Quinze minutes pour déterminer si l’eau est propice à la baignade

BAPTISTE RICARD-CHÂTELAIN, Le Soleil, publié le 12 juillet 2021.

Se lancer dans le fleuve à la plage Jacques-Cartier du secteur Sainte-Foy. Faire du kayak sur la rivière Saint-Charles, dans les quartiers Saint-Sauveur et Saint-Roch. En toute légalité. Une technologie utilisée à Paris, Montréal, L’Assomption et Saint-Jérôme permettrait de l’autoriser facilement.

Le président de la Fondation Rivières, Alain Saladzius, nous avait contactés en avril, à la suite de la publication d’un de nos articles sur l’interdit de baignade à la plage Jacques-Cartier, malgré une qualité de l’eau souvent bonne. Nous avions conservé les infos qu’il nous a transmises, en nous disant que vous aimeriez sans doute savoir, en plein été, qu’une solution semble exister pour autoriser le canotage, voir les saucettes, dans les cours d’eau honnis de la région.

Au téléphone, donc, Alain Saladzius, ingénieur. Il a fait carrière en tant que conseiller en assainissement des eaux dans l’administration publique, raconte-t-il. Après 35 ans, il est en «semi-retraite à temps plein» à la tête du conseil d’administration de la Fondation Rivières.

Aujourd’hui, il aimerait convaincre les élus de Québec qu’une technologie simple et relativement peu dispendieuse permettrait de lancer rapidement des projets d’accès à l’eau. «Il y a de super beaux endroits à aménager.»

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RÉSULTATS EN TEMPS RÉEL

«Il y a des nouvelles technologies qui existent pour connaître en temps réel la qualité bactériologique de l’eau. Il est possible d’avoir les résultats en seulement 15 minutes.»

Avec la méthode habituelle, des échantillons sont prélevés, puis il faut attendre les résultats parfois une semaine, avance Alain Saladzius. Sinon, il faut investir des sommes importantes pour développer des logiciels qui se baseront sur les données passées pour décider si l’eau est propice à la baignade ce jour-là.

Un appareil valant autour de 70 000 $ effectue maintenant le travail en temps réel, fait-il valoir. Les prélèvements, les analyses et la transmission des données sont automatisés. 

M. Saladzius plaide que le coût est minime quand des milliers de citoyens peuvent retrouver l’usage de l’eau. «On rentre dans notre argent.»

Pour un essai d’un été, la Fondation Rivière prend en charge le dossier pour 25 000 $, si Polytechnique Montréal prête une machine. Reste de la plomberie à livrer par les cols bleus.

«En 2020, nous avons réalisé en collaboration avec Polytechnique Montréal et l’INRS un projet pilote de quelques semaines dans la rivière L’Assomption en vue d’évaluer l’importance de la contamination bactériologique et de son origine. Les résultats sont suffisamment concluants pour que la Ville considère l’ouverture d’une plage sécuritaire et surveillée en continu dès cet été.»

«[À L’Assomption], il y a une belle plage au centre-ville», ajoute M. Saladzius. «[Mais], c’est une rivière qui n’a pas une bonne réputation. […] On a vu que la majorité du temps, l’eau est bonne. Sauf quand il y a des déversements.»

Cet été, la Fondation Rivières retourne à L’Assomption. Elle a aussi un nouveau mandat à Saint-Jérôme. La rivière à Châteauguay est également dans leur mire. L’organisation surveille en outre la qualité de l’eau à la plage de Montréal à Verdun.

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INTÉRÊT POUR LA SAINT-CHARLES ET LA PLAGE JACQUES-CARTIER

«La rivière Saint-Charles serait facile. À la plage Jacques-Cartier, c’est intéressant aussi. […] Ça mériterait de le tester. Ils peuvent le tester un an.»

Alain Saladzius juge que la marina de Saint-Roch serait idéale pour effectuer un essai. Le site est déjà aménagé pour mettre de petites embarcations à l’eau : planche à pagaie, canot, kayak…

Pas de baignade ici, par contre. La réglementation est basée sur le taux de coliformes fécaux dans l’eau. «Il y a deux seuils à respecter. Le plus sévère, pour la baignade, c’est 200 UFC par 100 ml. Pour les contacts secondaires, la planche à voile et le canot, c’est 1000.»

Dans la rivière du centre-ville, les tests indiquent parfois plus de 1000 après la pluie. «La problématique qui subsiste, ce sont les surverses d’eaux usées. […] Dans la rivière Saint-Charles, il y en a plusieurs même si des bassins de rétention ont été construits.»

«L’eau est bonne, mais pas toujours», poursuit M. Saladzius. «D’où l’importance de connaître en temps réel la qualité de l’eau.»

Avec une mesure en temps réel, on ferme quand les contaminants arrivent et on ouvre rapidement quand c’est passé, dit-il.

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DES MODÈLES PRÉDICTIFS PLUS COMPLEXES

La Ville de Québec investit dans d’autres méthodes d’évaluation du risque, plus dispendieuses. Comme à la baie de Beauport, l’administration municipale a mandaté des firmes et des chercheurs universitaires pour développer des logiciels capables de prédire la qualité de l’eau. Elle l’a fait l’an dernier encore pour la plage Jacques-Cartier.

Par ailleurs, des investissements majeurs réalisés afin de limiter les débordements des eaux usées dans la Saint-Charles ont permis d’améliorer significativement la santé du cours d’eau. Mais, quand le trop-plein est rejeté dans la rivière, le seuil de coliformes fécaux dépasse encore la norme du ministère de l’Environnement pour le canot et la planche à pagaie.

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