Port pétrolier à Beauport: le PLQ «veut-il rejouer le film de Cacouna?» Le PQ réclame en vain une évaluation environnementale

Isabelle Porter et Alexandre Shields, Le Devoir, publié le 23 avril 2015
Le Port de Québec souhaite prolonger ses quais.
(Photo: Alexandre Shields, Le Devoir)

Malgré les demandes de l’opposition, le gouvernement Couillard a refusé mercredi de s’engager à mener une évaluation environnementale du projet d’expansion du secteur portuaire de Beauport. Et aux prises avec une vive controverse en raison des exportations pétrolières associées à ses visées expansionnistes, le Port de Québec a effacé toute référence aux hydrocarbures de la présentation de son projet.

« Est-ce que le ministre [David Heurtel] veut rejouer dans le même film que Cacouna ?a lancé mercredi le porte-parole péquiste en environnement, Sylvain Gaudreault. Les citoyens veulent être consultés. Le gouvernement fédéral n’est pas en mesure d’exiger une évaluation environnementale. Est-ce que le ministre de l’Environnement va mandater le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement sur le sujet ? »

« Si le Québec ne joue pas son rôle, a-t-il aussi fait valoir au Devoir, le promoteur va s’adresser uniquement au gouvernement fédéral pour obtenir toutes les autorisations nécessaires. Ensuite, on va se retrouver avec un projet qui nous passe sous le nez, exactement comme dans le cas du pipeline Énergie Est de TransCanada. »

Le Port de Québec n’a effectivement pas déposé d’avis de projet auprès du gouvernement du Québec. Seul le fédéral a été interpellé au sujet de « Beauport 2020 », qui nécessitera des investissements de 500 millions de dollars. Infrastructure Canada étudie d’ailleurs présentement la demande de financement.

L’Agence canadienne d’évaluation environnementale a statué que le projet n’est pas assujetti à une étude. En fait, c’est le Port de Québec, promoteur du projet, qui mène lui-même sa propre évaluation. Mais est-ce que le Port de Québec est d’accord avec l’idée de soumettre son projet au BAPE ? « L’administration portuaire de Québec gère un territoire fédéral. Comme dans tous les projets, en vertu de son statut, le Port est assujetti aux législations fédérales en vigueur », a répondu sa porte-parole, Marie-Andrée Blanchet.

De toute façon, le ministre de l’Environnement ne s’est pas engagé mercredi à mener une évaluation environnementale de ce projet qui sera implanté dans le fleuve Saint-Laurent. « Nous allons nous assurer d’avoir l’ensemble des faits et nous allons défendre les intérêts non seulement des résidants de la région de Québec, mais les intérêts de tous les Québécois en matière environnementale », a simplement répondu M. Heurtel lorsqu’il a été interpellé par le PQ.

Mardi, le ministre a admis qu’il n’avait pas pris connaissance du projet du Port de Québec. « On attend de voir un projet avant de nous prononcer sur l’agrandissement du port », s’est alors contenté de répéter David Heurtel, en marge du caucus libéral. Quant à la tenue d’une éventuelle évaluation environnementale québécoise, celle-ci« dépend » de la teneur du projet, a-t-il dit.

Exporter du pétrole

Le Port de Québec compte prolonger ses quais sur une longueur de plus de 610 mètres, mais aussi construire un duc-d’Albe. Cette structure est implantée directement dans l’eau et permet de charger des liquides à bord de navires sans que ceux-ci aient à accoster à un quai.

La présentation du projet sur le site Web du Port de Québec, qu’on pouvait visionner depuis des mois (et jusqu’à mardi soir), indiquait que ce duc-d’Albe « offrira une solution compétitive pour le Port de Québec afin de devenir un point de sortie pour les exportations de produits pétroliers canadiens ».

Devant la vive controverse, l’administration a modifié mercredi la présentation de son projet. La direction du Port insiste maintenant sur l’agrandissement de ses quais. Selon un communiqué diffusé par le Port de Québec, la portion duc-d’Albe serait inscrite dans une « deuxième phase » du projet. La réalisation de celui-ci est prévue sur une période de cinq ans.

À l’heure actuelle, on ne sait pas comment serait acheminé le pétrole vers le secteur portuaire de Beauport si le projet se réalisait. Il bénéficie toutefois d’un accès direct au réseau ferroviaire. Tout convoi de wagons-citernes chargé de pétrole traverserait plusieurs zones résidentielles de Québec, dont Limoilou, Vanier et Sainte-Foy. La voie ferrée qui serait utilisée passe aussi à côté de garderies, d’écoles primaires et secondaires, mais également du cégep de Limoilou.

Une situation qui inquiète vivement des citoyens vivant à proximité du chemin de fer.« Si on augmente la quantité, on augmente les risques que ça se produise réellement », a expliqué Xavier Robidas, du comité Vigilance ferroviaire Limoilou.

M. Robidas, un jeune père de famille, a créé ce comité l’an dernier dans la foulée de la tragédie de Lac-Mégantic. Son fils fréquente une école située juste à côté de la voie ferrée. La Ville, dit-il, s’est dotée d’un très bon plan d’urgence pour réagir à un éventuel accident ferroviaire. Par contre, il reproche à Transport Canada de ne pas suffisamment inspecter les trains. « La Ville fait ce qu’elle peut faire. Maintenant, la question, c’est la prévention. »

À la Ville de Québec, le cabinet du maire Régis Labeaume a décliné notre invitation à réagir au débat. Lundi, le maire avait dit ne pas être au courant.

En plus de TransCanada, qui pourrait construire un port d’exportation de brut sur le Saint-Laurent, du pétrole pourrait aussi être transbordé à partir de Sorel-Tracy. Avec l’inversion de l’oléoduc 9B d’Enbridge, il est en outre attendu que du pétrole soit transporté entre Montréal et Lévis. Le projet Beauport 2020 s’ajouterait à tout cela. Le Québec n’a pas de stratégie pour répondre à un déversement d’importance dans le Saint-Laurent.

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