Port de Québec: digne du 19e siècle

Daniel Breton, Journal de Québec, publié le 17 juin 2015

Avez-vous déjà eu l’occasion de vous rendre au port de Québec? Personnellement, j’y suis allé très souvent dans mon enfance avec mes parents et j’ai toujours beaucoup aimé cet endroit. Je trouvais magiques ces moments où, après avoir marché dans le Vieux-Québec, mon père nous emmenait en voiture jusqu’au quai d’où nous allions prendre le traversier vers Lévis et Bellechasse où demeure une bonne partie de ma famille.

C’est d’ailleurs grâce au traversier Québec-Lévis que j’ai pour la première fois de ma vie pu apprécier toute la majesté de notre fleuve St-Laurent. Les vagues, le vent, leur puissance, tout ça a de quoi émerveiller tous les enfants du monde.

Adulte, je suis retourné à plusieurs reprises au port de Québec, mais le contexte était alors passablement moins bucolique.

Projet Rabaska : le port veut bâillonner tout le monde

En 2006, lors du débat entourant le projet de port méthanier Rabaska, un des opposants a eu le malheur d’envoyer une lettre aux croisiéristes afin de leur parler du projet Rabaska et de son impact potentiel sur les croisières. La réaction du port de Québec fut rapide. Ils ont tenté d’obtenir une injonction visant à interdire aux détracteurs du projet Rabaska de parler sans leur autorisation des impacts négatifs du projet de port méthanier sur l’industrie des croisières.

Peine perdue.

Le juge Michel Caron a rapidement débouté la requête du port de Québec. Néanmoins, cet épisode donnait déjà un bon aperçu de la façon de penser et de procéder de cette administration comme nous allions le découvrir au fil des dossiers.

2012 : IMTT et le BAPE

En 2012, l’entreprise IMTT-Québec inc. nous avait signifié qu’elle ne participerait pas aux audiences du BAPE car elle et le port de Québec avait décidé de privilégier  la voie des tribunaux (une fois de plus) en soumettant une requête sur la juridiction provinciale du MDDEFP sur les activités de l’entreprise et du Port à la Cour supérieure du Québec. Cette procédure m’a donc obligé à retirer le mandat confié au BAPE par le gouvernement précédent concernant l’implantation par cette entreprise de 7 nouveaux réservoirs de produits chimiques et pétroliers dans le Port de Québec.

Autrement dit, le port étant selon eux de juridiction strictement fédérale, ils considéraient que le gouvernement du Québec n’avait AUCUN mot à dire dans ce dossier même si tout le monde était parfaitement conscient des impacts potentiellement dangereux de ces installations.

On parlait de 7 réservoirs de produits chimiques et pétroliers à quelques centaines de mètres de résidences et du Vieux-Québec après tout! Je pouvais d’ailleurs très bien voir de mon bureau à quel point tout cela était rapproché. J’étais d’autant plus conscient du danger que j’avais grandi tout près de tels réservoirs à Montréal et que j’avais été témoin de déversements, d’incendies et même d’une explosion tout près de chez moi qui avait fait des victimes.

J’étais de plus bien au fait que le port de Québec avait beau se cacher derrière la juridiction fédérale, si jamais un tel accident arrivait, ceux qui auraient à composer en première ligne avec toutes les conséquences seraient d’abord et avant tout les citoyens de Québec, le gouvernement du Québec et la Ville de Québec… comme nous avons pu le constater dans le dossier de Mégantic.

Poussière rouge sur Limoilou

Un peu plus tard dans la même année, un vaste nuage de poussière rouge a envahi le quartier Limoilou. En réaction à cet événement médiatisé, le port de Québec a plaidé l’incident isolé, ce qui était faux. Suite à des analyses effectuées à la demande d’une citoyenne du quartier, Mme. Véronique Lalande, on a découvert « une concentration de nickel de 474 mg/kg dans la poussière de Limoilou, presque trois fois celle de la poussière de rue de New Delhi, en Inde, une concentration en cuivre de 644 mg/kg et une concentration 998 mg/kg de zinc, soit juste derrière la poussière de mégapoles comme New York et Hong Kong. » [Référence]

Prétextant une nouvelle fois la fameuse question de juridiction fédérale, Arrimage Québec, responsable de ces nuages de poussière rouge, ainsi que le Port de Québec, ont refusé l’accès au port aux inspecteurs du ministère de l’Environnement du Québec à plus d’une reprise, ce pourquoi ils reçu des constats d’infraction… qu’ils contestent devant les tribunaux une fois de plus.

Agrandissement du port de Québec

Ces jours-ci le port de Québec travaille sur un projet d’agrandissement de ses infrastructures. C’est dans ce contexte que le ministre de l’environnement David Heurtel a dit publiquement s’être entendu avec les autorités du port pour que cet agrandissement fasse l’objet d’un BAPE… ce qui a tout de suite été nié par l’administration du port de Québec en ces mots :

 «L’APQ n’a pas l’intention d’assujettir son projet d’agrandissement à l’obtention d’un certificat d’autorisation émis par le gouvernement du Québec et au processus d’audiences publiques du BAPE».

Le port se moque du comité de vigilance

Suite aux nombreux problèmes de poussière de nickel liées aux activités du port de Québec, un comité de vigilance où siègent des citoyens a été créé conjointement par les gouvernements provincial et municipal en 2013. Or que vient-on d’apprendre? Que le port de Québec refuse de lui donner de nombreuses informations.

Ainsi, le comité ne peut pas faire son travail.

Stratégie maritime

Dans les prochaines jours, le gouvernement du Québec dévoilera officiellement sa stratégie maritime. Or, selon des informations qui ont déjà coulé dans les médias, plusieurs millions de dollars seront octroyés au port de Québec afin que le gouvernement du Québec contribue financièrement à cet agrandissement.

Considérant à quel point cette administration méprise les citoyens, les élus de Québec, le gouvernement du Québec et tous les Québécois, je ne vois pas pourquoi on devrait les aider financièrement sans attacher des conditions tels que la protection de l’environnement, la sécurité… et le respect des gens de Québec.

Je veux bien croire que le port de Québec contribue à l’économique locale et régionale, mais un tel comportement est absolument indigne d’un citoyen corporatif responsable.

Quelqu’un devrait peut-être les informer de la grande nouvelle : Nous ne sommes plus au 19e siècle.

Les commentaires sont fermés.