Laurentia: «l’éléphant dans la pièce»

MICHAËL POTVIN, Québec

POINT DE VUE, Le Soleil, 9 avril 2021

Cette lettre n’a aucune prétention scientifique, logistique ou urbanistique. Que de la créativité, de la naïveté et du gros bon sens. Une faute avouée est à moitié pardonnée, les indignés sont alertés.

Je suis de près la saga du projet Laurentia qui vise à agrandir le Port de Québec afin d’y permettre l’implantation d’un terminal de conteneurs. Sans plonger dans le débat sur les bienfaits et les conséquences du projet, je réclame avant tout son rapatriement sous juridiction québécoise et l’élaboration d’une stratégie maritime.

Tout d’abord, abordons un enjeu qui inquiète profondément les citoyens : la piètre qualité de l’air. Responsabilité de tous, son assainissement commande une approche globale et multiforme. Lorsqu’on regarde ce qui se dégage des cheminées de la papetière et de l’incinérateur, auxquelles s’ajoutent les fumées des poêles à bois des résidents, il y a lieu d’être préoccupé. La Ville de Québec et la papetière, accompagnées par le gouvernement du Québec, devraient assumer leur part de responsabilité et améliorer leurs procédés. Il faudrait également prévoir sensibiliser et conseiller les citoyens quant à l’utilisation des poêles à bois.

Si nous ne pouvons imaginer un déménagement de l’incinérateur et de la papetière à court terme, je remets en question l’emplacement pour le dépôt à neige et le cimetière de remorques derrière la papetière. L’immense superficie du secteur permettrait une meilleure organisation. Un réaménagement, suite à une négociation entre les différents propriétaires fonciers, pourrait rendre superflu l’agrandissement proposé par le promoteur du projet Laurentia, auquel je suis opposé. Je suis prêt à considérer l’implantation d’un terminal de conteneurs, à condition qu’il n’engendre aucun empiétement sur le fleuve.

Ce terminal devra répondre aux inquiétudes des citoyens, principalement en matière de GES, de transport ferroviaire et routier. Avant l’achat de crédits carbone proposé par le promoteur et qui soulève des questionnements d’ordres éthique et moral, nous pourrions additionner la végétalisation, notamment à même la gare de triage. En plus de la captation de GES, la plantation jouerait un rôle d’écran visuel et sonore. Par l’aménagement urbain, nous pourrions également penser à un apaisement de la circulation sur le boulevard Henri-Bourassa et dissuader les camionneurs d’emprunter ce secteur tout simplement.

On ne peut nier la pertinence économique d’un terminal de conteneurs pour la région. Cependant, l’économie ne doit pas se jouer au détriment de la collectivité avoisinante et de l’environnement.

Les ports et la nécessité d’une stratégie maritime

La problématique avec Laurentia en illustre une autre, majeure : le Port de Québec est sous juridiction fédérale. Nous sommes propriétaires d’une maison, la capitale, mais il y a une pièce qui ne nous appartient pas, le port, qui peut mettre de l’avant un projet sans avoir à se préoccuper de la réglementation environnementale du Québec, dont le BAPE.

Actuellement, la survie du port passe par son agrandissement afin d’assurer son autonomie en matière de revenus, tout en payant une redevance à Ottawa, et parce que la subvention fédérale qu’il convoite exige un nouveau projet d’infrastructure. Une mise aux normes, une rénovation ou une réorganisation ne font pas partie des critères d’admissibilité à cette aide financière.

Comme son pendant de Montréal, le projet de Contrecœur, le Port de Québec propose une expansion. Toutefois, il y a une différence fondamentale avec celui de Québec qui est en plein cœur d’une ville patrimoniale.

Par l’entremise de son projet Saint-Laurent et son nationalisme, je suggère au premier ministre d’exiger le rapatriement des ports sous la juridiction du Québec, de présenter une véritable stratégie maritime et d’assister les administrations portuaires, les villes et les citoyens dans l’élaboration d’un aménagement durable afin de protéger notre fleuve dans sa globalité, un patrimoine commun et un vecteur de développement durable. J’ai l’ambition d’être indépendant. Par cette proposition, je fais une recommandation en ce sens.

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