Baignade à la Baie de Beauport: Labeaume invoque la santé publique

ANNIE MORIN, Le Soleil, publié le 27 juillet 2012

Le maire Régis Labeaume est allé aux nouvelles et est d’avis, comme ses fonctionnaires et la direction de la santé publique, qu’il serait trop risqué d’ouvrir la plage de la Baie de Beauport à la baignade.«Ce n’est pas un manque de volonté, c’est une question de santé publique», affirme le maire de Québec. Selon les résultats de tests bactériologiques, l’eau du fleuve Saint-Laurent était de qualité acceptable 64 % du temps lors de la saison 2011 – 87 % par temps sec – à la Baie de Beauport. «Ça, ça veut dire que le tiers du temps, c’est pas baignable», souligne M. Labeaume.À la plage Jacques-Cartier, où le rivage est tout aussi fréquenté, le fleuve aurait pu accueillir des baigneurs 51 % du temps.Tant qu’il ne sera pas possible de tester l’eau en temps réel, et donc d’informer le public en temps réel, le maire ne voit pas comment permettre aux citoyens de faire trempette sur ces deux plages. «Parce que des coliformes fécaux, il y en a», insiste-t-il, ajoutant que «la direction de la santé publique appuie totalement la Ville».Vérification faite, les avis émis par la Direction régionale de santé publique de la Capitale-Nationale (DRSP) datent de 2004 et 2005.Sur le modèle développé par le ministère du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs (MDDEP) pour prévoir la qualité de l’eau, les médecins ont exprimé des réserves. Car si les prédictions sont assez efficaces, «il y a des journées où on peut manquer notre coup», rappelle Jean-François Duchesne, conseiller en santé environnementale à la DRSP, en entrevue téléphonique au Soleil.

«Pas exempt de risques»

L’eau du fleuve ou de tout autre lac ou rivière doit contenir plus de 200 coliformes fécaux par 100 millilitres pour être déclassée. Or, quand la baignade serait possible, la Baie de Beauport se trouve juste en deçà de cette limite deux fois sur trois, a constaté la DRSP. «Ce n’est pas exempt de risques», fait remarquer M. Duchesne.Les statistiques font état de deux à cinq cas de gastro-entérite pour 1000 baigneurs après dix minutes de baignade et trois immersions de tête dans une eau contaminée. C’est deux fois plus que la normale. Et on parle alors d’adultes en bonne santé, pas d’enfants qui pataugent dans quelques centimètres d’eau réchauffée par le soleil. Les plaies ouvrent aussi la porte aux dermatites. Les yeux et les oreilles sont sensibles aux infections.Dans sa correspondance, la DRSP y allait de quelques recommandations au cas où la Ville de Québec déciderait d’ouvrir le fleuve malgré les inquiétudes des médecins : tester l’eau régulièrement, informer les baigneurs de sa qualité avec des affiches et des dépliants et encadrer certains comportements, comme ne pas mettre la tête dans l’eau ou prendre une douche après la baignade.Huit ans après son premier avis, la DRSP n’a pas de raison de croire que la situation a beaucoup évolué. Mais si la Ville de Québec le demande, l’évaluation sera refaite.À la hauteur de Québec, la contamination des plages fluviales est due aux 750 exutoires pluviaux qui déversent leurs surplus dans le Saint-Laurent en cas de gros coup d’eau. À ceux-ci sont connectés plus de 200 «surverses», qui évacuent le trop-plein des égouts sanitaires au besoin. Selon Régis Labeaume, des problèmes mécaniques ou de connexion peuvent survenir même en temps sec.La Ville de Québec prévoit achever d’ici cinq ans la construction de deux derniers bassins de rétention pour décanter ces eaux contaminées. La possibilité de permettre la baignade sera alors réévaluée.

Il y a 25 ans…

Une page Web retrouvée sur le site du MDDEP se sert de l’exemple de la Baie de Beauport pour décourager la baignade et les activités nautiques dans des eaux polluées.«À la suite d’une compétition de planche à voile tenue dans ce plan d’eau en 1984, de nombreux participants ont présenté des affections aux yeux et aux oreilles, des dermatites et diverses pathologies gastro-intestinales. Cet incident montre bien que non seulement la baignade, mais toute activité aquatique impliquant un contact direct avec de l’eau contaminée peut entraîner des problèmes de santé», peut-on lire.Les concentrations maximales enregistrées étaient alors de 2000 coliformes fécaux/100 ml d’eau, soit dix fois la limite permise. Cela se voit encore aujourd’hui, mais très rarement. Les jours de grosse pollution, les valeurs tournent plutôt autour de 500.

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