Par Voix citoyenne, publié dans Droit de parole le 6 novembre 2020
Lettre aux trois ministres :
Bill Blair, ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile
Marc Garneau, ministre des Transports
Jean-Yves Duclos, président du Conseil du Trésor et député de Québec.
Dans une entrevue accordée le 24 septembre dernier, le ministre de l’Économie du Québec, Pierre Fitzgibbon, a confirmé la décision d’Ottawa d’interdire l’implantation au Québec d’une filiale de Flying Whale, un projet franco-chinois de dirigeables, dont Québec est actionnaire à hauteur de 30 millions$. La raison de l’interdiction? Le fédéral juge le projet trop risqué pour la sécurité nationale en raison de la présence d’un puissant investisseur chinois.
Le 28 mai 2019, l’Administration portuaire de Québec a annoncé qu’elle avait conclu une entente à long terme de 595 M$ avec Hutchison Ports et le Canadien National (CN) pour la construction et l’exploitation d’un nouveau terminal à conteneurs dans la Baie de Beauport, entre l’Île d’Orléans et le Vieux-Québec. En parallèle, le Port demande 180 millions$ de fonds publics pour remblayer le fleuve et créer à même un habitat essentiel pour la reproduction du bar rayé, le futur quai qui recevra les installations projetées. Le retour du bar rayé dans le fleuve, un tour de force, est l’aboutissement d’un effort continu de près de vingt ans du gouvernement du Québec, avec les investissements correspondants.
Dans l’actuel scénario, Hutchison Ports assumera la majeure partie du coût du projet Laurentia puisqu’elle construira et opérera le terminal. Hutchison Ports est un opérateur portuaire basé à Hong Kong, une filiale à 80 % de CK Hutchison Holdings, fondé par Li Ka shing, l’homme le plus riche de Hong Kong, longtemps étroitement lié à Deng Xiao Ping. Hutchison aura donc la mainmise sur le site pour soixante ans. Sous quelles conditions?
Bien que gérant déjà plusieurs ports à travers le monde, Hutchison Ports n’a pu, à ce jour, s’implanter en Amérique du Nord qu’aux Bahamas et au Mexique. Lors d’une conférence de presse donnée le 19 août dernier, le président du Mexique Andrés Manual Lopez Obrador a annoncé qu’il allait tenter de révoquer la «concession de 100 ans que le gouvernement précédent a accordé à cette même entreprise pour gérer le nouveau port de conteneurs de Veracruz et d’en reprendre le contrôle, se demandant au passage comment il était possible que l’on ait pu signer un tel contrat.
Dans sa quête désespérée de financement pour son projet de remblayage du fleuve, le Port de Québec ne s’est guère préoccupé à ce jour des impacts négatifs de ses visions grandioses sur le fleuve, la ville qui l’entoure ou les ports voisins, quoiqu’en disent ses campagnes de communication. En 2011, au plus fort de l’illusoire Plan Nord, le Port voulait se positionner comme chef de file de l’exportation de minerais vers les pays émergents.
Le nouveau quai projeté (à financer par des fonds publics, une constante) aurait alors reçu des minerais en vrac provenant par train du Grand Nord, concurrençant au passage le port de Sept-Îles. Le Plan Nord disparu, c’est le projet d’oléoduc Énergie Est de Trans Canada qui est devenu la raison d’être du projet d’expansion : on aménagerait des réservoirs sur le futur quai pour exporter le pétrole albertain à travers le monde. Le Port faisant primer l’objectif mercantile sur toutes autres considérations, il y a lieu de s’inquiéter pour la sécurité nationale.
Si le gouvernement fédéral a jugé que l’implantation d’une petite filiale de dirigeables au Québec constituait un menace à la sécurité nationale, il doit s’interroger sérieusement sur le risque lié à la remise à Hutchison Ports de ce que ses promoteurs voient comme le potentiel deuxième plus grand terminal de conteneurs de l’Est du pays, en concurrence directe avec le premier, Montréal. Nous nous attendons donc à ce qu’en tant que ministres de la Sécurité publique, des Transports et de la région de Québec, vous scrutiez attentivement le contrat que le Port de Québec a signé avec Hutchison Ports, ouvrant toute grande la porte de l’Amérique à la Chine, pour soixante ans. Et que vous mettiez un terme à ce projet, tel que vous avez le pouvoir de le faire.