Annie Morin, Le Soleil, publié le 11 octobre 2016
(Québec) Le premier mandat de la zone industrialo-portuaire Québec-Lévis, officiellement créée mardi, sera d’identifier des terrains pouvant servir au développement des activités portuaires. Cela pourrait signifier un agrandissement du Port de Québec d’un côté comme de l’autre du fleuve Saint-Laurent.
Le gouvernement du Québec a confirmé mardi la création du comité local qui élaborera le premier plan de développement de la nouvelle zone industrialo-portuaire Québec-Lévis. L’Administration portuaire de Québec (APQ), les villes de Québec et de Lévis ainsi qu’une demi-douzaine de ministères et organismes provinciaux en font partie.
Un budget initial de 125000$ a été annoncé par le ministre délégué aux Affaires maritimes, Jean D’Amour. Des fonds totalisant 800millions $ seront ensuite accessibles pour les projets d’infrastructures, de logistique et les entreprises maritimes, comme c’est le cas pour les 15 autres zones industrialo-portuaires de la province.
«La première mission qu’on s’est donnée, c’est d’identifier clairement à quel endroit on peut penser développer de l’activité industrielle qui est en lien avec l’industrie maritime», a exposé Mario Girard, président-directeur général de l’APQ, qui agira à titre de président du comité.
Celui-ci considère que les ports québécois manquent d’espace pour le long terme. «C’est un peu notre talon d’Achille au Québec, les réserves foncières. J’ai fait plusieurs visites dans plusieurs ports du monde et jusqu’à ce jour, la plus petite réserve foncière que j’ai vue, c’est une réserve foncière de 120hectares dans le port de Liège en Belgique», a-t-il rapporté.
À titre de comparaison, le Port de Québec – qui s’étend sur 220hectares dont 20 % ont une vocation récréotouristique – ne possède aucune réserve foncière pour développement futur. Il tente de s’en constituer une de 17,5 hectares dans le secteur de Beauport, où un projet d’agrandissement de 200 millions $ est en cours d’approbation.
Dans le dernier plan d’utilisation des sols de l’APQ, qui date de 2001, le bassin Brown était également identifié comme «réserve foncière essentielle» à long terme. Or, ce site a depuis été transformé en parc, à temps pour le 400e anniversaire de la Ville de Québec en 2008. Le Port ne le considère plus comme un actif même s’il lui appartient toujours, selon sa porte-parole Marie-Andrée Blanchet. «Ce n’est pas dans la volonté du Port de le reprendre pour toutes sortes de raisons, dont la profondeur d’eau», précise-t-elle.
À l’affût
M. Girard a déclaré mardi que c’était son rôle d’être à l’affût d’acquisitions sur les deux rives, sans dire quels terrains lui apparaissent prometteurs. Il a répété que le sujet ferait l’objet de discussions avec les partenaires de la zone industrialo-portuaire.
C’est à Lévis que se trouvent les derniers terrains de la grande région de Québec susceptibles d’accueillir un port en eau profonde, conformément au schéma d’aménagement de la municipalité. Ces terrains appartiennent toujours à Rabaska, dont le projet de terminal méthanier est en veilleuse, mais sont actuellement cultivés par des agriculteurs du coin.
Le maire Gilles Lehouillier a déjà manifesté publiquement son désir de les développer. Mardi, il s’est fait plus prudent, laissant au comité le soin de trancher. «On va s’en remettre au potentiel qui va être identifié», a-t-il signifié.
Le maire de Québec n’avait pas de plan de match à proposer lui non plus. «Écoutez, je ne pense pas à ça à tous les jours. On va s’asseoir ensemble et on va se concentrer là-dessus. Mais on va tout faire ce qu’il faut pour valoriser le port et lui permettre de se développer dans les prochaines décennies. Ça fait partie, je pense, de notre responsabilité», a commenté Régis Labeaume, admettant que «c’est toujours un peu délicat ces affaires-là».
M. Labeaume a par ailleurs livré un plaidoyer en faveur du Port, avec qui il considère que la région a «une drôle de relation». «Il y a eu des problèmes ces derniers mois, ces dernières années qui vont se solutionner, qui sont solutionnables, je n’ai aucun doute que ça va se régler», a-t-il commencé par dire. «Il y a même des gens en ville qui espéreraient qu’on ferme le port. C’est pas drôle hein? C’est totalement insensé. Dans une ville, avoir un port, avoir un fleuve, un grand cours d’eau, c’est un privilège», a-t-il tranché.
Le maire a aussi interpellé le gouvernement du Canada, qui selon lui est «trop timide» dans le dossier de l’agrandissement du Port. «Il faudrait que le gouvernement fédéral dise haut et fort qu’il veut contribuer au développement des activités économiques du Port.»
Une nouvelle étude d’impact environnemental déposée
L’Administration portuaire de Québec (APQ) a déposé le 5 octobre la nouvelle version de l’étude d’impact environnemental qui concerne son projet d’agrandissement de 200 millions $ dans le secteur de Beauport.
Un premier dépôt a eu lieu à la mi-mars auprès de l’Agence canadienne d’évaluation environnementale (ACEE), autorité à laquelle le Port a décidé de se soumettre de son plein gré. Un mois plus tard, l’organisme fédéral réclamait une série de précisions, ayant trait par exemple aux limites spatiales du projet, aux moyens de le réaliser, à l’environnement atmosphérique et aux espèces en péril.
Depuis le printemps, le Port est demeuré discret sur le travail abattu pour répondre aux exigences de l’ACEE. On savait toutefois que des études complémentaires étaient réalisées pendant l’été. Des négociations avaient aussi lieu dans le but de protéger des données sur la qualité de l’air jugées sensibles en raison des recours judiciaires contre le Port de Québec et son locataire, Arrimage Québec, toujours en suspens.
Mardi, le président-directeur général de l’APQ, Mario Girard, a indiqué que l’étude amendée venait d’être déposée. «L’Agence est actuellement en train d’étudier le dossier pour savoir si elle considère que toutes les questions ont été répondues», a-t-il mentionné.
Une partie des données réclamées sur la qualité de l’air ont été remises, mais elles ne le seront pas toutes, a précisé M. Girard, qui ne croit pas que cela puisse entraîner le rejet du dossier.
30 jours pour évaluer
L’ACEE dispose effectivement de 30 jours «afin de s’assurer que le document présente bien les renseignements exigés dans les lignes directrices relatives à l’étude d’impact environnemental et sont suffisants pour débuter l’examen technique [par les fonctionnaires] et la consultation publique», confirme son porte-parole Christian Vezeau.
Si le dossier est jugé complet, l’étude sera dévoilée et la consultation publique sera lancée. Une session portes ouvertes de même qu’une ou des séances de consultations publiques seront organisées, a précisé M. Vezeau.
C’est seulement par la suite que l’ACEE préparera un premier rapport, qui sera aussi soumis à la consultation publique avant la rédaction de la version finale.