La lourde «punition» des frais de justice

ISABELLE MATHIEU
Le Soleil
Des citoyens qui disent subir un dommage environnemental doivent-ils, en cas de défaite, être condamnés à payer tous les frais de justice, comme s’ils étaient fautifs? C’est la question que Véronique Lalande, Louis Duchesne et leurs avocats veulent poser, lors des procédures d’appel de l’action collective contre le Port de Québec et la Compagnie Arrimage Québec (CAQ).

En rejetant l’action collective des citoyens de la Basse-Ville, le juge Jacques G. Bouchard de la Cour supérieure a condamné la partie perdante à payer tous les frais de justice «incluant ceux pour la préparation des expertises et le témoignage des experts, la rémunération de l’interprète ainsi que ceux liés à la prise et à la transcription des témoignages avant et pendant le procès».

Dans la plupart des litiges, la partie qui perd ramasse la facture. Les juges ne sont toutefois pas toujours aussi précis dans le type de frais de justice à couvrir.

Les honoraires des avocats du Port de Québec et de la CAQ ne font pas partie des frais de justice.

Mais même sans cela, avec les informations disponibles, la représentante du recours Véronique Lalande sait que les frais de justice s’élèveront à quelques millions de dollars.

À titre d’exemples, le Port de Québec et la CAQ ont fait réaliser sept rapports d’expertise, dont un dans un laboratoire américain. Ils ont requis des services d’interprète pour leurs experts anglophones ainsi que des notes sténographiques en direct.

Les citoyens auraient voulu débattre de ces dépenses devant le tribunal avant le jugement. C’est notamment pour cela qu’ils ont inscrit les frais de justice parmi leurs motifs dans la déclaration d’appel, déposée la semaine dernière au palais de justice de Québec.

Aux yeux de Véronique Lalande, une réflexion s’impose sur le fait de condamner des citoyens qui dénoncent un problème environnemental à payer des frais de justice aussi considérables, «comme si on était coupable de quelque chose».

Le recours avait franchi le filtre de l’autorisation et n’était donc pas frivole, rappelle-t-elle.

Impact pour d’autres recours

Le recours de la poussière contre le Port de Québec et la CAQ est financé par le Fonds d’aide aux actions collectives. Sa secrétaire générale et conseillère juridique Me Frikia Belogbi se fait rassurante. «On couvre la totalité des frais de justice une fois qu’ils ont été homologués par la Cour, indique Me Belogbi. Les parties défenderesses vont présenter un état de dépenses et les parties demanderesses peuvent le contester.»

Ni les représentants du recours ni leurs avocats n’auront à supporter de fardeau financier, estime MBelogbi.

Véronique Lalande aimerait être aussi optimiste. «Oui, le Fonds paye une bonne partie, notamment les expertises, mais il ne paye pas tout», évalue-t-elle.

Dans une telle situation, le cabinet d’avocat doit éponger la facture restante. Ou la refiler aux représentants du recours, selon le contrat qui les lie.

Au-delà du recours contre le Port de Québec, quel impact aura une telle condamnation aux frais de justice pour d’autres recours environnementaux, demande la citoyenne? «Si le Fonds doit payer des millions de dollars pour nous, est-ce qu’il ne deviendra pas plus frileux, pour ce type de recours, qui demande des expertises très coûteuses pour espérer gagner? soumet Mme Lalande. Et l’argent qu’il devra investir pour nous, il ne pourra pas le verser ailleurs.»

3,7 millions $ en aide

Selon son dernier rapport annuel, qui couvre la période du 1er avril 2019 au 31 mars 2020, le Fonds d’aide aux actions collectives avait accordé aux recours financés une aide de 3650 873 $ durant l’année. La moitié de la somme (51 %) a servi à payer des expertises.

En date de mars 2020, il y avait 541 actions collectives au Québec; 45 % d’entre elles ont pu être financées par le Fonds.

Les revenus du Fonds d’aide viennent du ministère de la Justice ainsi que de sommes versées lors d’actions collectives précédentes.

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