Les employeurs maritimes contre le projet de terminal de conteneurs

EXCLUSIF / L’Association des employeurs maritimes (AEM) s’oppose formellement à la construction d’un terminal de conteneurs sur un éventuel agrandissement du port de Québec dans le secteur de Beauport. Ses membres contestent l’avantage concurrentiel de la profondeur d’eau et affichent clairement leur préférence pour les installations de Montréal.

Le Soleil a obtenu copie d’une lettre transmise par l’AEM au premier ministre du Québec, Philippe Couillard, et au ministre fédéral des Transports, Marc Garneau.

La missive a été transmise le 21 décembre, soit neuf jours après que l’Administration portuaire de Québec (APQ) eut fait part de son intention «d’établir un terminal de conteneurs de classe mondiale sur le site de Beauport 2020 afin de faire de Québec un pôle logistique maritime continental» .

La lettre est signée par des entreprises spécialisées dans le transport de conteneurs, dont les multinationales MCS et Hapag-Lloyd, ainsi que des opérateurs des terminaux de conteneurs du Port de Montréal, notamment Société Terminaux Montréal Gateway et Logistec. «Les signataires représentent quelque 80 % du marché du transport des marchandises conteneurisées sur le fleuve Saint-Laurent» , est-il précisé.

Dans le document, l’AEM s’applique à démonter l’argumentaire selon lequel l’avenir du transport des marchandises conteneurisées passera par Québec dans le futur en raison principalement de l’augmentation de la taille des porte-conteneurs. Ceux-ci auraient besoin de 15 mètres de profondeur d’eau, ce qu’offre naturellement Québec, contre 11,3 mètres à Montréal.

«La profondeur d’eau n’est qu’une des multiples composantes constituant les avantages concurrentiels d’un port, et c’est ce que le Port de Québec n’a malheureusement pas saisi», peut-on lire.

Augmentation des coûts

Les transporteurs et les opérateurs mettent de l’avant la qualité des infrastructures portuaires montréalaises, l’intermodalité avec le chemin de fer et les autoroutes ainsi que la proximité des grands marchés de consommation. Ils font valoir que la taille des navires est tout simplement adaptée à cette réalité.

«Les transporteurs maritimes partenaires du port disposent également de flottes de navires de plus grande capacité, mais ceux-ci desservent habituellement des escales multiples dans divers ports de mer. Il s’agit de routes qui n’incluent pas et qui n’incluront jamais le port de Montréal pas plus que tout autre port sur le fleuve Saint-Laurent» en raison du détour, statue l’AEM.

En posant leurs conteneurs à Québec, les importateurs et exportateurs «auraient à transporter leurs marchandises sur de plus longues distances, par camion ou par train, augmentant les coûts d’opération, les temps de transit, la consommation énergétique et les émissions de gaz à effet de serre», est-il encore écrit.

Le Soleil a contacté les Armateurs du Saint-Laurent, qui représente les entreprises maritimes de propriété canadienne naviguant sur le Saint-Laurent, pour avoir son point de vue. Le message y est plus positif : «Tout projet d’investissement au niveau portuaire est bienvenu, c’est certain. On a besoin d’infrastructures. Le projet de terminal de conteneurs semble très intéressant et on va le supporter», déclare Martin Fournier, directeur général.

Celui-ci admet que ses membres ne sont pas concernés directement par l’industrie du conteneur, davantage tournée vers l’international et dominée par quelques grandes entreprises, mais «c’est certain que plus on fait venir de conteneurs ici, plus on stimule l’activité économique et maritime ici. Ça a des retombées sur l’ensemble de la flotte canadienne.»

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DEVOIRS À REFAIRE

L’Agence canadienne d’évaluation environnementale (ACEE) confirme que le Port de Québec doit revoir l’évaluation des effets environnementaux de son projet d’agrandissement maintenant qu’il y destine un terminal de conteneurs.

Le premier scénario soumis évoquait plutôt du vrac liquide, du vrac solide et des conteneurs dans une proportion équivalente.

«Cette révision devra être faite en fonction des modifications apportées à son projet, ce qui impliquera une revue des mesures d’atténuation, des programmes de suivi et des études inhérentes à ces changements», précise la conseillère en communications Marissa Harfouche.

Le président-directeur général de l’Administration portuaire de Québec, Mario Girard, a déjà évoqué un dépôt en février ou mars. L’agence fédérale se réserve toujours le droit de demander des informations additionnelles pour compléter son analyse de l’étude d’impact environnemental.

C’est d’ailleurs ce qu’elle a fait sur 290 pages en avril. Beaucoup de questions portaient alors sur la qualité de l’air. Le public sera consulté lors du dévoilement de la version provisoire du rapport d’évaluation environnementale.

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