La qualité de l’air sous haute surveillance dans la basse-ville

ÉMILIE PELLETIER, Le Soleil, publié le 3 novembre 2022

La qualité de l’air est sous haute surveillance en basse-ville de Québec. Huit stations de mesures sont en fonction et procèdent à l’analyse des contaminants qui flottent au-dessus de Limoilou. Mais on ne saura pas d’où ils viennent ni ce qu’ils contiennent avant 2023.

Une campagne d’échantillonnage est en cours depuis le 14 octobre et se poursuivra jusqu’au 9 décembre. La basse-ville de Québec est la première à être passée au peigne fin.

Comme promis en juin par la Ville de Québec, en partenariat avec le Port de Québec et le ministère de l’Environnement, le réseau de stations d’analyse a été bonifié. Passés d’un à huit, les capteurs sont en marche afin de dresser un «véritable portrait» de la qualité de l’air, a fait savoir le maire de Québec, Bruno Marchand, jeudi, aux côtés du président-directeur général du Port de Québec, Mario Girard.

Le ministre de l’Environnement, Benoit Charette, brillait par son absence. Rien, par contre, pour remettre en doute sa «grande participation» au projet, assure le maire Marchand. 

Il ne s’agit pas d’un désengagement de sa part, insiste son cabinet, qui n’a cependant pas voulu révéler au Soleil ce qui l’empêchait de prendre part à l’annonce à l’hôtel de ville de Québec. «Son agenda ne lui permettait pas d’être présent», s’est-on contenté de répondre. «On vous assure que ce dossier reste une priorité et que la collaboration se poursuit et les équipes collaborent ensemble de manière efficace.»

Nouvelle cible: mars 2023 

Au cours des derniers mois, la multiplication par cinq de la limite permise de nickel dans l’atmosphère par le gouvernement du Québec a ravivé les craintes quant à la qualité de l’air. Particulièrement dans le quartier Limoilou, entouré de sources présumées de contamination comme des bretelles d’autoroutes, le Port et l’incinérateur, où elles sont déjà fortes. 

Mais avant de procéder à quelconque action, les acteurs concernés espèrent disposer de données fines sur la provenance des polluants. D’une durée de deux mois, leur première campagne de cueillette permettra l’analyse des particules et d’une trentaine de métaux, dont le nickel, a-t-on fait savoir.  


« C’est impossible de ne pas changer les choses si on trouve quelque chose qui va mal » — Bruno Marchand


Bien que ce dernier insiste pour parler d’un «tour de force» que de procéder à une collecte d’informations dès cet automne, il a dû se défendre d’avoir fourni une cible «ambitieuse» et de créer des attentes sans respecter l’échéancier promis. Au printemps, il soutenait que toutes les données récoltées seraient rendues publiques aux citoyens «dès la fin de l’automne». 

Or, il n’en sera rien. «Ça prend un peu plus de temps que prévu», reconnaît-il.

Au terme d’analyses en laboratoire des échantillons recueillis tous les deux jours, le rapport technique à produire par une firme spécialisée indépendante n’est attendu que «fin mars, début avril» 2023. 

«Plutôt que de vous soumettre un rapport incomplet, plaide M. Marchand, on préfère attendre et je pense que c’est la bonne décision». Ce dépôt concordera avec la publication très attendue et maintes fois repoussée de l’étude Mon environnement, ma santé de la Direction régionale de santé publique, entamée en 2015. 

Le Port promet d’«aller au fond des choses»

Dans l’intervalle, «les citoyens peuvent être rassurés, croit le maire. Les données vont être publiques et on va travailler à identifier les sources pour les enrayer». 

Les stations ont d’ailleurs été installées dans un périmètre stratégique de 12 km2, où sont ciblés les principales sources industrielles du secteur. Du lot, trois capteurs sont sous la responsabilité du Port et deux du gouvernement et trois de la Ville.VILLE DE QUÉBECVILLE DE QUÉBEC

L’administration Marchand souligne qu’il s’agit de la «première fois que la Ville se dote de ses propres stations» temporaires de mesure de la qualité de l’air, pour lesquelles elle estime avoir dû investir 100 000 $. Elle s’engage aussi à prendre en compte les données citoyennes colligées avec l’initiative Limoil’Air, tout en bonifiant le réseau citoyen de 14 stations sur des bâtiments municipaux.

Le Port, souvent pointé du doigt pour le transbordement de nickel à même ses installations et pour un manque de transparence, promet son entière collaboration à «aller au fond des choses pour le bien-être de notre communauté». L’idée n’est pas non plus de se cacher, jure-t-il, alors que les mois d’octobre, novembre et décembre sont «une période assez active et intense au niveau des activités portuaires», notamment en transbordement de nickel. 

«Il n’y a pas d’hésitation de notre côté, c’est important d’être au rendez-vous. On ne lésinera pas sur ce qui peut être utile pour arriver à trouver les contaminants et les sources», se prononce le pdg Mario Girard. 

Jackie Smith se méfie du Port

La cheffe de Transition Québec et conseillère municipale de Limoilou n’achète rien de ces promesses du Port de Québec. Selon elle, un échantillonnage qui ne se fait pas en temps réel et en tout temps ouvre la porte à du «cherry picking». 

«Considérant l’historique de mauvaise foi du Port de Québec, nous ne pouvons lui faire confiance et s’attendre à ce qu’il nous fournisse le véritable portrait de la situation», croit Jackie Smith. 

De son côté, le chef de l’opposition officielle envoie plutôt des flèches au maire de Québec, qu’il aimerait voir faire pression sur la Santé publique pour déposer son rapport sur Mon environnement, ma santé.

 «On se fait niaiser!», lance Claude Villeneuve. Il rapporte avoir écrit au gouvernement du Québec pour en exiger la publication «immédiate». 

Il demande aussi au maire de remplir ses promesses. «Quand on crée des attentes et qu’on ne le livre pas, ça remet en doute notre capacité à livrer d’autres affaires», glisse-t-il.

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