Projet Laurentia: Labeaume à côté de la coche

PIERRE-PAUL SÉNÉCHAL
Président du Groupe d’initiatives de de recherches appliquées au milieu (GIRAM)
POINT DE VUE / En pourfendant l’Administration portuaire de Montréal et sautant à pieds joints dans l’arène pour tenter de rescaper le projet Laurentia, en situation précaire selon plusieurs, en dépit des millions $ dépensés en recherches, relations publiques, et activités promotionnelles, le maire Labeaume fait fausse route.

De l’un, il accuse sans ambages Montréal de vouloir «tuer» le projet de Québec. C’est plutôt l’inverse. Le maire ignore-t-il que le Port de Montréal planche sur un projet d’extension de ses activités conteneurs à contrecœur depuis aussi loin que 2007?

Le projet de Québec n’est, quant à lui, sorti du chapeau du PDG Mario Girard qu’en octobre 2017. Il a été tricoté à la dernière minute après que l’Administration portuaire de Québec se soit finalement rendue à l’évidence quant au sort qui attendait son contesté Beauport 2020 dédié à la manutention de vrac d’hydrocarbures. Après les audiences de l’Agence canadienne de 2015, il était devenu évident que ce projet ne traverserait pas le mur d’opposition qui se dressait droit devant.

De deux, le maire de Québec n’assume pas, comme c’est son devoir, une défense adéquate de ses citoyens et de sa ville, capitale du Québec et ville du patrimoine mondial, en fermant littéralement les yeux sur les effets absolument pervers de ce projet de transport de 750 000 conteneurs/année. L’espace de la baie de Beauport est coincé et inapte à assurer une desserte terrestre convenable, propre et sécuritaire pour une telle quantité de conteneurs.

Quoiqu’en disent les gestionnaires du port à coups d’entourloupettes et de messages racoleurs, ce projet entraînerait un ajout inacceptable de camions lourds et de trains routiers sur les artères déjà encombrées de la capitale. Quant à la voie du CN, elle n’est pas davantage une option défendable en raison de sa proximité d’institutions d’enseignement, de parcs publics et de CPE. Et c’est sans oublier l’isolement potentiel de la capitale qui pourrait potentiellement résulter d’une utilisation quasi monopolistique de ce lien ferroviaire par le consortium chinois gestionnaire logistique du projet Laurentia. Cette voie ferroviaire est la seule qui relie la capitale au reste du continent pour le transport de personnes.

Quant à la participation de la rectrice de l’Université Laval, Mme Sophie d’Amours, à ce cirque promotionnel du 31 août, il y a là quelque chose qui heurte le bon sens et le devoir sacré de sauvegarde de l’indépendance universitaire. Par le remblaiement d’une plate-forme de 17 hectares dans les eaux du Saint-Laurent à partir de sols en partie contaminés (équivalent à 21 terrains de football), ce projet comporte un impact environnemental qui n’est plus acceptable dans notre monde de 2020. Le rôle d’une rectrice est d’assurer la liberté intellectuelle et de la recherche, pas de se mettre au service d’un projet douteux maintenu sous respirateur artificiel par des firmes de relationnistes.

Québec est historiquement une ville portuaire et elle doit le demeurer. Selon le GIRAM qui a fait plusieurs représentations auprès des agences gouvernementales en rapport avec les récents projets du Port de Québec, il faut toutefois qu’une mission portuaire soit définie à la mesure de sa situation géographique. Le site de la baie de Beauport est aujourd’hui lourdement conditionné par l’enclavement urbain qui s’est formé au cours du dernier demi-siècle. Des projets comme ceux de Beauport 2020 hydrocarbures et Laurentia conteneurs ne sont pas appropriés à un tel site. Mais il y a bien d’autres voies à explorer pour une administration portuaire qui veut exceller.

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