L’Université Laval tente de défendre son entente avec le Port de Québec

Ses explications n’ont «aucune crédibilité», selon un expert

Daphnée Dion-Viens, Journal de Québec, 29 avril 2021

Critiquée de toutes parts pour une entente controversée conclue avec le Port de Québec, l’Université Laval affirme que les règles éthiques en matière de recherche ont été respectées à la lettre. Ces explications, jugées non crédibles par un expert, n’ont pas réussi à faire taire toutes les critiques entourant la collaboration entre ces deux partenaires.  

La direction de l’Université Laval a publié, jeudi avant-midi, une «mise au point» concernant une entente conclue avec le Port de Québec. La rectrice, Sophie D’Amours, avait convoqué les médias pour répondre à leurs questions à ce sujet.

À la mi-avril, Le Soleil rapportait que l’Université Laval avait convenu, en 2018, d’une «convention-cadre de collaboration en matière de recherche» dans laquelle l’institution s’engage à maintenir «en tout temps confidentielle» la participation du Port de Québec dans différents «projets de recherche».

Quatre «projets de recherche» impliquant une dizaine de chercheurs de l’Université Laval sont présentement financés par le Port de Québec. 

La Fédération québécoise des professeures et professeurs d’université y avait vu des révélations «troublantes et extrêmement problématiques». 

«Avis d’experts»

La rectrice Sophie D’Amours a indiqué, jeudi, qu’aucun projet de recherche en bonne et dûe forme n’a été réalisé, malgré ce qui est inscrit noir sur blanc dans l’entente. 

Les travaux financés par le Port de Québec correspondent plutôt à des «avis d’experts» pour lesquels les ententes de confidentialité sont courantes, selon la direction. 

«L’Université Laval a respecté en tout point et en tout temps les règles de la conduite responsable dans ce dossier», a affirmé Mme D’Amours.

Si ces travaux avaient mené à des publications scientifiques, la clause de confidentialité aurait été levée, a-t-elle ajouté. 

Mme D’Amours a affirmé que la façon dont l’entente a été rédigée «porte à confusion» et que des correctifs seront apportés lorsque l’entente sera renouvelée. 

Dans le document de 46 pages remis aux médias hier, il n’est aucunement question «d’avis d’experts», mais plutôt de «projets de recherche» à maintes reprises. 

Des explications non crédibles

Or ces explications n’ont «aucune crédibilité» selon Yves Gingras, directeur scientifique de l’Observatoire des sciences et des technologies à l’UQAM. 

«On joue sur les mots, il n’y a pas un professeur qui va croire ça», lance-t-il. 

M. Gingras déplore que l’Université Laval fasse «de la gestion de crise plutôt que d’admettre une erreur». 

Cette mise an point n’a pas convaincu non plus les associations étudiantes. À la CADEUL (Confédération des associations d’étudiants et d’étudiantes de l’Université Laval), qui représente les étudiants du premier cycle, on s’étonne que ces explications diffèrent de celles obtenues précédemment. 

«On voit qu’ils ajustent peu à peu leur discours. On aimerait qu’il y ait moins de bafouillage par rapport à tout ce qui entoure le Port de Québec et tous les partenariats», a affirmé sa présidente, Cyndelle Gagnon. 

Le son de cloche est sensiblement le même de la part de l’AELIÉS (l’Association des étudiantes et des étudiants de Laval inscrits aux études supérieures).

«Le Port de Québec a beaucoup à gagner à s’associer à l’Université Laval, mais on voit que l’Université Laval a de son côté beaucoup à perdre», a souligné le secrétaire exécutif, Jason F. Ortmann. 

Au cours de la dernière année, plusieurs ont reproché à l’Université Laval d’avoir appuyé publiquement le projet Laurentia, un projet du Port de Québec visant la construction d’un terminal de conteneurs en eau profonde qui est loin de faire l’unanimité. L’Université s’en est dissociée depuis. 

Le Syndicat des professeurs et professeures de l’Université Laval (SPUL) a notamment demandé à la direction de retirer «tout logo ou toute forme de représentation» en lien avec projet Laurentia. 

Concernant l’entente de partenariat conclue avec le Port de Québec, le président du SPUL, Alain Viau, s’est dit rassuré par la mise au point faite par la direction jeudi, même s’il n’avait pas pris connaissance du contenu de l’entente. 

Il aurait été inacceptable que des clauses de confidentialité aient été imposées à des projets de recherche, alors que les règles du jeu sont différentes lorsqu’il s’agit d’avis d’experts, a-t-il expliqué. 

De son côté, la Fédération québécoise des professeures et professeurs d’université, dont le SPUL est membre, a plutôt jugé que les explications de l’Université Laval à ce sujet n’étaient «pas tellement rassurantes». 

«Il demeure préoccupant que l’entente prévoie des modalités contraires aux règles et aux pratiques applicables en recherche universitaire», peut-on lire dans une déclaration écrite.

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