Baie de Beauport: des frais d’entrée en prévision d’une baisse de subvention

Annie Morin, Le Soleil, publié le 14 septembre 2015

La Ville de Québec a approuvé, dès cette... (Photothèque Le Soleil, Pascal Ratthé)

La Ville de Québec a approuvé, dès cette année, des frais d’entrée de 2 $ par adulte à la Baie de Beauport. Ces tarifs combleraient, en totalité ou en partie, la différence créée par la réduction des subventions, soit plus d’un million de dollars sur cinq ans. (Photo: Pascal Ratthé, Le Soleil)

(Québec) C’est pour parer une baisse de sa propre subvention en 2019 que la Ville de Québec a approuvé dès cette année l’imposition de frais d’entrée de 2 $ par adulte à la Baie de Beauport.

La justification se trouve dans une note du Service des loisirs, des sports et de la vie communautaire obtenue par Le Soleil en vertu de la Loi sur l’accès aux documents publics. Une fonctionnaire y fait l’analyse des propositions de l’Administration portuaire de Québec (APQ) et de la Ville de Québec en vue du renouvellement, en 2014, de l’entente de financement permettant d’exploiter le site.

Le gouvernement fédéral est propriétaire des terrains de la Baie de Beauport, inclus dans le périmètre portuaire, mais il en a légué la gestion à la Ville de Québec après les festivités du 400e. Celle-ci préfère verser une subvention à l’APQ, qui a confié les opérations quotidiennes à l’organisateur d’événements Gestev.

Dans un tableau qui présente les demandes de chaque partie en 2014, on peut constater que le Port et la Ville sont d’accord pour tarifer l’accès au site. Une remarque est ajoutée par la fonctionnaire : «En accord avec leur proposition considérant que la Ville propose de diminuer la subvention à compter de la 6e année.»

Depuis la fin juin, les visiteurs de 16 ans et plus doivent débourser 2 $ pour profiter des installations de la baie de Beauport, qu’ils entrent par la piste cyclable ou le stationnement, payant lui aussi. C’est toujours gratuit pour les plus jeunes. Des usagers ont rechigné car ils considèrent que l’accès aux parcs, et plus particulièrement aux berges du fleuve Saint-Laurent, devrait être libre et gratuit partout dans la ville.

Quand Le Soleil a fait mention des protestations, la Ville de Québec a d’abord référé le dossier au Port de Québec, affirmant que c’était sa décision et sa responsabilité.

Un coup d’oeil à la version finale de l’entente de financement conclue entre l’APQ et la Ville, signée en juillet 2014, révélait toutefois que l’imposition de frais d’entrée avait été approuvée par l’administration municipale. Celle-ci n’a jamais motivé sa décision, dénoncée par l’opposition à l’hôtel de ville.

Les documents obtenus par Le Soleil permettent de mieux comprendre le contexte. On apprend ainsi que le Port voulait signer une entente de 10 ans avec la Ville de Québec, qui aurait contribué annuellement 700 000 $ plus taxes, une somme à indexer de 3 % par année. La Ville s’est finalement engagée pour cinq ans et 700 000 $plus taxes avec indexation selon l’indice des prix à la consommation (IPC). Elle a de plus allongé 250 000 $ pour améliorer les infrastructures, d’ici l’échéance en 2018. Cela porte les investissements à 3,75 millions $.

Contribution d’urgence

Pour les cinq années suivantes, Québec veut faire un chèque plus modeste de 500 000 $ annuellement, soit l’équivalent de la contribution d’urgence votée en 2008 pour animer le site. Ce montant n’est toutefois pas officialisé dans l’entente signée par le conseiller municipal Patrick Voyer (au nom du maire Régis Labeaume) et le président-directeur général du Port, Mario Girard.

Les revenus provenant de la tarification à l’entrée combleraient en tout ou en partie la différence, soit plus d’un million de dollars sur cinq ans.

Gestev, qui gère la Baie de Beauport, refuse de dire combien de personnes fréquentent le site annuellement et combien elle espère tirer des frais d’entrée désormais imposés aux visiteurs. Malgré une demande d’accès à l’information précise, Le Soleil n’a d’ailleurs pas obtenu les statistiques de fréquentation et les états financiers du parc nautique.

Seules des tendances générales figurent dans les rapports d’activités de Gestev et c’est la plupart du temps la météo qui semble influencer l’achalandage. En 2014, toutefois, la nouvelle concurrence du pavillon récréotouristique de Boischatel et du Centre Sainte-Anne à Sainte-Anne-de-Beaupré, où l’accès est gratuit, est soulignée.

Proche de la baignade

Un rapport d’activités de Gestev suggère qu’en 2011, la baignade était imminente à la Baie de Beauport.

«Un nouvel affichage pour la baignade et la qualité de l’eau est en élaboration avec le Service de l’environnement de la Ville de Québec. L’installation de cet affichage se ferait pour l’ouverture de la prochaine saison», peut-on lire, sans plus d’explications, dans le rapport obtenu en vertu de la loi fédérale sur l’accès à l’information.

La Ville de Québec achevait alors la construction de bassins de rétention pour éviter les déversements d’égouts dans la rivière Saint-Charles et le fleuve lors de fortes pluies. Il fut un temps où cette intervention était considérée comme un préalable à la baignade.

«Je sais que la Ville aimerait bien ça, le Port de Québec aussi, que la Baie de Beauport soit accessible à la baignade. Ça fait partie des choses que je sais qu’ils veulent faire», déclarait au Soleil Daniel Robitaille, directeur général de la Baie de Beauport, à l’été 2011. Lui-même était un ardent promoteur de la baignade. Confiant comme jamais, il disait attendre seulement le signal du Service de l’environnement de la Ville.

Or, rien de tout cela ne s’est concrétisé. En 2015, la baignade est toujours interdite. Les documents obtenus par Le Soleil confirment néanmoins les bonnes dispositions de l’Administration portuaire de Québec et de Gestev par rapport à cette possibilité.

Aucun projet

Selon Wendy Whittom, porte-parole de la Ville de Québec, «il n’y a pas eu de projet concret de baignade à la Baie de Beauport en 2011».

«Nous comprenons le souhait du Port et de Gestev pour la baignade à la Baie de Beauport. La Ville maintient toutefois l’interdiction de baignade pour une raison de santé publique. La qualité de l’eau aux abords des rives est très variable. Des tests peuvent révéler une eau conforme une journée, alors qu’elle ne le sera plus quelques heures plus tard. La qualité de l’eau varie subitement, et de façon imprévisible», explique-t-elle au Soleil.

Parmi les facteurs déterminants, la Ville pointe la température, le ruissellement de l’eau de pluie, le débordement des rivières et l’obstruction potentielle du réseau d’égout. Elle rappelle également que «la Direction régionale de la santé publique appuie la Ville quant à l’interdiction de baignade».

Cela n’empêche pas les gens de militer. Encore au printemps dernier, le comité Zone d’intervention prioritaire (ZIP) de Québec et Chaudière-Appalaches menait une campagne d’information et de sensibilisation auprès des conseils de quartier de la capitale et réclamait leur appui à la baignade dans le fleuve Saint-Laurent.

Attention poussière

Gestev a pris ses distances des problèmes de bruit, de poussière et d’odeur rencontrés dans le port de Québec dans le plus récent contrat de service ratifié par les deux parties. Alors que l’exemplaire de 2009 stipulait que le gestionnaire, en l’occurrence Gestev, «accepte et est conscient des inconvénients reliés à la proximité du secteur en exploitation portuaire», la version de 2015 ajoute qu’il n’en est «pas responsable». L’Administration portuaire de Québec accepte également de faire «des représentations auprès de ses clients afin de limiter et de minimiser ces inconvénients» – nommément : bruit, poussière, odeur, etc. – si les activités à la Baie de Beauport en sont affectées.

Une demande, deux récoltes

Le Soleil a formulé une demande d’accès à l’information comparable à l’Administration portuaire de Québec (APQ) et à la Ville de Québec, à la mi-juillet. Elle portait sur la gestion de la Baie de Beauport. Les réponses obtenues diffèrent passablement. Le Port a fait ses devoirs plus rapidement et dans les délais. En moins de 20 jours, il a fourni les ententes signées avec la Ville et Gestev, quelques factures et correspondances ainsi que les rapports d’activités de Gestev. Les passages concernant le budget et l’achalandage, tout comme les propositions de projets et la conclusion, ont toutefois été systématiquement masqués. La réponse officielle précise également que 157 pages n’ont pas été remises au Soleil en vertu de trois articles de la loi fédérale sur l’accès à l’information. La Ville de Québec a quant à elle posté les documents jugés accessibles après un mois et demi et un rappel du Soleil. Dans le lot de 200 pages, il y a plusieurs règlements et les ententes signées, des correspondances internes et externes, mais pas de rapports financiers ni de statistiques de fréquentation. Pour justifier les omissions, qui ne sont pas quantifiées, la Ville invoque pas moins de 12 articles de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels, ainsi qu’un article de la Loi sur le barreau et un autre de la Charte des droits et libertés. Il est rare qu’autant d’objections soient soulevées pour une même demande.

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