GASTON DÉRY, expert-conseil en responsabilité sociale
Le Soleil, publié le 24 novembre 2020
POINT DE VUE / Le rapport préliminaire de l’Agence d’évaluation d’impact du Canada conclut que le projet Laurentia du Port de Québec aura de multiples «effets environnementaux négatifs importants». Malgré le support de certains acteurs économiques, politiques, universitaires et même d’une grande portion de la population, force est de constater que les nombreuses réactions émanant du public illustrent que ce projet ne fait pas encore suffisamment l’objet d’une acceptabilité sociale. Le refus d’appuyer le projet de la part des deux élues représentant les districts de Maizerets-Lairet et de Limoilou est à ce chapitre éloquent.
L’acceptabilité sociale est une notion associée au développement durable. Elle est désormais une condition sine qua non pour tout projet, bien au-delà des considérations environnementales et économiques. Sans acceptabilité sociale, un projet ne peut voir le jour, car la population revendique son espace citoyen et désire vivre en harmonie avec tout projet qui exerce un impact sur sa vie. Définir une relation ville-port est un phénomène mondial qui concerne tous les ports et le Port de Québec n’y échappe pas.
Pour obtenir une acceptabilité sociale dans un projet, la voie à suivre demeure une approche structurée en responsabilité sociale qui constitue l’avenue permettant à toutes les parties prenantes d’analyser l’ensemble des paramètres sociaux, environnementaux, culturels et économiques d’un projet afin de dégager une forme de consensus pour son adoption. Il demeure essentiel que tout un chacun démontre une attitude ouverte et de bonne foi afin d’édifier une société meilleure.
Ce phénomène est mondial et est intimement lié au modèle de la mondialisation et s’est développé parallèlement à la montée en puissance des multinationales. Une norme internationale (ISO 26 000) suggère d’ailleurs les grands principes à respecter dans le cadre d’une telle démarche. La responsabilité sociale propose des garde-fous face au pouvoir de ces organisations devenues autant, voire plus puissantes que certains États et elle constituent en cela un outil de régulation de la mondialisation. Elle incite à un comportement responsable des entreprises, accroît leurs chances de succès et peut apporter des avantages économiques au bénéfice des citoyens.
Elle doit répondre essentiellement à cinq grands principes, soit adopter les bonnes pratiques et encourager les promoteurs dans ces bonnes pratiques, concernant notamment la mise en place d’un comité de suivi tôt dans l’élaboration de leur projet; informer la population sur les projets majeurs, les usages et les droits consentis sur le territoire, les processus d’analyse, d’autorisation des projets et les guides existants; réviser le processus d’affectation territoriale pour le rendre plus transparent et participatif; encourager les acteurs locaux à participer activement au développement des projets (consultations publiques, comités de suivi); finalement, produire un guide de bonnes pratiques pour la mise en place et le fonctionnement du comité de suivi. Je connais bien le projet Laurentia et je demeure convaincu qu’il y a moyen de faire en sorte qu’il prendra en compte tous les intérêts de la région de Québec.
Toutes les grandes villes du monde ont un point en commun: la présence d’un port. Le port de Québec doit survivre face à la concurrence de certains ports de la côte est américaine et son développement est incontournable. Il faut désormais trouver un juste équilibre entre tous les utilisateurs. Les citoyens de tous continents et de tous pays recherchent, pour eux-mêmes et pour leurs enfants, à la fois la satisfaction de leurs besoins vitaux (nourriture, logement, santé, emploi, la sécurité de leur milieu de vie, la sécurité physique et environnementale). C’est pour cela que, dans la ligne du Rapport de la Commission Brundtland, ils situent leur action au cœur du concept de développement durable, qui recouvre indissociablement le développement économique, la protection de l’environnement et la qualité de vie des citoyens.
Le projet Laurentia est sur toutes les lèvres et occupe en grande partie la place publique depuis plusieurs mois. Il est tout à fait normal que ce projet soulève les passions, car Québec, ville du patrimoine mondial de l’UNESCO, tire ses origines du domaine maritime. Les Québécois et Québécoises sont majoritairement issus de familles en lien avec la vie maritime. Le Port de Québec, à l’origine de la création de la ville de Québec, a contribué à son histoire et à son patrimoine. Dernier port en eau profonde du Saint-Laurent, il doit redevenir une source de fierté pour les citoyens de la ville de Québec. Une approche en responsabilité sociale s’avère la voix à suivre pour en arriver à un pacte social entre les citoyens et le Port de Québec.