Entente de recherche avec le Port : l’UL aurait admis des «erreurs»

David Rémillard, 2021-04-24 | Mis à jour le 25 avril 2021

Les associations étudiantes demandent de la transparence et une révision du processus de conclusion des contrats de recherche.

Les associations étudiantes de l’Université Laval sont choquées par le silence de la direction universitaire au sujet d’une convention de recherche signée avec le Port de Québec, et dans laquelle des clauses de confidentialité suscitent la controverse. Elles exigent des explications publiques, d’autant plus que des dirigeants auraient admis, en coulisses, que certaines « erreurs » s’étaient glissées dans le contrat.

À l’instar d’autres acteurs du milieu universitaire, le contenu de la convention-cadre de collaboration en matière de recherche, paraphée au printemps 2018 entre l’Administration portuaire de Québec (APQ) et l’Université Laval, dérange les associations étudiantes lavalloises.

Le document exige de l’Université Laval qu’elle maintienne confidentielle, en tout temps, la participation de l’administration portuaire dans les différents projets de recherche découlant de cette entente.

[Ces clauses] sont selon nous complètement inacceptables et entrent en contradiction directe avec les normes d’éthique et de transparence que l’Université Laval se doit de respecter, tranche la Confédération des associations étudiantes de l’Université Laval (CADEUL).

Des arguments partagés par l’Association des étudiant(es) de Laval inscrits aux études supérieures (AELIÉS), qui craint des impacts sur la crédibilité des recherches effectuées par les chercheuses et chercheurs.

Clauses dénoncées

6.2 : L’Université maintiendra en tout temps confidentielle la participation de l’Administration aux différents projets de recherche et s’engage à ne pas faire référence à la participation de l’Administration de quelque façon que ce soit sans l’accord préalable de l’Administration.

10.2 : […] l’Université informera l’Administration de tout projet de divulgation ayant trait aux projets par la remise préalable d’une copie des textes, avant toute publication ou diffusion. Si l’Administration ne s’oppose pas par écrit à cette divulgation dans les 30 jours […], l’Université pourra alors divulguer l’information.

 
Source Convention-cadre de collaboration en matière de recherche

« Des erreurs »

À la recherche de clarifications, les associations étudiantes ont obtenu une rencontre avec la vice-rectrice à la recherche de l’université, Eugénie Brouillet, le vice-recteur Robert Beauregard ainsi que Danielle Poiré, cheffe de cabinet de la rectrice Sophie D’Amours.

En entrevue à Radio-Canada, les leaders étudiants rapportent qu’au cours de ces échanges, tenus la semaine dernière, les dirigeants ont admis que certaines clauses de l’entente avec le Port n’auraient pas dû s’y retrouver. La convention est en vigueur depuis trois ans.

Les associations étudiantes auraient aussi obtenu certains engagements de la direction. On a laissé entendre que des faux pas seraient rectifiés. C’est ce à quoi on s’attend, soutient Jason F. Ortmann, secrétaire exécutif à l’AELIÉS.

Sur la clause prévoyant un droit de regard du Port sur les publications, elle ne devrait pas y être, selon ce que nous a dit l’administrationOn trouve ça franchement étrange, poursuit M. Ortmann, qui peine à s’expliquer de telles erreurs.

La CADEUL partage la même interprétation des propos tenus par la direction lors de cette rencontre. On nous a dit que c’était une erreur que ce serait corrigé, affirme sa présidente Cyndelle Gagnon, évoquant même une erreur de copier-coller.

Mme Gagnon ajoute que l’entente de recherche arrive à échéance à la fin mai, et que ce serait l’occasion de revoir les clauses problématiques si elle était renouvelée.

Discours différent

Le discours tenu par l’Université Laval publiquement est différent de celui rapporté par les associations étudiantes. Depuis plus d’une semaine, Radio-Canada tente d’obtenir des explications au sujet de cette convention de recherche avec le Port.

Mercredi, dans une déclaration écrite ne comportant qu’une seule phrase, l’Université Laval disait n’avoir rien à se reprocher. Après vérifications, l’Université n’a contrevenu à aucune de ses politiques, a laissé savoir Simon La Terreur, conseiller en communication.

Des explications laconiques qui ne satisfont pas les associations étudiantes.

« [Publiquement], c’est le silence radio de la part de l’Université et on ne trouve pas ça acceptable. » Jason F. Ortmann, secrétaire exécutif, AELIÉS

La semaine dernière, le Port de Québec s’était défendu de causer des entorses à l’éthique en plaidant que les travaux de recherche avec des professeurs de l’Université Laval n’avaient mené qu’à des avis scientifiques pour le compte de l’administration portuaire.

Ces explications n’ont pas convaincu davantage les associations étudiantes. Elles estiment que l’esprit de la convention, de la manière dont elle est rédigée, évoque davantage des projets de recherche que de simples avis privés, pour lesquels une exigence de confidentialité peut être justifiée.

Les justifications de l’Université ne leur permettent pas, non plus, de comprendre pourquoi une clause prévoit un droit de regard du Port sur les publications scientifiques qui pourraient découler des travaux conjoints avec des chercheurs universitaires.

Manque de transparence

Rappelons que la CADEUL et l’AELIÉS se sont positionnées, l’automne dernier, contre le projet de terminal de conteneurs Laurentia, mené par le Port de Québec. Projet pour lequel la participation de l’Université Laval est contestée sur le campus.

Selon les associations, la direction entretient un flou sur ses liens avec le Port. Depuis des mois, elles cherchent à comprendre, sans grand succès, quels sont les liens entre les deux organisations.

C’est finalement grâce à une demande d’accès à l’information, une initiative indépendante d’un étudiant du campus, qu’elles ont appris l’existence d’une convention-cadre de recherche.

La CADEUL questionne l’administration universitaire depuis septembre dernier pour obtenir plus d’information sur les différents partenariats liant l’Université Laval et le Port de Québec, a-t-on expliqué à Radio-Canada cette semaine. Il aura malheureusement fallu une demande d’accès à l’information pour obtenir l’heure juste. Nous sommes très loin de la transparence ici, déplore Cyndelle Gagnon.

Un processus à revoir

Erreur de bonne foi ou non dans la rédaction de la convention, les associations étudiantes de l’Université Laval demandent à l’unisson des explications de la direction et une révision du processus menant aux ententes de recherche.

Nous sommes convaincus que cette prise de parole publique doit s’accompagner d’actions concrètes qui permettront d’éviter ce type d’entente dans le futur, affirme la CADEUL. C’est pourquoi nous avons demandé à l’Université de revoir les processus menant à l’élaboration de contrats et d’ententes de recherche.

« Le manque de transparence et d’éthique dans le dossier actuel rend essentielle une réforme des procédés actuels. » – Cyndelle Gagnon, présidente, Confédération des associations étudiantes de l’Université Laval

Invitée à réagir aux propos et aux demandes des associations étudiantes, jeudi et vendredi, l’Université Laval n’a pas offert de commentaires. La direction a finalement décidé de convoquer les médias à une période de questions, laquelle se tiendra jeudi prochain, le 29 avril.

Envoyée vendredi soir, la convocation confirme que la rectrice Sophie D’Amours prendra part à la conférence de presse.

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