Agrandissement du port de Québec: impact sur nos assurances?

Mireille Bonin

MIREILLE BONIN, Québec

POINT DE VUE, Le Soleil, publié le 9 décembre 2020

Le Port de Québec demande au gouvernement fédéral de lui permettre d’agrandir le port en vue de recevoir à Québec les plus grands transporteurs de conteneurs au monde. Or, ce projet, connu sous le nom de Projet Laurentia, se réaliserait en remplissant le fleuve Saint-Laurent sur une distance de 17 hectares, au centre-ville, en milieu fortement habité. Est-ce que ceci constituerait pour les citoyens de Québec une aggravation du risque à leur police d’assurance? Et si oui, quel en serait l’impact?

En matière d’assurance, l’aggravation du risque est une question très importante à faire connaître à ses assureurs, car en signant un contrat d’assurance habitation, l’assuré s’engage à aviser son assureur de toute situation susceptible d’aggraver le risque.

L’aggravation d’un risque est un sujet qui se discute au conseil d’administration d’une compagnie d’assurance, mais se retrouve rarement sur son site web. Comment donc informer nos assureurs si on ne sait pas quel département rejoindre? Ou si l’employé de première ligne de l’assureur à qui nous réussissons à parler se trouve dans un centre d’appel éloigné de Québec et n’a jamais entendu parler du projet Laurentia?

C’est ainsi qu’il est fort probable que la plupart de nos assureurs n’ont pas étudié l’envergure et les impacts du Projet Laurentia d’une part; et que d’autre part la plupart des assurés ne savent pas qu’ils doivent aviser leur assureur de l’aggravation potentielle du risque que l’agrandissement du port puisse causer.

Ces conteneurs seraient livrés en empruntant une route terrestre et ferroviaire où se situe à moins de 700 mètres du port de Québec un cégep de 5000 étudiants, une garderie Montessori et une population très dense, principalement dans les quartiers du Vieux-Limoilou et de Maizerets. En plus d’aggraver le risque pour ceux qui habitent tout au long du parcours de ces camions, peu importe le tracé qui sera choisi, et pour d’autres qui habitent le long de la voie ferrée, peu importe la destination finale de ces conteneurs.

Dans les contrats standards d’assurance habitation, il y a des garanties en cas d’explosion, de dommages aux biens, de responsabilité civile et autres, pour assurer ce qui pourrait être qualifié de dommage prévisible, en cas par exemple d’incendie au port ou de déraillement, comme il s’en est produit à Québec en 2007 et en 2009.

Cependant, il n’est pas prévisible d’avoir un risque au-delà de l’ordinaire. Avec des convois ferroviaires et routiers d’une dimension inégalée, il pourrait arriver l’impensable, en sachant que la livraison de ces conteneurs se ferait en passant sur nos rues et sur les rails de chemin derrière nos portes. Un ajout important de mouvements de camions et de trains tous les jours dont nous ignorons tout du contenu.

Les risques sont inquiétants et bien que l’Agence d’évaluation d’impact du Canada ait conclu qu’il y aurait des impacts majeurs avec le Projet Laurentia, elle n’a qu’un pouvoir consultatif. La décision est politique, elle appartient au gouvernement fédéral.

Considérant que depuis l’événement du déraillement à Lac-Mégantic en 2013, il est clair que les gouvernements ne se portent pas responsables des dommages et qu’il faut se fier à leur humanisme pour répondre, en partie seulement, aux dommages exceptionnels, sans compter que dans le cas de Laurentia, les ports au Canada sont considérés comme autonomes:

  • est-ce que les assureurs qui font affaire à Québec assumeraient l’aggravation du risque si le Port devait s’agrandir?
  • et si un accident devait se produire de la nature de ce qui s’est produit à Lac-Mégantic ou à Beyrouth, est-ce que nous serions assurés pour cela?

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