Québec et Ottawa à la barre

Brigitte Breton, Le Soleil, publié le 02 juillet 2015

(Québec) Le gouvernement Couillard veut faire passer de 25000 à 55000 le nombre d’emplois liés au fleuve Saint-Laurent et à ses ports d’ici 2030. Avec sa stratégie maritime, Québec compte tirer davantage profit de sa situation géographique, et ce, dans le respect de l’environnement et des communautés.

Partons la mer est belle? Gardons en tête que le gouvernement québécois doit partager la barre avec Ottawa. Il ne contrôle pas totalement ce qu’il présente pourtant comme un des piliers de sa stratégie de relance économique.

Il n’y avait pas de ministres fédéraux à la présentation de la stratégie maritime, à Montréal. Les quais, la voie maritime du Saint-Laurent, les aires protégées, tout cela est de juridiction fédérale, a cependant rappelé à l’Agence QMI le professeur Émilien Pelletier, de l’Institut des sciences de la mer de Rimouski. Ce n’est pas un détail.

D’autant plus que les libéraux misent sur leur stratégie maritime pour dynamiser l’économie et pour atteindre leur objectif de créer 250000 emplois en cinq ans. Le gouvernement prévoit investir 5 milliards $ pour générer 30000emplois d’ici 15 ans – à un rythme de 10000par année – dans le transport maritime, les pôles logistiques, le tourisme, la pêche, et la recherche. Un scénario, qui comme celui du Plan Nord, comporte une grande part d’inconnus. Surtout quand l’économie canadienne vacille et qu’il presse d’augmenter la productivité des entreprises québécoises.

Le privé sera-t-il en effet au rendez-vous comme le prétend le premier ministre et investira-t-il à son tour 4 milliards $? Les projets liés à la stratégie maritime vont-ils obtenir l’acceptabilité sociale qu’estime nécessaire le gouvernement? L’Assemblée des Premières Nations a déploré être exclue du «bateau du développement». Comment Québec peut-il éviter des conflits potentiels sur l’usage du territoire et des ressources?

On le voit bien, la présentation en grande pompe d’une stratégie gouvernementale donne des orientations, envoie un signal positif au milieu des affaires et à la population, mais rien ne garantit que tout va se réaliser comme dans les discours optimistes des politiciens. D’autant plus lorsqu’un autre palier de gouvernement a son mot à dire.

À plusieurs endroits dans le plan d’action, il est question de travailler de concert avec le fédéral. Notamment pour optimiser sa participation dans les sites portuaires du Québec dans le cadre du nouveau plan Chantiers Canada, pour que les chantiers maritimes québécois participent au renouvellement de la flotte de navire canadien et pour mener à terme les négociations sur la création d’une aire marine protégée au banc des Américains en Gaspésie.

Québec souligne aussi que la gestion du risque associé au transport de matières dangereuses et des hydrocarbures commande une coordination des plans d’intervention des instances municipales, provinciales et fédérales. Et comment, 40% de la population s’approvisionne en eau potable dans le Saint-Laurent. Compte tenu des compétences dévolues à Ottawa en matière de navigation et de pêcheries, Québec note que le gouvernement fédéral demeure «un partenaire privilégié» pour l’implantation de sa stratégie.

Or, ce partenaire privilégié fait toujours attendre le chantier Davie alors que les autres chantiers canadiens ont profité de la manne fédérale. À Québec, les relations sont aussi tendues entre le port, qui prévoit une expansion, et le ministre québécois de l’Environnement. Même si Québec veut renforcer le port de Montréal et être la porte d’entrée internationale du nord-est de l’Amérique du Nord, encore faut-il que cet objectif soit partagé par Ottawa.

Il faudra voir aussi, après les élections fédérales de l’automne, où loge ce «partenaire privilégié» et s’il est prêt à contribuer à faire profiter le Québec et ses entreprises de son vaste territoire maritime.

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