PROJET LAURENTIA : QUÉBEC TENTE DE RASSURER MONTRÉAL

Montréal, Québec. Québec, Montréal. La sempiternelle « bataille de la 20 » vit un nouveau chapitre dans l’eau, où le Port de Montréal craint que sa croissance et la solidité de son projet à Contrecœur ne soient compromises par le projet Laurentia, du Port de Québec.

Une nouvelle étude commandée par le Port de Québec à l’économiste Alain Dubuc confirme que son projet de terminal de conteneurs enlèverait du volume au Port de Montréal : environ 190 000 conteneurs « équivalent vingt pieds » (EVP). C’est environ 11 % de son volume actuel ou un peu moins de 10 % du volume prévu au moment de l’entrée en service de Laurentia, en 2024.

« Il faut toutefois noter, précise M. Dubuc dans son étude, que cet impact n’aurait pas pour effet de réduire les activités de Montréal, mais plutôt de réduire leur rythme de croissance, qui passerait de 3,5 % par an à environ 2,5 %. Mais l’important, dans une logique de croissance, c’est que cette progression de Montréal, à laquelle s’ajouteraient les activités de Québec, ferait en sorte que le volume de conteneurs transitant par le fleuve Saint-Laurent doublerait, pour passer de 1,7 million EVP en 2019 à 3,5 millions EVP en 2035. »

« Dans tout projet d’infrastructure, il y a toujours un mélange d’excitation et d’inquiétude », reconnaît le président-directeur général du Port de Québec, Mario Girard, qui affirme avoir commandé cette étude pour « favoriser un débat public éclairé ».

« Ça ne doit pas être une histoire Québec-Montréal, ce dossier-là », souhaite-t-il. Mais il constate que « certaines personnes ont besoin d’avoir plus d’information pour prendre une décision ».

« Quelques personnes autour de Montréal n’ont peut-être pas eu le temps de pleinement apprécier ce projet-là. »

— Mario Girard, président-directeur général du Port de Québec

NAVIRES PLUS GROS

Le projet Laurentia, selon ses promoteurs et M. Dubuc, s’inscrit dans une tendance vers l’utilisation de porte-conteneurs de plus en plus gros, et par conséquent plus économiques. Or ces immenses navires ne peuvent venir jusqu’à Montréal, en raison de leur tirant d’eau trop élevé. Alors qu’on trouve des porte-conteneurs pouvant transporter plus de 20 000 EVP, ceux qui remontent le fleuve jusqu’à Montréal n’en transporteraient en moyenne que 3000.

De plus en plus, fait valoir Québec, les marchandises destinées au Midwest américain seront donc appelées à passer par des ports capables d’accueillir ces grands navires, comme ceux de New York et d’Halifax, au détriment du Saint-Laurent dans son ensemble. Québec, juge M. Girard, jouit d’un avantage géographique sur ces deux ports.

Les 190 000 conteneurs « volés » à Montréal sont presque exclusivement ceux qui sont destinés à des régions plus proches de Québec ou en proviennent, fait valoir M. Girard. « Ce sont des conteneurs qui arrivent à Montréal et rembarquent sur un camion jusqu’en Gaspésie, illustre-t-il. On sauve ça et on rend les entreprises de ces régions plus compétitives pour l’importation ou l’exportation. »

Montréal, croit-il, conserverait son emprise sur les échanges de conteneurs entre l’Europe et son bassin actuel, parce qu’il est toujours économiquement préférable que les marchandises fassent la plus grande partie du trajet en bateau.

La direction du Port de Montréal, qui n’avait pas encore eu accès à l’étude complète de M. Dubuc, n’est pas aussi convaincue des bienfaits du projet Laurentia.

« La création de surcapacité en manutention de conteneurs sur le Saint-Laurent nous préoccupe, a-t-elle indiqué dans une réponse écrite. Une telle situation serait néfaste pour tous : les autorités portuaires et les investisseurs privés et publics. »

« Il ne fait aucun doute que toute cannibalisation des trafics aura un impact négatif sur l’expansion à Contrecœur, mais aussi sur les entreprises, les emplois et les actifs publics qui sont déjà financés et qui seront sous-utilisés », ajoute-t-elle.

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