La CAQ se porte à la défense du projet Beauport 2020

Isabelle Porter et Alexandre Shields, L Devoir, publié le 12 avril 2019

L’habitat qui serait détruit par le nouveau quai et le terrain de stockage des conteneurs est «très important pour la reproduction du bar rayé».
Photo: Pierre Lahoud.  L’habitat qui serait détruit par le nouveau quai et le terrain de stockage des conteneurs est «très important pour la reproduction du bar rayé».

Même s’il assure que la protection du bar rayé du fleuve Saint-Laurent est importante, le gouvernement caquiste s’est porté jeudi à la défense du projet portuaire industriel Beauport 2020, qui menacerait un habitat essentiel pour le rétablissement de ce poisson en voie de disparition et protégé par la Loi canadienne sur les espèces en péril.

Selon les informations publiées jeudi par Le Devoir, le nouveau quai commercial où transiteraient chaque année 500 000 conteneurs serait construit directement dans « une aire de reproduction » du bar rayé, une espèce qui avait disparu du fleuve et qui y a été réintroduite au début des années 2000 par le gouvernement du Québec.

Interpellée jeudi sur cet enjeu, la ministre responsable de la région de la Capitale-Nationale, Geneviève Guilbault, a souligné que le gouvernement collabore à l’examen du projet mené par l’Agence canadienne d’évaluation environnementale (ACEE), notamment pour « répondre aux questions » qui ont été posées au port de Québec en juin 2018.

Mme Guilbault s’est du même coup portée à la défense de Beauport 2020, un projet pour lequel les investissements doivent totaliser 400 millions de dollars. « Il s’agit d’un projet structurant pour la région de la Capitale-Nationale. Le projet amènera des retombées économiques importantes et des emplois de qualité », a-t-elle souligné dans une déclaration écrite transmise au Devoir.

D’autres frayères recherchées

Au cabinet du ministre des Forêts, de la Faune et des Parcs, Pierre Dufour, on a souligné qu’« il y a une préoccupation de protection de l’espèce », mais aussi que le ministère fait « un suivi » de la situation du bar rayé depuis sa réintroduction dans le Saint-Laurent en 2002, précisément par le ministère de la Faune.

Le directeur de cabinet du ministre, Roch Gamache, a toutefois insisté sur la volonté du ministère de contribuer à la recherche de solutions qui permettraient au projet Beauport 2020 d’aller de l’avant. Dans ce cas-ci, puisque « seuls deux sites de reproduction sont actuellement connus », selon Pêches et Océans Canada, M. Gamache a suggéré la recherche « d’autres frayères » près du secteur où serait construit le nouveau complexe portuaire.

« Ça pourrait mener à des recommandations compensatoires. L’impact est moindre » si d’autres frayères sont trouvées, a-t-il expliqué.

« Ça s’inscrit dans la démarche pour trouver la meilleure voie de passage pour un projet qui n’aura pas d’impact sur le bar rayé, ou alors un impact minime. C’est pour cela qu’on va inviter les scientifiques à identifier les zones de fraie aux alentours, afin que les instances concernées puissent prendre une décision éclairée », a-t-il fait valoir en entrevue.

Habitat essentiel

Pour le biologiste Pierre Dumont, un expert des poissons du Saint-Laurent et ancien employé du ministère de la Faune, l’habitat qui serait détruit par le nouveau quai et le terrain de stockage des conteneurs est « très important pour la reproduction du bar rayé ».

Selon lui, il ne fait donc aucun doute qu’il faut protéger ce secteur du fleuve. « Il faut être conséquent avec la législation, si on reconnaît que c’est un habitat essentiel. C’est clair que c’est un habitat à protéger, d’autant plus qu’on ne peut pas reproduire des conditions semblables à ce milieu ailleurs. »

« C’est évident que c’est un habitat essentiel, d’autant plus qu’on parle d’une espèce qui sera reconnue comme étant en voie de disparition. Le gouvernement a donc des obligations légales, dont la protection des lieux de reproduction », a aussi rappelé M. Dumont.

Le bar rayé est effectivement protégé par la Loi sur les espèces en péril, qui prévoit une interdiction de détruire un « élément » de l’habitat essentiel. Or, les lieux de reproduction font partie de cet habitat crucial pour le rétablissement de l’espèce.

Un « avis scientifique » produit par Pêches et Océans Canada en vue de la « désignation » de cet habitat recommande d’ailleurs d’inclure le secteur où le Port de Québec veut construire son nouveau quai de 610 m et draguer plus de 900 000 m3 de fonds marins du Saint-Laurent.

Dans son étude d’impact, le port de Québec a soutenu qu’« aucune activité de fraie du bar rayé » n’a lieu dans ce secteur.

L’étude d’impact ne précise donc « aucun plan compensatoire » pour la destruction « d’habitats de haute valeur » pour le poisson. Cela signifie que Beauport 2020 risque « de nuire ou de mettre en péril la survie ou le rétablissement d’une espèce en péril [bar rayé] », selon Pêches et Océans.

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