Ottawa donne son feu vert à l’expansion du port de Montréal à Contrecœur

Jérôme Labbé, Radio-Canada, publié le 1 mars 2021

Le terminal à conteneurs que souhaite construire l’Administration portuaire de Montréal (APM) sur la Rive-Sud verra bel et bien le jour, et ce, même s’il entraînera la destruction de l’habitat d’une espèce de poisson endémique.

Le projet, qui avait déjà reçu l’aval de l’Agence d’évaluation d’impact du Canada, a été autorisé lundi par le ministre de l’Environnement et du Changement climatique, Jonathan Wilkinson. La nouvelle a été annoncée en fin de journée par communiqué de presse.

Cette décision fait suite à un processus d’évaluation environnementale rigoureux et fondé sur les données scientifiques, qui a permis de conclure que le projet n’est pas susceptible d’entraîner des effets environnementaux négatifs importants lorsque les mesures d’atténuation sont prises en compte, écrit le cabinet du ministre.

[L’]Administration portuaire de Montréal estime que le projet permettrait la création d’environ 5000 emplois pendant la phase de construction et générerait un peu plus de 1000 emplois directs pendant la phase d’exploitation, fait-il valoir également.

L’APMAdministration portuaire de Montréal s’est d’ailleurs réjouie de la nouvelle, vendredi soir. Cette décision favorable, rendue après cinq années de consultations et d’analyses par l’Agence d’évaluation d’impact du Canada, permet de franchir un jalon décisif vers l’obtention des permis, a-t-elle déclaré par communiqué.

Plus de 300 conditions à respecter

L’autorisation du ministre Wilkinson était la dernière étape majeure à franchir pour lancer les travaux, qui devraient être entrepris plus tard cette année.

Mais la décision du ministre Wilkinson constituait également le dernier espoir des écologistes qui, dans les dernières décennies, ont soulevé des inquiétudes quant aux conséquences du projet sur le chevalier cuivré, un poisson menacé de disparition, et la rainette faux-grillon de l’ouest, une grenouille dont la population décline.

Cet espoir s’est envolé lundi. Dans son communiqué, le cabinet du ministre Wilkinson souligne toutefois que son autorisation s’accompagne de 330 conditions juridiquement contraignantes que le promoteur devra respecter pendant toute la durée de vie du projet.

Les mesures qui en découlent, plaide-t-il, permettront de protéger la santé humaine, le poisson et son habitat, les oiseaux migrateurs, les milieux humides, l’utilisation du territoire et des ressources par les Premières Nations, les patrimoines naturel et culturel et les espèces en péril.

Pour mitiger les impacts sur la faune et la flore, l’APMAdministration portuaire de Montréal s’est déjà engagé à déployer des mesures d’atténuation et de compensation exemplaires. Mais cette promesse n’est pas suffisante pour les environnementalistes.

Lundi, la Société pour la nature et les parcs (SNAP Québec) a dénoncé la décision du ministre, qu’elle a qualifiée d’inacceptableNous prendrons tous les moyens légaux nécessaires pour faire respecter la Loi sur les espèces en péril, a-t-elle tweeté.

C‘est un affront à la biodiversité et à la sauvegarde d’une espèce menacée, a ajouté le député néo-démocrate Alexandre Boulerice. Je me demande quelles « compensations » peuvent sauver une espèce. Sur l’environnement, les libéraux déçoivent encore.

Déjà, le 19 février, Pêches et Océans Canada avait donné des signes que l’autorisation du ministre Wilkinson serait accordée.

Dans un projet d’arrêté publié dans la Gazette du Canada, le ministère avait annoncé son intention de protéger l’habitat du chevalier cuivré, tout en précisant le décret concernant l’habitat essentiel ne devrait pas avoir de répercussions considérables sur le projet de Contrecœur.

Un projet qui ne date pas d’hier

Contrecœur a été choisie dans les années 1980 pour accueillir les conteneurs du port de Montréal, le jour où il manquerait de place. Au fil des ans, 468 hectares de terrains ont été acquis, soit presque 10 fois la superficie du Parc olympique de Montréal. Ces terrains ont été loués à des cultivateurs en attendant.

Plus récemment, l’implication de la Banque de l’infrastructure du Canada (BIC) a donné de l’élan au projet, qui sera réalisé en partenariat public-privé. La BIC a promis d’investir jusqu’à 300 millions de dollars, alors que le gouvernement du Québec a promis 55 millions.

Le reste de la facture sera acquitté par l’APMAdministration portuaire de Montréal et les futurs exploitants du terminal, qui devrait coûter entre 750 et 950 millions à construire.

Il s’agit dans les faits du plus gros projet de port industriel des dernières décennies sur le Saint-Laurent.

Le port de Montréal possède déjà 19 terminaux, dont un à Contrecœur. Depuis les années 1950, on y décharge du vrac solide, pour alimenter, entre autres, l’industrie sidérurgique. Le terminal à conteneurs qui s’ajoutera pourra accueillir deux cargos à la fois. Il sera aménagé à 1 km en amont du terminal de vrac, à la limite de Verchères.

À terme, 1,15 million de conteneurs transiteront par Contrecœur.

Le projet prévoit aussi l’aménagement de nombreuses installations, dont une gare ferroviaire de triage de sept voies et une aire de contrôle qui permettra de gérer les 1200 camions supplémentaires qui transiteront chaque jour par le port de Contrecoeur.

Trois consortiums se font la lutte dans le cadre d’un appel d’offres pour la construction du nouveau terminal, dont la mise en service est prévue pour 2024.

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