Port de Québec – Ce n’est pas au fédéral d’évaluer le projet

Florence Sara G. Ferraris, Le Devoir, publié le 2 septembre 2015
Dans une lettre transmise au «Devoir» mardi, Jean Gauthier, Pierre Laporte et Harvey Mead demandent au ministère de l’Environnement québécois de revenir sur sa décision et d’assujettir l’administration portuaire de Québec au processus québécois d’évaluation environnementale.
Dans une lettre transmise au «Devoir» mardi, Jean Gauthier, Pierre Laporte et Harvey Mead demandent au ministère de l’Environnement québécois de revenir sur sa décision et d’assujettir l’administration portuaire de Québec au processus québécois d’évaluation environnementale. (Photo: Alexandre Shields, Le Devoir)

En laissant à l’Agence canadienne d’évaluation environnementale le soin d’évaluer les risques du projet d’agrandissement du port de Québec, le gouvernement québécois se déresponsabilise dans ce dossier, dénonce l’ancien commissaire au développement durable Harvey Mead.

« La décision du ministère de l’Environnement est inquiétante, surtout dans la mesure où ce projet pourrait complètement défigurer l’allure de la région », déplore celui qui était en poste jusqu’en 2008.

Plus encore, l’environnementaliste craint que le projet ouvre la porte à de plus importants travaux d’aménagement pour, éventuellement, faire du port de Québec un poste de transit pour le pétrole de l’Ouest.

Dans une lettre transmise au Devoir mardi qu’il cosigne avec Jean Gauthier et Pierre Laporte, deux anciens experts d’Environnement Canada, Harvey Mead demande donc au ministère de l’Environnement québécois de revenir sur sa décision et d’assujettir l’administration portuaire de Québec, promoteur du projet, au processus québécois d’évaluation environnementale, même si cette dernière estime qu’elle relève de la législation fédérale.

« Il est plus que temps que le ministère prenne les devants et exige que le promoteur produise un avis de projet conforme au cadre réglementaire québécois, a lancé Harvey Mead en entrevue avec Le Devoir. Surtout que c’est ce qui était prévu ! »

Revirement de situation

Jusqu’à la mi-juillet, le ministre de l’Environnement David Heurtel promettait que ce serait le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) qui procéderait à l’étude d’impacts du projet du port de Québec, et ce, malgré la résistance de l’administration portuaire.

Or, le 31 juillet dernier, son bureau a indiqué par voie de communiqué que ce serait finalement l’Agence canadienne d’évaluation environnementale (ACEE) qui mènerait l’étude de risques. L’ancien commissaire au développement durable s’explique bien mal ce revirement de situation étant donné que, jusqu’alors, l’Agence fédérale avait fait valoir que le projet Beauport 2020 ne lui était « pas assujetti ».

« C’est dommage que le gouvernement ait mis le BAPE de côté, souligne M. Mead. En agissant ainsi, il se prive de l’expérience, de l’expertise et de la crédibilité presque sans faille d’un organisme qui siège au Québec. »

Plus encore, celui qui a aussi été sous-ministre adjoint pour le ministère de l’Environnement québécois doute de l’implication réelle de son ancien employeur, bien que le ministère ait assuré que le « gouvernement du Québec sera partie prenante de tout le processus et s’assurera que les préoccupations du Québec sont entendues et obtiennent des réponses satisfaisantes, notamment concernant la qualité de l’air, les écosystèmes marins et le traitement des matières dangereuses ».

« Les représentations des experts du [ministère] seront considérées tout au long de cette évaluation », précise Guillaume Bérubé, attaché de presse au cabinet du ministre Heurtel.

Selon M. Mead, il est toutefois « très rare de voir l’ACEE procéder à une évaluation environnementale complète lorsque le ministère provincial refuse d’abord d’assujettir le promoteur concerné à sa propre législation ».

Projet passé

Il y a 35 ans, le port de Québec avait déjà envisagé son agrandissement, mais le projet avait toutefois été écarté à la suite des toutes premières audiences du BAPE, rappelle Harvey Mead.

« Déjà à l’époque, on se questionnait sur les impacts qu’un tel projet pourrait avoir sur la dynamique du secteur, laisse-t-il tomber. Aujourd’hui, avec notre meilleure connaissance du fleuve et le fait que la ville de Québec est maintenant reconnue comme un élément du patrimoine mondial, nous sommes consternés de voir que ce que nous croyions avoir réussi à régler il y a plus de 30 ans vient encore nous hanter. »

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