Annie Morin, Le Soleil, publié le 16 janvier 2017
(Québec) Le Port de Québec a comparé quatre sites pour agrandir ses installations avant de conclure avec satisfaction que c’est à la baie de Beauport que les impacts sur l’environnement seront les moins importants et la facture, moins salée.
L’étude d’impact environnemental acceptée début janvier par l’Agence canadienne d’évaluation environnementale (ACEE) dresse la courte liste des sites étudiés pour accueillir un nouveau quai en eau profonde sur le fleuve Saint-Laurent.
Sur la rive nord, il s’agit du secteur de l’Estuaire de la rivière Saint-Charles, rejeté d’emblée car déjà surchargé, et celui de l’anse au Foulon, occupé notamment par le terminal de granules de bois d’Arrimage Québec et la Coop fédérée. Sur la rive sud, on parle de la pointe de la Martinière, immense boisé où la Ville de Lévis aménage d’ailleurs un parc avec piste cyclable et pavillon d’accueil.
L’Administration portuaire de Québec (APQ) explique dans ses documents que ces sites ont été sélectionnés en fonction d’«objectifs fondamentaux», parmi lesquels la longueur du futur quai (610 mètres), la superficie de la zone d’arrière-quai (au moins 17 hectares) et la profondeur d’eau à marée basse minimale (16 mètres) ainsi que la minimisation des effets environnementaux.
Une analyse a été réalisée pour les trois sites plus prometteurs avec 14 critères portant sur les qualités techniques du site, la rentabilité économique, la préservation de la qualité de l’environnement et la préservation des milieux de vie. La baie de Beauport n’a droit qu’à une valeur négative sur le lot et elle concerne les impacts sur le milieu biologique. Les deux autres en cumulent une dizaine.
Sur le site de Beauport, les auteurs écrivent : «Ses grands avantages concernent les critères rattachés à la fois à la composante technique (géométrie, topographie, qualité intermodale, flexibilité et navigabilité) et à la composante économique (plus faibles coûts, notamment liés à la centralisation des opérations qu’il permet). Il s’agit de deux composantes essentielles, sans lesquelles un tel projet d’aménagement d’un quai multifonctionnel en eau profonde ne pourrait voir le jour. Sur le plan environnemental, il s’agit du site minimisant l’empreinte sur le fleuve et les volumes de sédiments à draguer.»
Le site de l’anse au Foulon, plus précisément la petite baie comprise entre le Yacht Club de Québec et les installations de la Coop fédérée, est coulé par des enjeux techniques, notamment l’absence d’autoroutes à proximité et l’exposition plus directe aux courants de marée et aux glaces à la dérive. Les impacts sur les résidences du cap Diamant et la promenade Samuel-De Champlain à proximité sont également pris en compte.
Quant au secteur de la pointe de la Martinière, il est disqualifié à cause de son état sauvage. En partant, il y a un problème de dénivelé à cause des falaises rocheuses qui bordent le fleuve. De plus, pour entrer et sortir des marchandises, il faudrait construire à partir de zéro les routes et voies ferrées nécessaires. Les coûts ont été estimés à plus du double de la facture attendue à Beauport, soit 400 millions $ au lieu de 190 millions $.
Lundi, Jean-François Aubin, chargé de projet pour la firme Englobe, qui signe l’étude d’impact environnemental du Port, a admis que l’analyse des variantes de site a été réalisée pour satisfaire aux exigences de l’ACEE et qu’il y avait un «penchant» pour le site de Beauport. Les discussions entourant l’agrandissement, planifié depuis des décennies, ont en effet toujours concerné ce secteur. «Ça a confirmé le fait que le projet tel qu’il était envisagé par le Port de Québec, le site privilégié de la baie de Beauport, est celui où on anticipe le moins d’impact», a souligné M. Aubin.
Séance d’info peu courue
Une centaine de personnes ont répondu à l’appel du Port de Québec, qui s’était rendu disponible lundi pour donner de l’information sur l’impact environnemental de son projet d’agrandissement.
Les portes du terminal Ross-Gaudreault étaient ouvertes de 12h à 20h30 à la population de Québec. En après-midi, il y avait plus de représentants de l’Administration portuaire de Québec (APQ) que de citoyens, mais la tendance s’est inversée en fin de journée.
Les curieux pouvaient recevoir de l’information, poser leurs questions et même donner leur opinion à six kiosques ayant pour thèmes le milieu humain, l’ingénierie, l’environnement, la navigation, l’économie et l’histoire. Plusieurs participants rencontrés sur place avaient des réserves sur le projet du Port, mais gardaient l’esprit ouvert.
Jacques Langlois, ex-conseiller municipal de Sainte-Foy qui demeure désormais à Québec, a fait valoir au Soleil qu’il était «insensé» que le Port privilégie le marché du vrac. «Ça ne tient pas debout. C’est absolument dépassé. Ça devrait être du container. Les ports sont de plus en plus tournés vers le container et nous, on mise encore sur le vrac. Le vrac, ça pollue. On a beau nous faire croire que ça va être tout sous silo, c’est pas vrai. Les particules, ça va être mis encore partout», a-t-il dénoncé, précisant qu’il n’est pas «environnementaliste».
Bernard Crépeau, à la fois utilisateur de la baie de Beauport et travailleur de l’industrie maritime, est venu voir «où le projet s’en va». S’il était réticent au début à voir la plage modifiée, il dit comprendre que le port doit agrandir «parce qu’il est beaucoup occupé, il y a de la marchandise partout».
Selon le jeune homme, la configuration proposée devrait être bénéfique à la pratique des sports nautiques. «Ça ne sera jamais pareil parce que c’était facile aller dans le fleuve et là, il va falloir faire le tour du quai, mais ce n’est pas dramatique», a commenté M. Crépeau.
D’autres rencontres publiques organisées par l’Agence canadienne d’évaluation environnementale sont prévues à la fin du mois.