Le passé glorieux de la baignade à l’Anse au Foulon

KATHLEEN LAVOIE, Le Soleil, publié le 29 mai 2018

Après presque 50 ans d’interdiction, le retour de la baignade à l’Anse au Foulon, compris dans la troisième phase de la Promenade Samuel-De Champlain, rappelle un passé glorieux où les abords du fleuve constituaient le grand lieu de rassemblement des baigneurs.

Ce sont des travaux entrepris par le Port de Québec, alors destinés à accueillir des navires à fort tirant d’eau, qui ont fait se déposer une grande quantité de sable fin à l’ouest de l’Anse au Foulon, en 1927. Cet heureux accident a créé ce qui est devenu, jusqu’à la fin des années 60, la plage très fréquentée de l’Anse au Foulon, lieu de rendez-vous par excellence des baigneurs et des pêcheurs.

Au plaisir de la baignade dans le fleuve s’est toutefois rapidement ajouté la tragédie. Au début des années 30, les journaux rapportent de nombreux cas de décès par noyade à L’Anse au Foulon, qui se retrouve du même coup sous la loupe du coroner Jules Vallée. En 1933, le gestionnaire des lieux, la Ligue de Sécurité du Québec, doit même s’engager à mettre en application les recommandations de ce dernier visant la sécurité des baigneurs, pour pouvoir poursuivre ses activités.

«Notre public sait bien, en effet, le grand nombre de victimes que le fleuve engloutit l'été dernier, à cet endroit», rappelle Le Soleil du 13 avril 1933.

 

À la même époque, la Ville de Sillery décide de se faire gardienne des bonnes mœurs et adopte un règlement définissant les tenues jugées acceptables pour la baignade à l’Anse au Foulon.

Pour les hommes, «un costume de bain masculin, en un ou deux morceaux, couvrant le corps depuis les épaules jusqu’au bas de la fourche des jambes, avec une jupe rabattant par-dessus la culotte et descendant au moins quatre pouces en bas de la fourche des jambes» était la norme. Pour les femmes, un costume féminin consistant notamment en une culotte et une chemise, dont le «corsage ne devra pas être décolleté sur la poitrine de plus de quatre pouces, à partir du bas du cou».

Il est de plus interdit de se changer à l’extérieur «à moins d’être à l’abri des regards des autres baigneurs» ou de déambuler dans les rues de la ville vêtu d’un costume de bain. Toute personne enfreignant l’un des articles du règlement 116 était passible de recevoir une amende ne dépassant pas 20$ ou une peine d’emprisonnement d’excédant pas 10 jours!

En 1952, Sillery reprend à son compte la gestion du lieu, confiée 20 ans plus tôt à la Ligue de sécurité du Québec. Quant au règlement 116, il est amendé pour refléter les changements sociaux de l’époque.

En 1962, Sillery consacre 3 000$ pour améliorer l'aménagement de la plage de l'Anse au Foulon, retirant des roches nuisibles et quelques épaves de voiliers, répandant 10 000 tonnes de sable fin et installant une clôture de sécurité destinée à tenir les voitures à distance.

 

Jusqu’à la fin des années 60, la plage de l’Anse au Foulon demeure un lieu de rassemblement très populaire, où les amateurs de baignade vont se faire dorer la couenne par jour de grande canicule.

Sous un soleil de plomb et quelque 33 degrés Celsius au thermomètre, les baigneurs, estimés au nombre de 1 500, avaient envahi la plage de l'Anse au Foulon, le 26 juillet 1966. «Partout s'étalait la chair cuivrée des estivants et des travaillants qui avaient prétexté certaines maladies pour ne pas étouffer à leur emploi», écrivait Le Soleil.

Après 40 ans d’activités, le ministère de la Santé du Québec émet toutefois un avis de fermeture de la plage de l’Anse au Foulon — rebaptisée entre-temps Plage Champlain — pour cause de pollution de l’eau, en juin 1968. Un mois plus tard, la réouverture de la plage est autorisée, mais la baignade demeure interdite.

La locataire des lieux, Mme A. Jolin, s’insurge dans nos pages: «Pourquoi interdire que l’on se baigne à la Plage Champlain, la plus grande plage de Québec, alors qu’on laisse les gens se baigner ailleurs toujours au bord du Saint-Laurent et dans un rayon limité?»

En attente de la levée de l’interdiction — qui n’est finalement jamais venue —, Mme Jolin s’était assurée de faire le maximum pour assurer la sécurité du public. «Nous avons fait le nécessaire en indiquant par deux grands panneaux plantés sur la plage qu’il est interdit de se baigner. Nous avons un homme de plage qui surveille… mais il y a toujours des gens pour s’aventurer un peu dans l’eau.»

 

Au début des années 70, la plupart des plages de la grande région de Québec, soit 32 sur 44, étaient considérées comme médiocres, mauvaises ou polluées, mettant ainsi un frein à plusieurs décennies de baignade dans le fleuve.

Le Soleil, 26 avril 1973

 

Sources: Le Soleil, les Gens de baignade, Zip Québec, Ville de Québec.

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