Un projet de terminal maritime dans l’est de l’île de Montréal suscite l’inquiétude chez les citoyens malgré les propos rassurants de la Corporation internationale d’avitaillement de Montréal (CIAM). Le projet, qui faisait l’objet d’une rencontre d’information lundi, nécessitera la construction de huit réservoirs d’entreposage de carburant en bordure du fleuve ainsi qu’un tronçon de pipeline de cinq kilomètres à Montréal-Est.
La CIAM est un consortium de compagnies aériennes desservant l’aéroport Montréal-Trudeau. À l’heure actuelle, la moitié du carburant qui alimente les avions aux aéroports de Montréal, de Toronto et d’Ottawa provient de raffineries situées au Québec et en Ontario. Le reste est importé sur le marché étranger et est acheminé par bateau au port de Québec avant d’être transporté par wagons-citernes, par camions ou par barges vers Montréal et l’Ontario, a expliqué Robert Iasenza, président de la CIAM, lors d’une séance d’information organisée par la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM).
La CIAM croit que la construction d’un terminal au port de Montréal, en plus de lui assurer plus de fiabilité dans l’approvisionnement des aéroports, lui permettrait d’éliminer tout transport par camion entre Québec et Montréal, de réduire de 80 % le transport ferroviaire en plus de diminuer de 10 % les émissions des gaz à effet de serre.
Les huit réservoirs auront une capacité d’entreposage de 160 millions de litres de kérosène. Un pipeline d’environ cinq kilomètres devrait aussi être construit pour relier le terminal à l’oléoduc existant Trans-Nord. Deux tracés sont à l’étude. Le projet représente des investissements privés de 150 millions de dollars. À terme, jusqu’à 1,8 milliard de litres devraient transiter par ce terminal.
Le kérosène
« Nous ne sommes pas contre le projet, mais nous avons des inquiétudes vis-à-vis des réservoirs qui sont trop près des habitations, à 800 mètres », a indiqué Vincent Marchione, président du Comité de vigilance environnementale de l’Est de Montréal, qui s’est aussi inquiété de l’état du pipeline Trans-Nord qui a 64 ans.
Le kérosène est plus sécuritaire que d’autres types de carburants, comme l’essence, ont rétorqué les représentants de la CIAM en soulignant qu’à la lumière de l’étude d’impact, les conséquences de scénarios de déversement, feu ou explosion examinés se limiteraient aux terrains industriels. Le site sera aussi surveillé 24 heures sur 24, ont-ils dit.
Un autre citoyen, Luc Falardeau, a exprimé ses inquiétudes à l’égard d’une augmentation du nombre de navires transportant du pétrole entre Québec et Montréal. La CIAM prévoit recevoir entre 24 et 36 navires par an à son terminal.
Présent dans la salle, le maire de Montréal-Est, Robert Coutu, voit d’un bon oeil la réalisation du projet : « On est habitués aux projets de pipeline et de réservoirs. On vit avec ça à proximité. L’existence de notre ville est basée là-dessus. Mais il n’en demeure pas moins que les choses doivent être bien faites. »
Le projet devrait rapporter plus de 190 000 $ en taxes par année pour la Ville, mais les emplois risquent d’être peu nombreux. La CIAM estime à 738 le nombre d’emplois directs et indirects pendant la construction du terminal et 20 emplois permanents en phase d’exploitation.
La CIAM s’attend à ce que le gouvernement prenne une décision concernant la tenue d’une étude par le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) sur le projet à l’hiver 2017. Une étude d’impact devra d’abord être déposée au ministère du Développement durable, de l’Environnement et de la lutte contre les changements climatiques.
La CMM devait tenir une autre séance d’information en soirée. Deux séances de consultation publiques avec présentations de mémoires sont prévues le 5 avril.
Note d’ASLB
La synthèse des informations sur ce projet est ce document du promoteur. La carte cliquable ci-dessous en est tirée. Elle montre entourée de jaune la superficie des terrains qu’occuperait cette activité de transbordement maritime de vrac liquide (carburant). La somme des superficies occupées par les sites 1 et 2 n’est pas mentionnée dans le document, mais un tracé à l’échelle permet de l’estimer à 10 hectares. (En comparaison, le projet Beauport 2020 du Port de Québec consisterait à créer 17,5 hectares de nouveaux terrains par remblaiement du fleuve.)
Or, selon des calculs du Port de Québec datant du début des années 1980, le transbordement maritime de vrac liquide crée approximativement 1,7 emplois directs par hectare. Cela signifie qu’avec 10 hectares de terrains, le projet ci-dessus créerait approximativement 17 emplois pendant sa phase d’exploitation, soit un nombre pratiquement identique à celui donné à la page 17 du document du promoteur (20 emplois permanents) et issu d’une modélisation de l’Institut de la statistique du Québec.