Laurentia: une opération charme de 14 millions$

Mylène Moisan, Le Soleil, 16 juillet 2021

Pour vendre le projet Laurentia, le Port de Québec a dépensé presque 14 millions de dollars depuis 2015.

De l’argent jeté à l’eau.

Grâce à une demande d’accès à l’information faite par un citoyen, le Port de Québec a dû révéler les montants engloutis pour justifier son projet de terminal en eau profonde, d’abord baptisé Beauport 2020, puis Laurentia. Ce qui est clair, c’est que l’Administration portuaire n’a ménagé aucun effort.

La somme la plus importante, et de loin, a servi à alimenter l’Agence d’évaluation d’impact du Canada (AEIC) qui devait se pencher sur les conséquences du projet évalué à 775 millions$, autant sur l’environnement, la faune aquatique, la santé humaine, le patrimoine et les communautés autochtones.

Dans son rapport déposé en juin, l’Agence a donné un avis défavorable. Le gouvernement fédéral a ensuite sonné le glas de Laurentia.

Pour convaincre les commissaires du bien-fondé du projet, le Port a dépensé plus de 11 millions, exactement 11 117 868$ pour la «production (mesures, études, analyses, etc.) de la documentation requise par l’AÉIC pour l’étude d’impact environnemental», tel qu’il est  libellé dans la réponse de l’Administration portuaire de Québec (APQ). L’année la plus coûteuse a été 2020 avec plus de 2,7 millions$.

La deuxième plus grosse dépense? Le lobbyisme. Le Port de Québec a casqué plus de 712 000$ pour attendrir ceux qui avaient l’avenir de Laurentia entre leurs mains. Parmi les gens influents qui ont été approchés, notons les ministres Jean-Yves Duclos au Conseil du Trésor et Omar Alghabra aux Transports, mais aussi des membres de l’AEIC, jusqu’au président David McGovern.

Le Port a fait flèche de tout bois en 2020 et jusqu’au 31 mai 2021, alors que la pression se faisait plus forte sur le projet, avec une facture frôlant 500 000$.

Viennent ensuite, avec un peu plus de 700 000$, les «honoraires professionnels de Don Krusel», le directeur exécutif du projet que le Port a embauché en août 2018 sans tambour ni trompette. L’ancien PDG du Port de Prince Rupert a reçu, en 2019 et en 2020, plus de 230 000$ par année.

Mais le Port de Québec n’avait pas que des ministres et les membres de l’Agence d’évaluation d’impact du Canada à convaincre, il devait aussi tenter de «vendre» son projet à la population. Là aussi, il n’a pas lésiné sur les moyens avec une «stratégie média» de 463 000$, la moitié en 2020, ainsi que des 446 000$ d’«articles dans les journaux», dont 339 000$ en 2020.

Il s’agit ici de publireportages, une organisation ne peut se payer des «articles dans les journaux».

Pour le reste, le Port a déclaré des frais de voyage de presque 200 000$, un montant de 56 000$ pour le site web créé pour présenter Laurentia –qui est toujours disponible–, 37 000$ pour des présentations vidéos, 21 000$ pour des journées d’information et 30 000$ en frais postaux, dont près de la moitié en 2021 pour l’envoi au début de l’année de milliers de dépliants promotionnels.

Au total pour cette opération charme, la rondelette somme de 14 millions$.

En guise de comparaison, c’est sept fois plus d’argent que le Port avait promis de mettre pour faire un «parc urbain» sur une partie de la péninsule de la Baie de Beauport, une autre idée pour faire avaler la pilule de son projet qui impliquait de devoir créer un terrain d’une superficie de 21 terrains de football en empiétant sur le fleuve.

En tout cas, on ne pourra pas reprocher au Port de ne pas avoir tout essayé pour justifier ce projet insensé, pour faire passer une vessie pour une lanterne.

La poudre aux yeux, ça retombe.

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