Annie Morin, Le Soleil, publié le 01 mai 2016
(Québec) L’Agence canadienne d’évaluation environnementale (ACEE) exige du Port de Québec qu’il soumette toutes les données manquantes à son étude d’impact environnemental, même celles sur la qualité de l’air, données qui sont jugées sensibles en raison des recours collectifs lancés contre lui. À défaut de quoi l’évaluation environnementale du projet d’agrandissement sera mise sur la touche.
Le 12 avril, l’ACEE a transmis à l’Administration portuaire de Québec (APQ) une lettre de 14 pages demandant des «renseignements et clarifications» ainsi que des documents qui «auraient dû être fournis avec l’étude d’impact» remise un mois plus tôt.
Parmi les nombreux points soulevés, certains concernent la qualité de l’air. L’Agence réclame notamment «les données des stations [d’échantillonnage de l’air] du ministère du Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte contre les Changements climatiques (MDELCC) et du promoteur» et «les sources de rejets atmosphériques directs et indirects présentes en fonction des nouvelles zones qui seront délimitées».
De telles informations ont été demandées à maintes reprises par le Comité de vigilance des activités portuaires (CVAP) et le Comité intersectoriel sur la contamination environnementale dans l’arrondissement La Cité-Limoilou (CICEL), parrainé par le directeur de la santé publique de la Capitale-Nationale. Sans succès.
L’APQ a refusé jusqu’à maintenant de dévoiler toute donnée qui pourrait servir dans les recours collectifs lancés par les Limoulois Véronique Lalande et Louis Duchesne. L’un concerne l’épisode de poussière rouge du 25 octobre 2012. L’autre concerne toutes les émanations de métaux au-delà des seuils acceptables, incluant la poussière de nickel, depuis le 31 octobre 2010. L’entreprise Arrimage Québec est aussi visée.
Circonscrire la requête
Dans la première version de son étude d’impact environnemental, le Port a fait preuve de la même retenue et a refusé de divulguer certaines données concernant la qualité de l’air. Il tente maintenant de circonscrire – voire de limiter – la requête qui lui est répétée.
Marie-Andrée Blanchet, porte-parole de l’APQ, a indiqué au Soleil cette semaine que l’équipe Environnement analyse toujours l’ensemble du dossier. Elle a également redit que «la nature de ces demandes de clarifications est dans l’ordre des choses pour une étude d’impact environnemental de cette ampleur».
L’ACEE ne se formalise pas des précédents. En réponse aux questions du Soleil, Christian Vezeau, gestionnaire des communications opérationnelles, a déclaré par courriel que «l’étude d’impact environnemental doit inclure les renseignements et clarifications demandés sans quoi l’analyse du projet ne pourra être effectuée». Il a en outre précisé que «l’étude d’impact environnemental sera publiée au Registre canadien d’évaluation environnementale». L’information que rechigne à diffuser le Port sera donc accessible au public, incluant ses adversaires juridiques.
Enfin, M. Vezeau a confirmé que «l’Agence est en discussion avec le Port de Québec pour répondre à des questions, au besoin, afin qu’il puisse soumettre les informations nécessaires».
Délais serrés
En vertu de la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale, l’agence du même nom est tenue de respecter des délais serrés. Elle ne peut ainsi prendre plus de 365 jours pour rendre une décision définitive sur un projet. Chaque étape de traitement d’un dossier a un calendrier préétabli.
Toutefois, quand la balle est dans le camp du promoteur, le compteur s’arrête. Si bien que le Port pourrait pâtir longtemps s’il tarde à produire les renseignements demandés.
Le projet d’agrandissement de 200 millions $ est planifié dans le secteur Beauport. Il consiste à allonger la ligne de quais sur 610 mètres et à effectuer du remplissage à même le fleuve. Selon l’échéancier initial, la construction doit débuter en 2017 pour une mise en service du terminal multifonctionnel en 2020.