Déjà des centaines de conteneurs au port de Québec… pourquoi?

BAPTISTE RICARD-CHÂTELAIN, Le Soleil, 26 avril 2021

Avez-vous circulé dans le secteur de l’anse au Foulon dernièrement? Avez-vous remarqué tous ces conteneurs empilés? Il y en a des centaines; des «petits» de 20 pieds (6,1 mètres) de long, et les plus grands de 40 pieds (12,2 mètres). Allons y regarder de plus près…

+

PRÉLUDE À LAURENTIA?

«Il me semble que vous vous intéressez aux activités du port de Québec», a récemment écrit au Soleil la lectrice Gisèle Cimon. «J’aimerais attirer votre attention sur les conteneurs que l’on voit le long du boulevard Champlain sur les terrains du port. La quantité impressionne. Est-ce que le transbordement à grande échelle de conteneurs est déjà commencé?»

Comme Mme Cimon, nous avons été surpris en voyant les piles. À quoi peuvent bien servir tous ces conteneurs? L’Administration portuaire de Québec nous offre-t-elle un avant-goût de son projet de terminal Laurentia?

+

PAS DE LIEN AVEC LAURENTIA

«Ça n’a pas de rapport avec le projet Laurentia», coupe court le porte-parole de l’Administration portuaire de Québec, Frédéric Lagacé.

Oui, l’éventuel terminal de 775 millions $ que veut aménager le port à l’est accueillera des conteneurs comme ceux-là, de gabarits similaires. «Mais ce ne sont pas ces conteneurs-là, parce que c’est un autre opérateur.» 

Si elles voient le jour, les installations de Beauport seront gérées par Hutchison. Et auront une capacité de 700 000 petits conteneurs par année. Un seul navire pourrait en transporter jusqu’à 13 000.

C’est pas mal plus que les quelque 500 conteneurs visibles à l’anse au Foulon…

+

VERS LE NORD

La quantité de conteneurs amoncelés au port de Québec est tributaire… de la pêche traditionnelle des Premières nations et des communautés inuites du Nord québécois.

Vers la mi-mai, les bateaux vont se présenter aux quais 101, 102 et 103 pour récupérer les boîtes métalliques géantes qui s’accumulent, indique au Soleil Ivan Boileau. Mais, pour l’heure, il n’est pas possible de transporter les conteneurs à destination, au nord. 

M. Boileau est vice-président exécutif, partenariats stratégiques et gestions des actifs, chez QSL (Arrimage Québec). Jeudi, il était aussi guide durant notre visite au port.

En début d’année, explique-t-il, une entente avec les communautés locales interdit la navigation. C’est la période de la pêche ancestrale.

Les marchandises sont donc entassées durant deux mois. «C’est pour ça qu’il y a un surplus de “cargo” en ce moment.»

Dedans, il y a quoi?

Que pourrions-nous voir en ouvrant les portes des conteneurs? «En ce moment, ici, c’est pour deux compagnies minières.» Il y a donc tout ce qu’il faut pour faire fonctionner deux mines en expansion et assurer la survie des deux villages de travailleurs qui les entourent. Des pièces de machinerie, des véhicules, de la nourriture, des produits d’hygiène…

À Québec, le long du boulevard Champlain, QSL s’occupe donc des fournitures destinées aux entreprises installées au nord. Bon an, mal an, Ivan Boileau estime qu’une vingtaine de bateaux suffisent à cette tâche. Ce serait donc, selon lui, une opération de conteneurs à échelle réduite.

Notons que QSL transporte aussi les biens destinés aux villages inuits, mais via deux autres ports.

+

DU SUCRE, DU SEL ET DES GRANULES

Sur les quais loués par QSL au port de Québec, vous verrez aussi d’autres produits entreposés.

QSL (anciennement Arrimage Québec) a un gros terminal de vrac dans le secteur de Beauport-Limoilou. Vous vous souviendrez sans doute de l’épisode des poussières rouges de 2012; un procès s’en est suivi, l’entreprise a versé des dédommagements.

Il y a également entreposage de vrac dans le secteur de l’anse au Foulon. «Les marchandises en vrac vont commencer dans quelques semaines», annonce Ivan Boileau. 

«Les bateaux [de sucre], qui ont quitté l’Amérique du Sud, s’en viennent ici pour faire le transbordement.» Des tas de sucre brut recouvert de toiles apparaîtront donc sur l’asphalte. Le sucre qui, une fois raffiné, se retrouvera dans nos recettes et nos cafés.

Les navires arrêtent à Québec parce qu’ils sont trop gros, trop chargés pour poursuivre sur le fleuve — Ici, nous sommes encore en «eaux profondes». Ils se délestent donc sur les quais 104 et 105 où des bâtiments plus petits prennent le relais.

Déglaçage

De juin à décembre, une montagne de sel de déglaçage grossira aussi progressivement. Il est stocké au fur et à mesure des livraisons en prévision de l’hiver à venir.

En outre, juste à côté, des granules de bois sont entreposées dans les grands dômes blancs. Elles alimenteront des centrales électriques. Dans deux semaines environ, un navire partira vers le client en Belgique.

Stationnement

Tous les navires que vous voyez accoster aux quais exploités par QSL, à l’anse au Foulon, ne transportent pas ces matières-là. Certains ne sont que stationnés! Quand QSL n’a pas besoin de la place, d’autres s’y parquent. Jeudi, il y avait un vraquier italien et un pétrolier.  

+

CITOYENS PLUS SENSIBLES, IMAGE À REDORER

QSL, autrefois Arrimage Québec, sait que son image a été ternie par l’épisode des poussières rouges qui se sont envolées depuis son terminal de vrac de Beauport en direction du quartier Limoilou en 2012.

L’entreprise fondée dans Saint-Sauveur dit comprendre que la sensibilité de la population est plus aiguisée, que les attentes sont plus grandes en matière environnementale.

Jeudi, le président et chef de la direction Robert Bellisle a saisi l’occasion de notre visite pour présenter son côté vert, socialement impliqué, humain. «Maintenant, on se dit : “On va s’assurer aussi que les gens connaissent nos bons coups. Pas juste notre erreur.”»

M. Bellisle affirme que QSL a appris, que ses pratiques ont évolué.

«Chef de file»

Appuyé par une présentation vidéo, il nous a parlé des 2000 employés répartis dans 50 terminaux depuis Terre-Neuve jusqu’à La Nouvelle-Orléans en passant par les Grands Lacs. Des terminaux qui seraient maintenant tous pourvus d’une certification environnementale.

Dont celui de Beauport : «Notre terminal de Beauport est un chef de file.» Des canons à neige convertis en canon à eau crachent un nuage qui intercepte les poussières, fait-il valoir. Elles sont ensuite traitées dans un bassin de récupération. 

Robert Bellisle a aussi insisté sur l’implication sociale des employés dans les causes diverses, sur les retombées économiques de QSL dans la région, sur les investissements dans les nouvelles technologies, sur les prix que l’entreprise gagne pour ses innovations…

Jeudi, Robert Bellisle tenait à présenter QSL sous un autre jour, plus favorable.

+

EN MODE INVESTISSEMENTS

Jugé service essentiel, le transport maritime n’a pas été trop affecté par la pandémie de COVID-19, semble-t-il.

À tout le moins, QSL a poursuivi ses dépenses pour acheter des entreprises ou accroître sa participation dans celles où elle était déjà présente. Le président Robert Bellisle cite des investissements «bien au-delà de 100 millions $» dans : Integrated Logistics, Watson transport hors normes, Empire Stevedoring, Lou-Cam…

Chiffre d’affaires

M. Bellisle n’offre cependant pas de données pécuniaires précises, plaidant que l’entreprise est privée. Il évoque néanmoins un chiffre d’affaires «entre 300 millions $ et 500 millions $».

La part principale des gains serait toujours réalisée à Québec, où le siège social «véritable» se trouve encore. «C’est l’opération de la plus grande importance de l’ensemble de notre réseau.» Environ le tiers du «volume» géré par QSL passerait par les quais du port de Québec.

+

«ILS FONT QUOI ICI?»

Pour l’anecdote, soulignons que l’accès du journaliste et du photographe sur les quais a été un peu compliqué. Il a fallu confirmer notre identité et voyager dans un bus dont le chauffeur possédait une accréditation.

Dès notre premier arrêt, un policier portuaire est venu vérifier la raison de notre présence. Il a même demandé des détails sur les informations que nous recueillions. Plus loin, un homme pilotant un véhicule tout-terrain a aussi questionné nos hôtes, qui répétaient que nous avions obtenu une autorisation en haut lieu. Il y a des gens nerveux au port!

Les commentaires sont fermés.