À l’eau le BAPE et Heurtel!

Brigitte Breton, Le Soleil, publié le 14 août 2015

(Québec) Le gouvernement Couillard et son ministre de l’Environnement, David Heurtel, souffraient déjà d’un déficit de crédibilité pour la façon dont ils ont mené le projet de TransCanada à Cacouna. Leur volte-face – car il en s’agit bien d’une – dans le projet d’agrandissement du port de Québec entretient le scepticisme.

Tout le printemps et jusqu’à la mi-juillet, le ministre Heurtel persistait à dire qu’il tenait à un Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) pour évaluer le projet d’expansion du port de Québec. Il prévenait l’administration du port que les lois québécoises devaient s’appliquer et qu’elle ne pouvait évoquer que le port se situe en territoire fédéral pour se soustraire à la Loi sur la qualité de l’environnement ou agir à sa guise. Québec est d’ailleurs devant les tribunaux pour défendre sa compétence en la matière.

Le 31 juillet, cette fermeté disparaît. Dans un communiqué, le ministre indique que son gouvernement fera valoir les préoccupations du Québec en participant étroitement au processus d’évaluation environnementale qui découle de l’initiative du Port et de la ministre fédérale de l’Environnement d’assujettir le projet d’expansion à la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale. À l’eau le BAPE, à l’eau le ministre québécois de l’Environnement.

On peut toujours accuser l’opposition péquiste de faire de la partisanerie en affirmant que le ministre «s’est couché devant l’administration portuaire et le fédéral». Que l’on soit fédéraliste ou souverainiste, il n’en demeure pas moins que le changement de ton de M. Heurtel en l’espace de deux semaines est étonnant et inquiétant.

Le ministre québécois présente comme un point positif le fait qu’il n’y aura qu’un seul processus environnemental. On pourrait se réjouir du non-dédoublement des évaluations et des ressources humaines et financières si un climat de confiance régnait et s’il s’agissait d’une véritable évaluation commune. Ce qui n’est pas le cas. Ottawa est maître à bord.

Ces derniers temps, le Port de Québec ne s’est pas toujours révélé le meilleur citoyen «corporatif». Ceux qui habitent près de ses installations et subissent la poussière rouge en savent quelque chose. Le gouvernement fédéral ne s’est pas montré non plus un grand défenseur de l’environnement et des intérêts des simples citoyens. Dirigé par les conservateurs de Stephen Harper, le gouvernement ne se gêne pas non plus pour imposer sa vision aux provinces.

C’est aussi ce même gouvernement qui, en 2012, par un projet de loi budgétaire mammouth, a modifié le processus fédéral d’évaluation environnementale. Dès l’application de cette loi, des centaines d’évaluations environnementales n’ont plus été requises au Québec. Il faut aussi souligner que le gouvernement conservateur accorde peu d’importance aux études des scientifiques.

Dans un tel contexte, difficile d’avoir une confiance absolue en Ottawa et en l’Agence canadienne d’évaluation environnementale. L’automne dernier, la Commissaire à l’environnement et au développement durable reprochait d’ailleurs à l’Agence de ne pas expliquer comment elle détermine les types de projet qui doivent être soumis à des évaluations. Le cas du Port de Québec constitue un bel exemple. L’Agence avait d’abord jugé que le projet d’agrandissement n’avait pas à être soumis à son regard et a changé d’avis. Bref, bien des éléments pour susciter la méfiance.

Dans le communiqué du 31 juillet, M. Heurtel rappelle que la priorité «est de veiller à la sécurité des citoyens et à la protection de l’environnement, tout en assurant la réalisation de projets porteurs pour le Québec». Des considérations économiques à court terme semblent manifestement avoir fait pencher la balance et forcer le ministre à modifier son discours.

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