Le Soleil, section Point de vue, publié le 04 février 2017
(Québec) J’ai lu avec attention l’avis du GIRAM (Groupe d’initiatives et de recherches appliquées au milieu) sur le projet d’agrandissement du Port de Québec. L’analyse des documents déposés à l’agence canadienne d’évaluation environnementale sur le sujet laisse supposer que le projet du Port de Québec est, en grande partie, fondé sur un changement de mission du Port pour que celui-ci se lance dans le transport du pétrole.
Une telle hypothèse s’appuie sur différents éléments non négligeables mentionnés dans cet avis, dont une prise de position du président-directeur général du Port de Québec, Mario Girard, en octobre 2014, qui affirmait ceci: «Les nouvelles infrastructures planifiées par le Port de Québec à la baie de Beauport permettraient d’exporter du pétrole brut provenant des sables bitumineux de l’Ouest canadien» (propos rapportés dans Le Soleil du 11 octobre 2014).
Cet avis est confirmé au Devoir en avril suivant, de la manière suivante : «Les nouvelles installations portuaires « consolideront la capacité canadienne d’exportation ». Il faut aussi rappeler une analyse TERMPOL soumise à Transport Canada en 2015, une telle analyse s’applique aux terminaux maritimes et aux sites de transbordement pour les hydrocarbures, les produits chimiques ou le gaz liquéfié, des cargaisons susceptibles de présenter un risque de sécurité pour le transport maritime ou pour la sécurité publique, ou encore pour le milieu marin.
Si cela s’avère, et que le Port de Québec voit son projet d’agrandissement soutenu par des fonds publics substantiels – environ 60 millions $ promis par le précédent gouvernement, lesquels semblent confirmés par l’actuel gouvernement -, est-ce qu’on ne pourrait pas voir cela comme un soutien additionnel au développement des énergies fossiles et se poser des questions sur le plan de transition vers des énergies vertes mentionné à de nombreuses reprises par le gouvernement canadien?
Pourrait-on aller jusqu’à penser que le plan de transition vers le recours à des énergies vertes ne fait partie que du discours des politiciens, les décisions allant dans le sens de l’utilisation des énergies fossiles semblant beaucoup plus faciles à prendre. Rappelons-nous que le transport par automobile est clairement privilégié à Québec, voire au Québec, par rapport aux investissements consentis pour le transport collectif. Les décisions récentes du gouvernement Trudeau concernant les oléoducs allant vers l’ouest ou même le sud vont dans ce sens. Les impacts de ces infrastructures sur l’émission de gaz à effet de serre ne paraissent pas avoir été sérieusement considérés au regard des retombées économiques à court terme du développement des sables bitumineux.
Comme citoyenne ordinaire, j’aimerais beaucoup que les politiciens manifestent une plus grande cohérence. Leurs décisions devraient viser vraiment des énergies vertes si on souhaite que la génération qui nous suit profite d’une planète en santé. Il me semble que cela diminuerait le cynisme ambiant à leur égard.
Nicole Moreau, Québec