Terminal de conteneurs: moins d’impact, mais les mêmes doutes

François Bourque, Le Soleil, publié le 19 novembre 2019

CHRONIQUE / Le Port de Québec souhaite réduire l’empreinte environnementale de son projet de terminal de conteneurs à l’embouchure de la rivière Saint-Charles. La nouvelle version dévoilée il y a quelques jours prévoit l’électrification du terminal et une réduction du dragage dans le lit du fleuve. On pense pouvoir ainsi réduire l’émission de gaz à effet de serre (-40 %) et limiter l’empiétement dans l’aire de reproduction du bar rayé (-43 %).

L’effort mérite d’être souligné. Ce sont des enjeux pertinents qui allaient poser problème lors des évaluations environnementales.

Le Port a parlé d’une version «finale» pour le terminal. Je trouve ça un peu présomptueux. On est encore au début du processus d’évaluation et on sait déjà qu’on ne changera plus rien?

La réalité est que cette version de terminal «amélioré » ne change rien aux grandes questions soulevées à ce jour et en ajoute probablement quelques-unes.

1  En quoi ce projet ajoute-t-il à l’économie locale de Québec? 

On fait miroiter depuis le premier jour les emplois permanents créés et des retombées économiques importantes.

La démonstration n’est cependant pas convaincante. On parle ici de charger dans des bateaux des conteneurs qui arrivent par train ou par camion et inversement.

On ne prévoit pas de transformation des marchandises et je ne vois pas de lien avec la recherche, le développement, l’éducation ou toute autre activité qui leur donnerait une valeur économique ajoutée.

Le fort niveau d’automatisation du terminal va limiter les besoins de main-d’œuvre sur les quais et accroître la demande pour des spécialistes de l’informatique et de l’automatisation que s’arrache déjà la région de Québec.

À moins que le gestionnaire du terminal, la compagnie Hutchison Ports Holdings, basée à Hong Kong et enregistrée aux îles Caïman, choisisse de le concevoir et de l’exploiter à distance, quelque part où les salaires sont moins élevés.

Restent les emplois dans les transports et dans les entreprises qui achemineront ou recevront des conteneurs. Mais pourra-t-on parler d’emploi local? Nous n’avons encore aucune idée des clients éventuels du terminal.

2  Quel sera l’impact sur l’environnement? 

On convient qu’il est moins risqué pour l’environnement de manipuler des conteneurs que du vrac ou du pétrole. Moins de poussière, moins de risque de déversement, etc.

Le projet de terminal de conteneurs implique cependant de draguer le fleuve devant le futur quai pour lui donner la profondeur requise de 16 m pour les gros navires.

Ce futur quai aura 160 mètres de moins que les 610 mètres initialement prévus. Le lit du fleuve en sera moins perturbé, mais le sera quand même et les volumes de remblayage ne changent pas. Tout cela devra être évalué.

On parle désormais de 700 000 conteneurs par année. Le scénario initial était de 500 000. Le Port croit que 90 % des conteneurs transiteront par train et 10 % par camion.

Cela signifie une hausse considérable de la circulation à travers des quartiers résidentiels avec les inconvénients de bruit, d’encombrement, d’émissions de gaz, etc. Cela aussi devra être évalué.

Le Port n’a pas juridiction pour exiger que les camions passent par l’autoroute plutôt que par le boulevard Henri-Bourassa et limiter ainsi les désagréments pour le voisinage. La Ville de Québec en aurait le pouvoir, mais en aura-t-elle la volonté.

J’ai compris que le Port prévoit 180 mouvements de camions par jour et un train de 90 wagons, six jours par semaine. Il me semble que la mathématique ne fonctionne pas.

90 wagons par jour avec deux conteneurs par wagon comme le montre la vidéo du Port, cela donne 180 conteneurs par jour.

On multiplie ces 180 conteneurs par six jours, puis par 52 semaines. Ça donne 56 160 conteneurs par année qui voyageraient par train, loin des 630 000 évoqués par le Port. Sans parler des camions.

De deux choses l’une.

Ou bien on surestime le nombre de conteneurs qui viendront à Québec. Auquel cas, il faudra revoir à la baisse les promesses de retombées et d’emplois en se demandant si ce terminal en vaut vraiment la peine.

Ou bien on sous-estime le nombre de train et de camions qui seront nécessaires, auquel cas, c’est l’impact sur la qualité de vie des quartiers voisins qu’il faudra revoir à la hausse en se demandant aussi si ce terminal en vaut vraiment la peine.

J’ai par ailleurs du mal avec le ratio de transport proposé : 90 % train, 10 % camion.

On ne sait pas encore quelle marchandise va arriver d’où pour aller où et on saurait déjà que le train sera neuf fois sur dix le meilleur mode de transport des conteneurs. Il faudrait qu’on m’explique.

3  L’impact sur le paysage de Québec

Le terminal de conteneurs, même avec un quai raccourci, va refermer l’horizon de la plage de la baie de Beauport et en altérer la quiétude. Le Port va ainsi saboter un lieu de villégiature apprécié aménagé avec des fonds publics.

Un mur-écran entre la plage et le terminal n’y changera rien. Même en y plantant des arbres ou des œuvres d’art pour masquer ce qu’il y a derrière. L’horizon et la vue sur la ville depuis la plage et la batture de Beauport seront quand même bouchés.

Si le projet va de l’avant, le premier spectacle qui attirera l’œil des visiteurs des navires de croisières qui arrivent à Québec sera celui des grues et des conteneurs plutôt que la silhouette du Château ou le clocher du Séminaire.

Ce n’est peut-être pas grave. Les touristes s’en remettront quand ils verront la suite et les citoyens qui arrivent de Charlevoix et de la côte de Beaupré finiront par ne plus voir les grues mécanisées.

Mais l’objectif ne devrait-il pas être de continuer à embellir cette ville unique plutôt que d’en banaliser le paysage par des projets qui n’ajoutent rien au plaisir de ceux qui y vivent ou la visitent.

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