Le ministre de l’Environnement, David Heurtel, s’est retroussé les manches. Une partie de bras de fer constitutionnel se dessine autour du projet d’agrandissement du Port de Québec entre Ottawa et Québec.
N’en déplaise à l’Administration portuaire de Québec (APQ), il demandera au Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) de démêler les impacts du projet d’agrandissement sur la qualité de l’air et de l’eau, ainsi que de « regarder à fond » les enjeux liés au transport d’hydrocarbures. « L’agrandissement du Port de Québec, c’est un projet […] majeur, et ça soulève des questions au niveau environnemental », a-t-il insisté lors d’une mêlée de presse.
Le gouvernement québécois « prendra les actions qui s’imposent » une fois qu’il aura en main le rapport de l’organisme indépendant — sans doute assorti d’une série de recommandations. Il aura toutefois du mal à assurer le respect d’éventuelles conditions du ministère de l’Environnement au projet d’agrandissement puisque l’APQ se dit assujetti exclusivement à la législation fédérale. Pas à la Loi sur la qualité de l’environnement ? « Non », a répondu la porte-parole de l’APQ, Marie-Andrée Blanchet, dans une entrevue avec Le Devoir.
« Ce n’est pas le Port de Québec qui va décider quelle loi s’y applique », a rétorqué M. Heurtel. « Notre position a toujours été la même : les lois du Québec en matière environnementale s’appliquent au projet d’agrandissement [du Port de Québec]. »
Le ministre exclut à l’heure actuelle de saisir les tribunaux afin de clarifier la portée de la Loi sur la qualité de l’environnement. Selon lui, « ce n’est pas productif de passer des années et des années, dépenser de l’argent, pour aller devant les tribunaux ».
Pourtant, le ministère de l’Environnement est déjà « devant les tribunaux ». À l’automne 2012, l’entreprise IMTT-Québec inc. — derrière un projet d’implantation de réservoirs de produits chimiques et pétroliers — lui avait signifié qu’elle ne participerait pas aux audiences publiques du BAPE. Elle avait plutôt demandé à la Cour supérieure du Québec de déterminer si le Port de Québec et elle sont soumis à la législation québécoise. L’affaire est toujours pendante.
Imbroglio
L’APQ a consenti à soumettre le projet d’agrandissement du Port de Québec à des consultations publiques menées conjointement avec le BAPE, a annoncé M. Heurtel en marge du caucus des élus libéraux jeudi avant-midi. « Ce qui est intéressant de souligner, c’est qu’il y a une collaboration avec le Port de Québec. On va travailler ensemble », a-t-il fait valoir.
Il n’en est rien, a soutenu l’APQ par voie de communiqué à quelques minutes du début de la période des questions. Le Port de Québec s’est dit « ouvert » à la possibilité que« le ministre, par l’entremise du BAPE, puisse soumettre des questions à l’Administration portuaire de Québec », a expliqué Mme Blanchet. L’APQ a opté pour cette « solution pour éviter de s’empêtrer dans un débat juridictionnel », a-t-elle précisé.
Par ailleurs, il n’a été question de confier les rênes des consultations publiques à la fois à des commissaires du BAPE et de l’APQ à aucun moment durant les échanges des derniers jours entre la sous-ministre à l’Environnement, Chrystine Tremblay, et l’APQ, selon des informations du Devoir.
À la sortie du Salon bleu, M. Heurtel a dit trouver « très dommage » l’attitude du Port de Québec. Cela dit, « il va y avoir un BAPE » sur le projet d’agrandissement, a-t-il promis.
Pacotilles
Le Parti québécois craint la mise sur pied d’un « BAPE de pacotilles », qui viserait à apaiser les inquiétudes des électeurs de Jean-Talon en vue de la partielle du 8 juin prochain. « De faire un BAPE, c’est bien beau, mais il faut que le BAPE aille des dents. Il faut que le BAPE joue un rôle déterminant dans la décision qui va être prise », a déclaré le député de Marie-Victorin, Bernard Drainville. Il presse M. Heurtel de « dire que le projet n’ira pas de l’avant tant qu’il n’y a pas de certificats d’autorisation ».