POINT DE VUE
Or, l’opposé est également vrai. Pour le Conseil canadien des ministres de l’Environnement, la gestion des effets cumulatifs consiste en «l’identification et la mise en œuvre de mesures destinées à contrôler, à réduire ou à prévenir les conséquences néfastes des effets cumulatifs», définis dans le Guide sur l’évaluation des effets environnementaux cumulatifs comme «un jeu d’interactions dont la nature ou l’ampleur peuvent être différentes des effets de chacune des activités».
Cela a été clairement démontré en 2017 lors de l’étude de l’impact environnemental du projet d’aménagement du port de Québec. Pour la seule qualité de l’air, 165 recommandations ont été énoncées par l’Agence canadienne d’évaluation environnementale (ACÉE) du fait, notamment, du niveau de PM2.5 (particules fines toxiques) dépassant, dans les quartiers limitrophes, les valeurs seuils canadiennes de l’ordre de 11 %, niveau qui passera à 25 % avec les nouvelles normes de 2020, cela sans même modifier les infrastructures actuelles.
Rappelons qu’on retrouve au centre-ville de Québec une concentration de facteurs inquiétants: un incinérateur à la technologie dépassée, une papeterie en opération depuis 90 ans, une zone portuaire connectée à un réseau ferroviaire où tous ces engins confondus fonctionnent avec du carburant de piètre qualité, un type de transport jugé encore plus dangereux pour la santé que celui du secteur automobile alors même que la surconsommation d’essence liée à la congestion routière génère un niveau sévère de pollution. Ce qui fait que dans le quartier Limoilou qui côtoie ces équipements, l’espérance de vie serait d’au moins quatre ans inférieure à celle des quartiers plus éloignés tout en générant des coûts récurrents en santé assumés, rappelons-le, par l’ensemble de la population.
Par ailleurs, selon les données disponibles, la ville de Québec est plus polluée que Toronto et deux fois plus que Vancouver, mais ses quartiers centraux le sont moins que certains secteurs de Trois-Rivières, de Rouyn-Noranda et de Témiscaming. Toutefois, c’est encore la région montréalaise qui rafle la palme de l’air vicié.
Il y a péril en la demeure, car, de souligner l’Institut national de santé publique du Québec, «à court terme, une exposition aux PM2.5 est associée à des effets aux systèmes respiratoire (irritations, inflammations des bronches, etc.) et cardiovasculaire (arythmies, augmentation de la viscosité sanguine, etc.). L’augmentation de l’exposition journalière aux PM2.5 est aussi associée à une augmentation de la mortalité et de la morbidité quotidienne (visites à l’urgence, hospitalisations) pour problèmes cardiorespiratoires.»
D’où cette recommandation (QC 305) déposée par le ministère du Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques (MDDELCC) dans le dossier d’aménagement du port à l’effet que [toute] «étude d’impact environnemental doit inclure un portrait de la situation actuelle des quartiers».
En précisant qu’un citoyen en santé est le meilleur garant d’une économie florissante, il est assuré que la population entière bénéficierait grandement d’un accès permanent à l’ensemble des données liées aux effets cumulatifs de tous les types de polluants dans l’atmosphère (aboutissant de plus dans certains aliments), avec les indices de dangerosité qui y sont associés. Prévenir vaut mieux que guérir selon le vieil adage. Autre investissement pertinent: la relocalisation d’office des entreprises polluantes ou à risque, permettant ainsi de diminuer à terme les coûts en santé affectés aux citoyens qui subissent quotidiennement les effets de cette proximité. À cet égard, les recours collectifs privés déposés contre certaines entreprises démontrent clairement le laxisme des autorités. Enfin, penser l’avenir en bonifiant la composante environnementale des programmes scolaires afin que les jeunes puissent comprendre la nature des effets cumulatifs en vue de mieux les prévenir à l’âge adulte.
Bref, il est primordial que nos élu-e-s fassent preuve d’émulation en soutenant toute initiative de prévention dans le secteur de la santé, compte tenu de la préférence de l’État envers le développement industriel privé dont l’esprit, néanmoins, va souvent à l’encontre de normes environnementales destinées à protéger les bio-citoyens que nous sommes ou aspirons à devenir.
Jacques H. Lachance, Québec