Annie Morin, Le Soleil, publié le 26 avril 2017
(Québec) L’Agence canadienne d’évaluation environnementale (ACEE) a transmis 290 pages de questions et commentaires au Port de Québec concernant l’étude d’impact environnemental du projet d’agrandissement dans le secteur Beauport. De tous les sujets abordés, la qualité de l’air est de loin celui qui nécessite le plus d’éclaircissements.
La «demande d’information» transmise au président-directeur général de l’Administration portuaire de Québec (APQ), Mario Girard, date de lundi et a été affichée mardi sur le site internet de l’ACEE.
Elle fait le tour des interrogations des fonctionnaires de sept ministères fédéraux, du ministère de l’Environnement du Québec et de l’Administration de pilotage des Laurentides, après analyse de la troisième version de l’étude d’impact environnemental sur le projet de quai multifonctionnel à la baie de Beauport, acceptée en janvier. Les commentaires reçus du public en février ont aussi été épluchés.
D’entrée de jeu, les auteurs ont encore des questions sur la délimitation des zones d’études considérées pour les effets environnementaux, qui apparaissent trop restrictives. Le Port doit aussi expliquer sur quoi il s’est basé pour déterminer si les effets des composantes environnementales évaluées sont faibles, moyens ou forts.
Sur le thème de la qualité de l’air, l’ACEE reprend plusieurs des questions soulevées par l’Initiative citoyenne de vigilance du port de Québec. Ses experts veulent notamment obtenir les données de toutes les stations du réseau de surveillance de la qualité de l’air du Port de Québec. Ils se questionnent également sur le choix d’utiliser seulement les données de 2013 à 2015 de la station d’échantillonnage opérée par le ministère de l’Environnement dans le Vieux-Limoilou.
Le promoteur devra «justifier le choix de tous les paramètres retenus pour la modélisation des émissions de particules pour les phases de construction et exploitation».
Le Port ne pourra éviter de décrire les effets cumulatifs sur la qualité de l’air. Une évaluation devra être fournie en tenant compte des activités du projet Beauport 2020, mais aussi «des activités actuelles du port et de toutes les activités en cours ou qui sont raisonnablement prévisibles dans le secteur à l’étude et qui pourraient avoir un effet sur la qualité de l’air».
Enfin, il devra suggérer davantage de mesures d’atténuation pour «réduire l’impact du projet sur la qualité de l’air et l’achalandage du transport en phase construction et exploitation» et cela, même à l’extérieur de la zone de chantier.
Parmi les autres sujets abordés, on trouve plusieurs questions sur les sédiments contaminés qui seraient dragués pour permettre le prolongement de la ligne de quai sur 610 mètres vers l’est, puis intégrés à une matrice cimentaire pour construire la chaussée. L’ACEE s’interroge notamment sur les quantités et le traitement de ces sédiments.
Les études sur différentes espèces de poissons, dont le bar rayé et l’esturgeon noir, sont à compléter selon les experts des gouvernements. Sur un ton sans appel, l’Agence demande aussi au promoteur de «présenter les plans compensatoires permettant de contrebalancer les dommages sérieux au poisson et son habitat ainsi que les impacts négatifs sur la population de bar rayé du Saint-Laurent», dont le rétablissement dans les eaux du fleuve pourrait être mis en péril.
Analyse en cours
La réaction de l’APQ a été des plus brèves, mercredi. «Nous avons débuté l’analyse des questions avec les experts collaborateurs», a fait savoir par courriel sa porte-parole, Marie-Andrée Blanchet. L’organisme demeure seul maître du temps qu’il met à répondre. Il y a assurément du travail pour plusieurs semaines. L’ACEE étudiera ensuite les informations et pourrait revenir à la charge ou produire une première opinion, qui sera de nouveau soumise à la consultation.
Véronique Lalande, porte-parole de l’Initiative citoyenne de vigilance du port de Québec, était plus loquace. «Déjà, que ça fasse 300 pages, pour nous, c’est une bonne nouvelle», a-t-elle lâché d’entrée de jeu, rassurée que l’ACEE joue son rôle de chien de garde.
Quant à l’emphase mise sur thème de la qualité de l’air, «c’est normal parce que c’était le plus grand absent et l’absent le plus pathétique» de l’étude d’impact environnemental, affirme Mme Lalande. «On fait comme si ça n’existait pas et on espère qu’on ne s’en rendra pas compte, mais l’Agence et ses experts ne sont pas dupes.»