port d’aller chercher des appuis.

« Parce qu’il n’y a pas du tout d’acceptabilité sociale. […] Les citoyens qui habitent le territoire de Québec ne veulent pas de ce projet-là, et c’est là qu’on pense qu’on peut faire basculer [Laurentia]. » – Simon Parent, cofondateur de la Table citoyenne Littoral Est

Des citoyens s’inquiètent également de l’implication de Hutchinson Ports dans le projet. L’entreprise, de propriété chinoise, reçoit une attention particulière du gouvernement fédéral dans son évaluation du projet.

QS offre du support logistique

La mobilisation pourra compter sur l’appui de Québec solidaire dans ses démarches. Le parti de gauche, qui n’a jamais caché son opposition aux visées du Port, offrira du soutien logistique pour faire pression sur le gouvernement Legault.

Radio-Canada a en effet appris qu’une plateforme en ligne sera lancée sous peu, par laquelle les citoyens pourront envoyer une lettre à différents ministres caquistes. Selon la députée solidaire Ruba Ghazal, l’objectif est d’inonder les boîtes courriel des élus impliqués de près ou de loin dans le dossier.

Les ministres Benoit Charette (Environnement), Pierre Fitzgibbon (Développement économique), Geneviève Guilbault (responsable de la Capitale-Nationale) et le premier ministre seront ciblés.

La place d’un parc industriel n’est pas en bord de mer, encore moins au cœur d’une ville qu’on qualifie, avec raison, de joyau patrimonial, peut-on lire dans l’épreuve de lettre qui leur sera acheminée.

Le but avoué de cette opération est de faire reculer le gouvernement, soutient Mme Ghazal, porte-parole des dossiers environnementaux pour QSQuébec solidaire. Les solidaires sont optimistes, rappelant le développement des terres des Sœurs de la Charité, rejeté par le gouvernement caquiste à la suite de pressions citoyennes.

On peut donner ça au gouvernement Legault, quand il voit une mobilisation citoyenne qui est forte sur le terrain, il peut reculer, souligne Ruba Ghazal. Et comme la Table citoyenne Littoral Est, elle est convaincue que cette acceptabilité sociale n’est pas au rendez-vous.

Rappelons que Québec et Ottawa sont sollicités par le Port pour un total de 180 des 775 millions de dollars nécessaires au projet. Québec a répondu présent, alors qu’Ottawa attend toujours les résultats des études d’impacts. Quelque 500 millions des fonds proviennent de partenaires privés.

Beaucoup de bruit

Les appuis en faveur du développement projeté au port de Québec ont été nombreux et bruyants cet automne.

Tour à tour, le premier ministre François Legault et la vice-première ministre Geneviève Guilbault, responsable de la Capitale-Nationale, ont manifesté un enthousiasme sans réserve envers le projet Laurentia. On y voit un legs pour les générations futures et des emplois payants pour la région de Québec.

Ces sorties sont survenues le jour même et quelques jours après une rencontre entre le premier ministre et le pdg du Port, Mario Girard.

Mme Guilbault a pour sa part vanté le potentiel vert du terminal de conteneurs. Laurentia se veut un terminal de conteneurs entièrement électrifié, à la fine pointe de la technologie. […] Nous réduisons nos émissions de gaz à effet de serre et notre empreinte écologique, tout en créant de la richesse, écrivait-elle la semaine dernière dans une lettre ouverte publiée dans le Journal de Québec.

Le même jour, le Port annonçait le soutien de 170 municipalités et MRC du Québec.

En coulisse, les ministres Pierre Dufour (Forêts, Faune et Parcs) et Benoit Charette ont fait pression sur le gouvernement fédéral pour qu’il régularise le statut du bar rayé du Saint-Laurent. Le poisson, qui figure à la Loi sur les espèces en péril, mais dont le statut est actuellement confus, complique la tâche pour Laurentia.

S’ajoute finalement une offensive publicitaire du Port de Québec, lancée le 29 octobre, notamment sur les réseaux sociaux.

Rappelons que tout ce branle-bas survient alors que l’Agence d’évaluation d’impact du Canada doit accoucher d’un rapport préliminaire au cours des prochains jours.

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