Steve Martin de l’Initiative de journalisme local, publié dans La Relève le 3 août 2020
Le terminal de Contrecœur est situé au cœur d’une zone riche en espèces endémiques qui cohabitent dans un écosystème fragile. Un casse-tête pour les décideurs du Port de Montréal qui se disent confiants d’obtenir bientôt les autorisations nécessaires à la réalisation de leur projet. (Photo : Administration Portuaire de Montréal)
L’ambitieux projet du Port de Montréal aura un impact majeur sur la région au cours des prochaines décennies, non seulement sur l’emploi et l’économie, mais aussi sur l’environnement, le transport et autres aspects qui touchent la vie des citoyens. Afin d’en savoir un peu plus sur ce qui nous attend au fil des prochaines étapes qui seront franchies, La Relève s’est entretenue avec Sophie Roux et Ryan Dermody, respectivement vice-présidente Affaires publiques et vice-président, Contrecœur du Port de Montréal.
1- Le Port de Montréal est en attente de certaines autorisations pour aller de l’avant avec son projet d’expansion à Contrecœur. Où en êtes-vous dans vos démarches?
Sophie Roux : En fait, nous sommes à quelques mois d’obtenir les autorisations environnementales. Nous avons complété l’exercice consistant à répondre à plus de 600 questions de l’Agence d’évaluation d’impact du Canada. Nous sommes en lien sur une base hebdomadaire avec eux et tout indique que nous devrions obtenir nos permis environnementaux cet automne. Du moins, c’est ce que nous croyons.
2- L’objectif initial était que le terminal entre en fonction en 2024. C’est toujours l’échéance prévue?
Ryan Dermody : Absolument. Nous parlons d’une période de construction d’à peu près 36 mois. Évidemment, on peut commencer à faire certains travaux cette année avec un peu de chance et avec nos permis conditionnels, bien entendu.
Sophie Roux : Il faut se rappeler que nous subissons également les contrecoups de la COVID-19. Les ports, ce sont les baromètres de l’économie alors, évidemment, celui de Montréal a subi une baisse dernièrement, mais c’est vraiment lié à la pandémie mondiale. Nous avons des études qui démontrent que la courbe de consommation va se poursuivre une fois que nous aurons passé à travers cette crise. Nous ne planifions pas pour cinq ans seulement, mais pour les prochaines décennies et la nécessité de ce projet est toujours aussi pertinente aujourd’hui.
3- Vous devez respecter les exigences du gouvernement fédéral qui gère le transport maritime, mais également celles de Québec qui a mis en place ses plans régionaux des milieux humides et hydriques. C’est un casse-tête complexe.
Sophie Roux : C’est sûr que tout projet d’envergure de près d’un milliard de dollars, lorsqu’il est soumis à un processus d’évaluation environnementale, c’est quelque chose de complexe. Maintenant, puisque nous sommes sur une réserve foncière à Contrecœur qui appartient au gouvernement fédéral, nous avons été soumis au processus fédéral d’évaluation, mais dans lequel les autorités en la matière du Québec ont été consultées et ont eu voix au chapitre. Alors je sais que notre directeur à l’environnement et toute l’équipe de M. Dermody ont aussi été en lien tant avec le ministère des Transports du Québec (MTQ) que celui de l’Environnement.
Ryan Dermody : Ce n’est pas mon premier projet d’infrastructure et honnêtement, on a eu vraiment une superbe collaboration avec l’Agence et les différents départements du ministère de la province. Le but de tout ça, c’était de trouver des solutions ensemble et de mettre en avant des compensations [équitables]. Pour moi, ç’a été une expérience très positive. Oui c’est toujours compliqué, mais je ne dirais pas que ça n’avait rien de négatif en comparaison avec d’autres projets que j’ai suivis ailleurs dans le monde.
4- On ne peut passer à côté du projet Laurentia du Port de Québec. Les récentes annonces de votre compétiteur vous ont surpris?
Sophie Roux : Ils ont annoncé leur intention de faire un terminal à conteneurs en décembre 2017. C’est un projet que nous suivons attentivement, mais nous demeurons sceptiques quant à sa faisabilité. Dans le marché des conteneurs, l’expertise s’est développée à Montréal. Tout l’écosystème qui supporte les activités portuaires, les entreprises en logistique de transport ‒ on parle d’un écosystème de 6 300 entreprises ‒ tout ça, c’est basé dans la grande région métropolitaine. Oui, on surveille ça de près, mais nous ne comprenons pas leur business case.
Par ailleurs, il y a eu quand même beaucoup d’autres tentatives de développer des terminaux sur le Saint-Laurent, comme Melford en Nouvelle-Écosse, Saint-Pierre-et-Miquelon… Pour nous, c’est un autre projet dans le même genre, mais ça n’affectera pas le nôtre. Notre projet avance bien et il va se faire.
Ryan Dermody : C’est un bon point, les tentatives de l’est du Canada, et je m’attends à ce que le Port de Québec fasse quelque chose de similaire. Pour nous, ce qui est évident, c’est que nous avons déjà les clients. C’est pour cette raison que nous ne ralentissons pas. Ça ne nous empêche pas de surveiller les autres projets comme ceux de Sydney, Halifax et New York. Le point clé, c’est que notre projet va se faire. Pour les autres projets, on verra.
5- On parle d’investissements, de création d’emploi, mais le transport lourd généré par les activités du terminal aura un impact important. Comment gérez-vous le dossier avec le MTQ en vue de cet accroissement marqué de la circulation?
Sophie Roux : La raison pour laquelle cette réserve foncière a été achetée à Contrecœur il y a plus de 30 ans, c’est que ça nous permet de demeurer dans le même écosystème en logistique de transport qui s’est développé à Montréal et dans la grande région métropolitaine. Notre intention, c’est d’offrir la même chaîne intermodale efficace qu’on a sur l’île. Contrecœur n’a pas été choisi pour rien. Il y a la 30 qui passe tout près, il y a déjà le lien de la voie ferrée du CN, le CP va probablement participer, alors on va pouvoir compter sur les deux grandes lignes ferroviaires.
On sait qu’il y a eu des préoccupations et il y en a probablement toujours au niveau de l’affluence des camions, du train et c’est certain que, si nous manutentionnons les conteneurs à partir de Contrecœur, il va y avoir une plus grande circulation. Mais ce qu’il faut savoir, c’est que ce projet-là, dont la capacité totale à terme sera de 1,15 million de conteneurs, se développera en phases. On ne commencera pas avec 1,15 million la première année. On va y aller avec la courbe de croissance de consommation et de manutention de conteneurs.