Pollution, mais pas de sanction

Annie Morin, Le Soleil, publié le 09 novembre 2015
Un technicien en salubrité-environnement de la Ville a... (Photothèque Le Soleil)

Un technicien en salubrité-environnement de la Ville a bel et bien constaté la présence de contaminants dans le quartier Limoilou, entre la mi-août et la mi-septembre. (Photothèque Le Soleil)

(Québec) Un inspecteur de la Ville de Québec conclut qu’«il y a présence de pollution atmosphérique dans le secteur de Limoilou» et que cela contrevient au règlement municipal sur les nuisances. La Ville prévient toutefois les plaignants qu’elle n’entend pas sévir parce que la réglementation provinciale a préséance et parce qu’elle craint une saga judiciaire avec le Port de Québec.

Le couple formé de Véronique Lalande et Louis Duchesne – qui a lancé l’Initiative citoyenne de vigilance du Port de Québec et déposé un recours collectif pour les épisodes de poussière, rouge ou pas – a invoqué cet été l’article 22 du règlement sur les nuisances. Celui-ci identifie comme nuisance «la production de poussière ou de particules dans l’air de façon à incommoder le voisinage».

Une enquête a été réalisée par un inspecteur municipal, et un rapport a été rédigé, mais les plaignants n’en avaient pas reçu copie. Ils ont dû faire une demande d’accès à l’information pour l’obtenir, un mois et demi après qu’il eut été signé et remis à la Division de la gestion du territoire. Le Soleil a pu le consulter aussi.

Le technicien en environnement-salubrité raconte comment il s’est rendu à la résidence Lalande-Duchesne une fois par semaine du 13 août au 10 septembre pour faire des prélèvements. Il avertit que la méthode était artisanale, qu’elle ne respectait pas le protocole réglementaire beaucoup plus contraignant.

Néanmoins, il constate «qu’il y a présence d’une contamination provenant d’une manutention de matériaux ferreux, car les poussières très fines recueillies les jours des prélèvements ont collé à un aimant. De plus, des poussières de bois y sont présentes et facilement identifiables à l’oeil nu.»

Plusieurs photos sont jointes au document. On y voit des résidences salies, une échelle en aluminium tachée de rouge, des échantillons contenant des poussières très foncées et des petits copeaux de bois.

L’inspecteur a aussi photographié ce qui se passait au port de Québec ces jours-là, pour se rendre compte qu’il y avait d’énormes monticules de minerais et de copeaux de bois à découvert. Il a noté que «la coloration des copeaux de bois est identique à celle retrouvée dans le secteur de Limoilou». Il a également été témoin du transbordement de vrac solide avec des pelles mécaniques. «Toutes ces opérations sont effectuées à l’air libre, et les vents étaient de 20 km/h lors de ma visite», écrit-il.

Pour les odeurs, la principale suspecte est l’usine de traitement des eaux usées de la Ville de Québec, située en zone portuaire. «L’odeur qui se propage dans Limoilou et qui occasionne des plaintes des résidents provient des bassins de décantation et surtout du bassin primaire», établit le technicien.

Recommandations

Dans ses recommandations, l’auteur propose notamment de faire «une analyse plus poussée des contaminants présents dans l’air de Limoilou», d’ajouter des espaces verts et d’«influencer les compagnies afin que leurs opérations polluantes par l’érosion éolienne et la dispersion de particules dans l’air soient évitées».

Dans une lettre distincte datée du 29 octobre, le directeur de la Division de la gestion du territoire, Alain Perron, prévient toutefois Louis Duchesne que «la Ville de Québec n’émettra pas de constat d’infraction».

Le règlement sur les nuisances prévoit que «quiconque crée ou laisse subsister une nuisance au sens de ce règlement […] commet une infraction et est passible d’une amende dont le montant est, dans le cas d’une personne physique, de 1000 $ et, dans le cas d’une personne morale, de 2000 $». S’ajoutent toujours des frais de cour. Le montant double en cas de récidive. Quand le problème se perpétue dans le temps, chaque jour génère une amende séparée.

«Le fait est qu’un règlement municipal qui porte sur un objet déjà régi par un règlement adopté en vertu de la Loi sur la qualité de l’environnement est inopérant», justifie M. Perron pour ne pas sanctionner.

Le cadre municipal fait également référence à la cause opposant l’Administration portuaire de Québec, son locataire IMTT, et le gouvernement du Québec, dont les interventions en territoire portuaire sont contestées. «La Ville se heurterait aux mêmes arguments constitutionnels pour faire respecter son règlement et devrait de son côté entreprendre une saga judiciaire déjà bien amorcée au niveau provincial», souligne-t-il.

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