Le Port de Québec et l’éthique

Sophie Hamel-Dufour, sociologue

Journal de Québec

Lettre ouverte publiée le 20 janvier 2021

Que penser du recrutement, par le Port de Québec, d’une experte de l’Agence d’évaluation d’impact du Canada (anciennement l’Agence d’évaluation environnementale) … alors même que le projet Laurentia du Port est soumis à la procédure d’évaluation de cette même agence?  

Le Port répond que toutes les précautions ont été prises et qu’il n’y a donc pas lieu de s’inquiéter: en matière de conflits d’intérêts, les règles seront suivies. 

Suivre les règles, c’est bien. Mais est-ce suffisant? 

Il ne faut pas se leurrer: aller chercher une expertise aussi précise en matière d’évaluation environnementale ne pourra qu’être profitable au Port de Québec. Il faut s’intéresser un peu à la sociologie des organisations pour savoir que l’acquisition de pareille expertise ne reste pas en vase clos. 

En fait, il n’est pas nécessaire que les contacts soient directs avec le projet Laurentia pour que l’expertise rayonne au sein de l’administration portuaire. Il est tout à fait plausible, voire attendu, que les différentes équipes du Port puissent en bénéficier. 

Situation d’influence

Ce qui nous place, ici, face à une situation d’influence, l’influence dans son sens premier signifiant s’insinuer, couler lentement, mais en continu, vers son but. Telle l’eau qui trouve toujours sa voie, l’acquisition d’une nouvelle expertise en évaluation environnementale fera son chemin au sein de l’administration portuaire.

Malheureusement, face à l’influence, les règles en matière de conflits d’intérêts sont habituellement muettes. Les règles se contentent généralement de considérer qu’être absent d’une pièce suffit pour que l’influence disparaisse. 

Tous pourront convenir que c’est rarement le cas. L’influence ne disparaît pas comme par magie, et c’est pourquoi il est fondamental de prendre en compte cette influence.

Plus désolant encore, c’est de constater que l’éthique est de nouveau réduite au strict champ des conflits d’intérêts. Oblitérant que sa finalité est d’inspirer comment bien faire. 

Alors que l’administration portuaire met de l’avant son engagement envers la communauté de Québec et qu’à cette fin, elle s’est dotée d’outils en matière de développement durable, si elle voulait réellement bien faire, elle ferait de l’éthique le cœur de son développement durable et ne tenterait pas le leurre avec de l’éthique de vitrine. 

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