Annie Morin, Le Soleil, publié le 12 avril 2016
(Québec) L’Agence canadienne d’évaluation environnementale (ACEE) demande au Port de Québec de réviser substantiellement l’étude d’impact environnemental sur son projet d’agrandissement de 200 millions $ dans le secteur Beauport.
Le Soleil a obtenu copie mardi de la lettre de 14 pages transmise le jour même au président-directeur général de l’Administration portuaire de Québec (APQ), Mario Girard, par la gestionnaire de projets du bureau régional du Québec de l’ACEE.
Après les 30 jours réglementaires pour réaliser un exercice de concordance entre ses demandes et les documents soumis par le Port le 11 mars, «l’Agence, avec le comité technique d’évaluation environnementale, a déterminé que l’étude d’impact était incomplète et ne satisfait pas entièrement aux exigences des lignes directrices», peut-on lire.
La porte-parole de l’APQ, Marie-Andrée Blanchet, a affirmé mardi que cette situation était «normale» étant donné l’ampleur des renseignements demandés et que l’équipe s’y attendait. «Ils [les fonctionnaires] précisent leurs attentes, ajoutent des questions», constate-t-elle.
D’entrée de jeu, l’ACEE demande de redéfinir les limites spatiales du projet. «L’analyse des effets doit s’étendre aux zones d’étude et aux composantes de l’environnement avec lesquelles le projet pourrait avoir des interactions», est-il écrit. «Plusieurs zones écosensibles désignées n’ont pas été identifiées dans l’étude d’impact et, par le fait même, prises en compte lors de l’évaluation environnementale», voit-on plus loin.
Le fleuve Saint-Laurent, de l’île d’Orléans au pont de Québec, la rivière Saint-Charles et la baie de Beauport doivent nécessairement faire partie de l’ensemble.
Plusieurs précisions sont exigées sur le thème de la qualité de l’air. L’Agence demande de bien délimiter le bassin atmosphérique susceptible d’être touché par le projet, de fournir les données des stations d’échantillonnage de la qualité de l’air du ministère de l’Environnement et du Port lui-même, de présenter une estimation des concentrations de contaminants anticipés ainsi qu’une modélisation de la dispersion atmosphérique.
Mme Blanchet a indiqué mardi que certaines de ces données ont pu être escamotées en raison des recours collectifs intentés contre l’APQ pour des dommages présumés en lien avec la pollution atmosphérique. L’obligation de divulgation sera réévaluée.
Sans surprise, les oiseaux migrateurs qui affectionnent la baie de Beauport, où le quai multifonctionnel de 600 mètres doit être aménagé, retiennent l’attention du fédéral. Le Port doit produire un portrait de l’abondance et de la répartition des différentes espèces, décrire et analyser comment les nouveaux aménagements les affecteront.
Il faudra identifier les droits ancestraux et issus de traités des groupes autochtones et détailler les effets des changements environnementaux sur ces droits et les activités traditionnelles. Même s’il n’y a pas de récolte de poissons dans le secteur visé, les impacts anticipés sur les espèces et la pêche plus loin sur le fleuve doivent être spécifiés.
De façon plus générale, l’Agence demande au Port de fournir ses références quand il mentionne des renseignements existants. Elle souhaite aussi qu’il décrive en détail les mesures d’atténuation envisagées aux endroits où il mentionne simplement son intention d’en mettre de l’avant. Cela «de manière à éviter toute ambiguïté». L’exemple donné est celui du seuil et des mesures d’intervention aux usines d’eau potable des villes de Québec et de Lévis advenant une eau très trouble pendant les travaux, que le Port voudrait lancer en 2017.
Quai en eau profonde
Si la construction d’un duc-d’Albe (quai en eau profonde permettant de transborder du vrac liquide au large) a été reportée dans une prochaine phase d’agrandissement du Port, l’ACEE veut clarifier si une évaluation des effets cumulatifs est nécessaire «puisque l’étude d’impact en fait référence à plusieurs reprises dans plusieurs plans et annexes».
Selon Mme Blanchet, il y a là «confusion». Le duc-d’Albe peut être cité dans des documents datant de quelques années, mais il n’est toujours pas question de le réaliser dans un avenir rapproché, confirme-t-elle.
L’APQ a commencé dès mardi l’analyse du document transmis par l’ACEE. Selon la porte-parole, il n’est pas possible pour le moment de dire combien de temps sera nécessaire pour satisfaire à toutes les demandes d’éclaircissement et exigences du fédéral, qui compte sur l’assistance du provincial.
Quand la balle est dans le camp du promoteur, il n’y a plus de délais qui tiennent. Après le dépôt d’une nouvelle version de l’étude d’impact, 15 à 30 jours sont prévus pour la réviser, puis elle sera rendue publique. L’analyse en profondeur et la consultation du public suivront.
D’autres demandes de l’ACEE formulées au Port
– Description des collectivités locales susceptibles d’être touchées par le projet
– Information sur la gestion des eaux de ruissellement, pluviales et des eaux usées pouvant être générées par le projet durant la phase de construction
– Étude du potentiel archéologique subaquatique
– Description de la modification de la qualité physicochimique de l’eau basée sur la teneur en contaminants, en oxygène et la turbidité pour toutes les phases du projet
– Évaluation du risque d’abordage entre des navires transpoùrtant des matières dangereuses et des pétroliers ou des navires de croisières
– Étude des effets cumulatifs potentiels avec la reconstruction anticipée du pont de L’Île-d’Orléans